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Comment certains parlementaires "agriculteurs" parviennent à échapper aux cotisations sociales
©Reuters

Bonnes feuilles

Nous arrivons à une période charnière de la vie politique française. A quelques mois de plusieurs élections cruciales, l'auteur, donne de nouvelles informations, preuves à l'appui, sur les méthodes, les avantages et les privilèges que s'octroient une grosse minorité de politiciens et leurs façons de gérer les élections. (Extrait de "Allez (presque tous) vous faire... Pilleurs d'etat - tome 2" de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo 1/2)

Philippe Pascot

Philippe Pascot

Adjoint au maire d’Évry Manuel Valls, ancien conseiller régional, chevalier des Arts et des Lettres, Philippe Pascot milite pour une réelle transparence de l’exercice politique.
Il est l’auteur avec Graziella Riou Harchaoui de Délits d’élus, tome 1 : 400 politiques aux prises avec la justice (Max Milo, 2014) et de Pilleurs d'Etat (Max Milo, 2015).

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Tous les micro-entrepreneurs à temps plein, tous ceux que l’on oblige aujourd’hui à s’affilier au RSI vont être ravis de lire ce qui suit. Il y a des régimes obligatoires comme celui de la Sécurité sociale où tous et chacun doivent cotiser pour profiter et faire profiter l’ensemble de la population des prestations sociales. Il y a la Sécurité sociale générale et la MSA pour les agriculteurs. La MSA, c’est le deuxième régime de protection sociale en France. Elle protège l’ensemble de la profession agricole. Chaque entrepreneur agricole a obligation d’y cotiser.

La MSA verse les retraites à plus de six millions d’anciens salariés et non-salariés agricoles et informe les futurs retraités sur leurs droits. Elle les accompagne dans leurs démarches pour préparer et bien vivre la retraite. « Au 1er janvier 2015, 467 591 chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ont été dénombrés en France métropolitaine », indique la MSA, alors qu’on comptait 490 000 fermes dans l’Hexagone selon le dernier recensement datant de 2010. Le métier d’agriculteur devient de plus en plus dur, les jeunes ne veulent plus reprendre l’exploitation familiale ou s’installer pour être à la merci des banques qui ne leur laissent souvent d’autre choix qu’une survivance précaire.
Dans le cadre de ces cotisations, il y a quand même quelques exceptions qui durent et perdurent surtout quand cela arrange quelques parlementaires qui se déclarent « agriculteurs ». Certes, il en reste beaucoup moins qu’avant et il est vrai que, de suite après-guerre, les deux assemblées n’étaient pas remplies de cadres supérieurs ou de fonctionnaires (hauts) détachés. Il y avait encore des parlementaires issus de la terre. Aujourd’hui, d’après les chiffres « officiels », il y aurait une quinzaine de députés classés exploitants agricoles. Parmi les sénateurs, seize se déclarent pour leur part agriculteurs ou exploitants agricoles. N’ayant pas accès aux fiches annexes des déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires, je n’ai pas pu constater de visu si par exemple, tout à fait fortuitement, tous nos parlementaires ayant des fermages ou des haras – ou autres joyeusetés en rapport avec la terre – ne se sont pas, par le plus grand des hasards bien entendu, déclarés exploitants agricoles. L’opacité volontaire qui entoure tout ce que l’on devrait savoir ne permet que des supputations sur le sujet.
Article L722-11 - Code rural et de la pêche maritime
Modifié par loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 - art. 59.
« …Ne sont pas assujettis au régime d’assurance obligatoire instituée par le présent paragraphe 2 les parlementaires, les anciens parlementaires jouissant à ce titre de leur droit à la retraite, ainsi que les invalides, veuves et orphelins de guerre ».
« …Toutefois, les personnes mentionnées à l’alinéa précédent peuvent demander aux caisses de Mutualité Sociale Agricole le bénéfice des dispositions de la loi n° 77-773 du 12 juillet 1977 tendant à l’abaissement de l’âge de la retraite pour les anciens déportés ou internés, sans autre condition que celles prévues par cette dernière loi… ».
En clair, cela veut dire que les parlementaires sont exonérés de cotisation MSA lorsqu’ils possèdent un terrain agricole productif comme sont exonérés de cotisation de solidarité les bénéficiaires du RSA, les handicapés titulaires de la Cotorep, les chômeurs de longue durée, les jeunes agriculteurs qui s’installent. Les députés et les sénateurs se sont donc classés d’eux-mêmes parmi les nécessiteux et se sont arrogés une tolérance rien que pour eux. Elle leur permet de ne pas cotiser à la fois au régime d’assurance maladie de leur assemblée et à celui de la MSA, la Mutualité Sociale Agricole. Encore une fois, on peut se poser la question du pourquoi ce sont toujours les mêmes qui doivent payer : ceux qui ont le moins.
Loi Sapin 2 pour défendre les territoires agricoles français ? 
Il y a quelque temps, un fonds de gestion chinois basé à Hong Kong a réussi à acheter 1 700 hectares de terres agricoles dans l’Indre, au cœur du bassin céréalier français, sans que personne ne puisse intervenir alors qu’un organisme français (la Safer) est spécialement chargé de préempter (acheter avant). L’objectif poursuivi étant d’éviter que les terres agricoles françaises finissent toutes entre des mains étrangères. La Safer n’ayant rien vu venir, l’État a préféré légiférer pour que pareille mésaventure ne se reproduise pas.
Le projet de loi relatif à la transparence et à la modernisation de la vie économique, dit loi Sapin 2, fait voter plusieurs dispositions sur le foncier agricole et les relations commerciales entre agriculteurs et acheteurs dont une « … qui met un terme à des contournements observés dans les cessions foncières par le biais de certains montages sociétaires. Pour mieux préserver les terres agricoles et assurer le maintien de l’activité agricole, la loi prévoit de sécuriser le droit de préemption des Safer en obligeant toute société souhaitant acheter des terres agricoles à créer un groupement foncier agricole ». Ouf ! Les terres agricoles resteront françaises ! Eh bien ! non, plusieurs parlementaires se réunissent et attaquent la disposition au Conseil constitutionnel. Le 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel retoque la disposition protectrice du territoire agricole … Je n’ai pas réussi à savoir les noms des parlementaires qui ont demandé l’invalidation de l’amendement protégeant les agriculteurs d’une invasion « étrangère » au Conseil constitutionnel. J’espère seulement que ce ne sont pas les mêmes qui se sont arrangés pour ne pas cotiser à la caisse de sécurité sociale agricole.
Je sais pas vous, mais si j’étais responsable syndical ou d’une fédération d’agriculteurs, je chercherais le nom et le prénom des parlementaires qui ont déposé un recours au Conseil constitutionnel, juste pour leur faire savoir qu’on sait et le faire savoir à tous les petits agriculteurs qui voient leur terre bradée par des grands trusts, français ou étrangers.
Dernière minute
Craignant sans doute la peur d’un soulèvement des paysans qui aurait fait tache dans le paysage à quelques mois des élections, les députés pour une fois se sont empressés de rectifier la loi retoquée par le Conseil constitutionnel. Les députés ont voté le 18 janvier une proposition de loi qui vise à lutter contre l’accaparement des terres agricoles par de grandes sociétés et à préserver le modèle français d’exploitation familiale en renforçant le pouvoir des Safer. Espérons que, cette fois-ci, le Conseil constitutionnel ne va pas la rejeter à nouveau.
On se demande également pourquoi nos représentants ne vont pas aussi vite pour refaire les lois rejetées, elles aussi, sur le « reporting » des grosses entreprises, la fraude fiscale, etc. Mais cela ne devait sans doute pas suffire pour en savoir plus sur chaque Français car, quelques temps après, sous des prétextes de sécurité, le gouvernement décide de ficher tous les Français.
Extrait de "Allez (presque tous) vous faire... Pilleurs d'etat - tome 2" de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo

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