Abstention : les démocraties libérales ont sauvé leurs économies de la grande crise de 2008. Mais totalement raté sa prise en compte politique<!-- --> | Atlantico.fr
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Un trader à la Bourse de New York le 7 octobre 2008.
Un trader à la Bourse de New York le 7 octobre 2008.
©MARIO TAMA / GETTY IMAGES AMÉRIQUE DU NORD / GETTY IMAGES VIA AFP

Evaluation des dommages

Lors de la crise financière de 2008, les démocraties libérales se sont mobilisées et ont déployé des mesures pour sauver les banques, les entreprises et des pans entiers de l'économie. La prise en compte politique d’un tel événement n’a pas été réellement au coeur des préoccupations lors de la gestion de la crise.

Philippe Béchade

Philippe Béchade

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers.

Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme. Rédacteur aux Publications Agora, vous trouvez chaque jour ses analyses impertinentes des marchés dans La Chronique Agora.

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Atlantico : Durant la crise de 2008, les démocraties libérales ont tout fait pour sauver les banques et entreprises de la chute et ont mis en place des systèmes afin de sauver des pans entier de l’économie. Néanmoins, la prise en compte politique dun tel événement na pas été fait. Sur quoi aurions-nous dû travailler ?

Philippe Béchade : Nous aurions dû travailler sur quelque chose de fondamental : la couverture de responsabilité avec une évaluation des dommages. Lorsque l’on a mis en place des mesures pour éviter le désastre le risque aurait dû être évalué pour les contribuables ainsi que l’impact sur la crédibilité des devises. De plus, nous nous sommes interdits d’interroger les responsables comme la banque centrale qui n’a pas accompli sa vision de supervision. Son laxisme est à l’origine des problèmes car ils ont échappé à leur supervision.

Ainsi, tous les acteurs ont repoussé la faute sur d’autres acteurs. Cela a dissous la responsabilité et plus personne ne s’est retrouvé responsable. Une fois tout cela fini, on a laissé aux pompiers pyromanes le soin de reconstruire le système. Désormais un problème de dette doit se résoudre par la dette. Il s’agit de morphine monétaire qui permet au marché de vivre dans un paradis artificiel déconnecté de la réalité de terrain, de l’accroissement des inégalités et du gonflement des dettes. Nous avons donné les pleins pouvoirs à ceux qui n’ont rien fait pour éviter l’effondrement.

Aujourd’hui, nous nous sommes accoutumés au quantitative easing où circule de l’argent magique.

Vous avez affirmé que la peur et lavidité étaient des tendances qui simposent depuis le début de la pandémie. Quest-ce qui selon vous matérialisent cela ?

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La peur et l’avidité sur les marchés financiers sont les deux principaux ressorts qui ont été étudiés aussi bien par Marx que par Proudhon. C’est le rôle des banquiers centraux d’être les sages et de rétablir la normalité après une peur panique. Depuis l’automne 2008-2009, malheureusement ils promeuvent l’avidité. Ils donnent de l’argent uniquement à ceux qui ont les moyens pour maximiser les possibilités de gains avec de l’abondance monétaire. Les banquiers centraux considèrent qu’ils donnent de l’argent à des investisseurs connaissant mieux le risque que le commun de mortels. Ils peuvent alors prendre des positions sur les marchés dérivés.

Nous sommes aujourd’hui à un million et demi de milliards d’encours sur les marchés dérivés. Cette somme est gérée par une infime partie de la population… On considère qu’ils maîtrisent parfaitement les rouages et les risques encourus. Néanmoins, les banquiers centraux considèrent que ces gens qui manipulent beaucoup d’argent ne sont pas avides et que ce péché est l’apanage des petites mains, boursicoteurs…

Entre 2008 et 2009, nous n’avons pas changé les règles du jeu et avons confié la totalité du jeu à ceux qui étaient responsables de la fin catastrophique de la partie précédente. En 2021, tout le monde a alors compris que l’argent magique allait être pour toujours. Et ceux qui pourraient perdre cet argent savent qu’ils sont renfloués. Avec cette crise, nous avons dépassé tous les leviers de niveaux spéculatifs vus en 2008. Nous sommes dans l’avidité absolue.

Depuis le début de la pandémie, comment les questions de peur et davidité simposent dans les débats ? Quest-ce que cela amène ? Est-il encore temps de lutter ?

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Il est très difficile de se battre contre un million et demi de milliard d’encours sur les marchés dérivés. Si quelque chose se passe mal, il y a tellement de zéro que personne ne sait à quoi cela correspond. Il suffirait pourtant qu’il y ait 0,1 % de cette somme pour que le système financier soit perturbé.

Personne ne contrôle cela car de nombreuses personnes se sont jetées sur la dette. On se dit que les dettes ne seront jamais remboursées et qu’elles seront roulées éternellement et qu’il est possible de s’endetter sans limite. À partir du moment où les dettes sont augmentées indéfiniment et remboursées par de nouvelles dettes, il s’agit d’un emprunt perpétuel. Avec les dettes émises à 0 % de rémunération, personne ne doit d’argent. Le débat qui a agité les élites intellectuelles sur le remboursement de la dette n’a aucun sens. Tous les citoyens des pays développés ont compris que les dettes se roulent et que la seule chose que l’on ait à payer c’est l’intérêt. Mais si les banques centrales mettent les taux à zéro il n’y a plus d’intérêt. Avec des taux négatifs, on nous paie même pour endetter, elle n’est pas belle la vie.

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