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Brexit : comment le “no deal” s’est imposé dans les têtes en Europe comme au Royaume-Uni
©Reuters

Hard-Brexit

Dans son intervention devant les parlementaires britanniques de ce 29 janvier, Theresa May a indiqué souhaiter ré-ouvrir les négociations avec Bruxelles sur la question du backstop, c'est à dire sur la frontière nord-irlandaise. Une hypothèse déjà préalablement refusée par Bruxelles.

Renaud Thillaye

Renaud Thillaye

Renaud Thillaye est consultant en affaires européennes et analyste politique, expert associé à la Fondation Jean Jaures et à Policy Network.

 

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Atlantico: Ne peut-on pas voir dans cette négociation, une volonté des deux parties de se diriger vers le "no deal", une absence d'accord ? 

Renaud Thillaye: Theresa May se trouve dans une situation qui laisse peu de marges de manœuvre. Après avoir essuyé un revers spectaculaire lors du premier vote du Parlement britannique sur l’Accord de retrait, elle doit lâcher du lest et montrer qu’elle peut rassembler une majorité. Le « backstop » (ou filet de sécurité) envisagé pour la frontière nord-irlandaise étant le point le plus critiqué dans les rangs conservateurs, il était naturel qu’elle montre de la bonne volonté de ce côté-là. D’où son soutien à l’amendement « Brady », soutenu par les hard brexiters du European Research Group (ERG) et par les unionistes nord-irlandais, et qui, après son adoption mardi soir, suggère des solutions alternatives (sans les préciser) à celles proposées dans l’Accord de retrait. Dans les faits, cela signifie une demande de réouverture des négociations, avec le risque (probable) d’un refus des 27. Mais Theresa May n’a pas le choix et doit en passer par là par rendre le scénario du « no deal » plus probable et finir par convaincre les députés conservateurs de voter en faveur de l’accord tel quel. C’est acrobatique, mais le seul chemin possible pour elle. Et si ce nouveau développement augmente légèrement les chances du « no deal », il ne le rend pas pour autant certain. Une autre option reste celle du second référendum. 

En quoi cette question de la frontière nord-irlandaise cristallise l'ensemble de la négociation ? Au regard des intérêts des deux parties, un accord peut-il être trouvé alors que les positions apparaissent irréconciliables ? 

Aucune des solutions envisagées par l’Accord de retrait pour éviter un retour à une frontière physique en Irlande ne satisfait les députés conservateurs car elles ne respectent pas les lignes rouges définies par Theresa May, notamment la sortie de l’espace juridique européen et de l’Union douanière.

La première option serait que le Royaume-Uni prolonge la période de transition dans laquelle il est censé entrer en avril 2019, autrement dit une prolongation du statut actuel (dont la participation au Marché unique et à l’Union douanière) sans le droit de vote. Anathème pour les Brexiters.

La deuxième option serait que l’Irlande du Nord reste dans le Marché unique et l’Union douanière. Inacceptable car cela nécessiterait d’introduire une frontière au sein du Royaume-Uni, en mer d’Irlande. Le DUP est particulièrement opposé à cette option qui risquerait de relancer les spéculations sur une réunification irlandaise.

Enfin, la troisième option consiste pour l’ensemble du Royaume-Uni de rester dans une forme d’Union douanière avec l’UE, ce qui impliquerait également un alignement réglementaire important. Pas vraiment la reprise du contrôle espérée par les Brexiters.

Depuis le début des négociations l’ERG et Boris Johnson assurent que la technologie permettra d’éviter une frontière « dure ». Or l’UE n’a jamais été convaincue. 

Comment anticiper la suite de la négociation dans ce cadre ? 

Tout reste très difficile à prévoir. Les 27 font désormais face à un dilemme : prendre au sérieux la « nouvelle majorité » qui se dégage au Parlement britannique et « aider » Theresa May en faisant quelques concessions. Mais le discours a été très ferme jusqu’ici et il est difficile de ne pas voir, du coté européen, une forme de chantage britannique.

Un happy end est improbable à court terme. Plutôt que de recourir à un second vote sur l’Accord en l’absence de concessions des 27, le gouvernement britannique va sans doute demander, dans un premier temps, une extension de la période de deux ans prévue par l’Article 50. Cependant, cette mesure sera limitée à début juillet, date d’entrée en fonction du nouveau Parlement européen après des élections auxquelles ne devraient pas, en principe, participer les Britanniques. D’ici là, et sauf revirement spectaculaire des Européens, le Parlement britannique devra décider entre l’adoption de l’Accord, l’organisation d’un nouveau référendum, ou un « no deal » assorti de mesures de transitions minimales. 

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