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Confessions d'une chasseuse de tête : pourquoi il faut impérativement fréquenter le Fouquet’s, ce restaurant où "il suffit d’écouter et d’observer pour savoir ce qui se dit et se prépare à Paris"
©Reuters

Bonnes feuilles

4 000 repas pris, en trente ans, dans le célèbre restaurant des Champs-Elysées, cela mérite le respect ! D'autant que Catherine Euvrard n'y a pas rencontré que des grands patrons. Trenet, Aznavour, Johnny, Bruel, Michèle Morgan... Grâce à une table située juste à l'entrée du restaurant, dont la chasseuse de tête a su faire sa "tour de contrôle", un poste d'observation idéal sur le monde des affaires et du show-biz. Extrait de "Mon Fouquet's - Un chasseur de têtes se met à table", de Catherine Euvrard, publié chez Eyrolles (1/2).

Catherine  Euvrard

Catherine Euvrard

Catherine Euvrard dirige CE Consultants, l'un des plus importants cabinets de chasseurs de tètes, spécialisé dans le recrutement de cadres supérieurs et dirigeants.

 

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Au Fouquet’s, il suffit d’écouter et d’observer pour savoir ce qui se dit et se prépare à Paris. Sur tous les plans, business autant que vie privée. Je me souviens, à cet égard, d’un déjeuner avec ma bonne camarade Jenny-Paule Casanova. À un moment donné, j’éprouve la sensation que Jenny-Paule ne m’écoute plus. Elle n’est plus avec moi. Intriguée, je suis son regard. Il file vers un bel inconnu qui vient de passer devant notre table. « Ho ! On dirait que tu ne le trouves pas mal, cet homme », dis-je en plaisantant. Jenny- Paule se retourne vers moi, comme piquée au vif : « Bravo ! Garde-le pour toi, mais tu as deviné : nous sommes ensemble depuis huit jours et tu es la première à l’apprendre. » Le monsieur en question, ancien président de la Cecar, s’appelait Philippe Carle et venait d’être promu président de l’assureur Marsh & McLennan. Et il n’allait pas tarder à épouser Jenny-Paule…

Le Fouquet’s, je l’ai compris peu à peu, est un établissement qui ne dort jamais. Ici, la journée s’étale sur vingt heures. Dès 7 heures s’y présentent les plongeurs et les femmes de ménage. Une heure plus tard, ce sont les livraisons. Tout est « frais du jour », qu’il s’agisse de légumes, de fruits, de viandes, de poissons ou de crustacés. Vers 11 heures, on livre les bouteilles (les réserves abritent, paraît-il, 400 000 flacons). Les fourneaux ne s’éteignent qu’à 3 heures, après quinze heures de bons et loyaux services. Et cela sept jours sur sept, cinquante-deux semaines par an. Une performance qui dure depuis plus de cent ans.

C’est la conscience de cette performance et l’attachement à un service impeccable qui expliquent la mobilisation des habitués du Club et, plus largement, de milliers de clients réguliers ou occasionnels, en 1988, quand le Fouquet’s a failli disparaître. J’étais au premier rang de la barricade, faisant signer des pétitions pour le compte du Comité de sauvegarde du Fouquet’s et prête à bloquer les Champs Élysées pour la bonne cause du sauvetage du patrimoine !

De quoi s’agissait-il ? De refuser la transformation de l’angle des avenues des ChampsÉlysées et George-V en fast-food ou en galeries de fringues. Le dernier restaurant des Champs, héritier direct de la Belle Époque, et seul de son espèce sur les Champs, risquait bel et bien de disparaître ! C’était en effet seulement le fonds de commerce que Maurice Casanova avait racheté, quelques années plus tôt, à la SA Restaurants du Café de Paris. Le terrain et les murs étaient la propriété d’une holding koweïtienne. Le bail venant à son terme, cette société estimait (sans doute à juste titre, hélas) que le rapport de son placement financier serait bien meilleur si elle transformait le site en galerie marchande ou en établissement de restauration rapide. Bien des adresses historiques des Champs avaient déjà subi une telle humiliation, à commencer par le superbe hôtel Claridge, à quelques centaines de mètres du Fouquet’s.

Le 25 mai 1988, le tribunal de commerce donna raison aux propriétaires et reconnut la légalité du non-renouvellement du bail. Ce fut alors la mobilisation générale, orchestrée par Maurice Casanova. Tous les « Fouqueteux », jeunes ou vieux, célèbres ou anonymes, se mobilisèrent et, surtout, mobilisèrent leurs réseaux, qui étaient nombreux et influents. Je n’étais pas la dernière à courir Paris et à téléphoner à toutes mes relations pour sauver mon cher restaurant. Jean-Paul Belmondo, Philippe Couderc, Jacques Chancel, Charles Aznavour, Pierre Bergé, Claude Zidi, Bernard Pivot, José Artur, Georges Cravenne, Maurice Lévy, Pierre Dux, César en étaient… Un grand amoureux de Paris, Jack Nicholson, mobilisa même l’Amérique et le Tout-Hollywood. Ce n’était plus un comité de défense, mais un Bottin mondain !

Finalement, le 19 octobre 1988, Jack Lang, alors ministre de la Culture, nous annonça la grande nouvelle : il entendait procéder à l’inscription du Fouquet’s à l’Inventaire des monuments historiques. Quant à moi, j’allais pouvoir renouveler mon bail avec le célèbre restaurant où j’avais déjà tant de souvenirs…

Extrait de "Mon Fouquet's - Un chasseur de têtes se met à table", de Catherine Euvrard, publié chez Eyrolles, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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