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Quand Apple nous apprend que l'innovation n'est pas d'avoir une bonne idée mais de savoir la vendre
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Le Nettoyeur

Pour obtenir une innovation, l'idée de base n'est pas suffisante et est même l'élément le moins important : il faut avant tout savoir la vendre et la "marketer".

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Cette semaine, Apple a annoncé ses nouveaux iPhones. Au-delà des spécifications technologiques de ces appareils, c'est une occasion de regarder cette entreprise étonnante qui a créé autant d'innovations qui sont très vite devenues des parties intégrantes de nos vies quotidiennes. Le Mac a préfiguré l'informatique moderne, l'iPod a lancé l'ère de la musique digitale, l'iPhone a transformé la téléphonie et l'iPad est entrain de retransformer l'informatique.

Un exemple de cette innovation est le fait que le dernier iPhone d'Apple a une nouvelle innovation biométrique : il s'active par un lecteur d'empreintes digitales et pas par un code. Lorsque cette innovation est sortie, certaines personnes ont signalé que ce n'est pas une “vraie” innovation parce que de nombreux systèmes biométriques similaires existent déjà.

Ce n'est pas nouveau. Les innovations du Mac d'Apple étaient l'intégration de la souris et de l'interface graphique, des concepts qui n'ont pas été inventés par Apple mais par le légendaire PARC, le centre de recherche de Xerox. De même, l'iPod n'était pas le premier lecteur de musique digitale portable, et iTunes n'était pas le premier système de vente de musique légale. L'iPhone n'était pas le premier smartphone tactile et l'iPad n'était pas la première tablette.

Toutes ces choses sont vraies, mais ceux qui pensent que ça veut dire qu'Apple n'est pas une entreprise innovante ne comprennent pas ce que l'innovation est réellement.

Le meilleur livre à lire au sujet de l'innovation est The Venturesome Economy (malheureusement non traduit en anglais) du professeur d'économie et de management Amar Bhidé. Dans son livre, Bhidé démontre à partir d'études de cas que l'innovation est en réalité un processus complexe qui implique non seulement tous les acteurs de la firme mais également ses clients et son écosystème.

Le plus souvent, la première version d'un produit ne sera pas la bonne et aura des problèmes ; et le plus souvent, ce qui permettra à l'entreprise d'améliorer ce produit est l'échange avec ses clients (effectifs et potentiels) qui lui permettront de le raffiner. Pour avoir une innovation, l'idée n'est donc pas suffisante et est même l'élément le moins important. Il est beaucoup plus crucial de savoir commercialiser une innovation (pour trouver les bons clients qui permettront de l'améliorer) et de savoir la marketer (c'est-à-dire comprendre les attentes des clients et y conformer son produit).

La pire erreur à faire au sujet de l'innovation est de penser qu'un produit innovant sort de la tête d'un génie solitaire comme de la cuisse de Jupiter et que notre rôle est juste d'acheter ce feu venant des dieux. En réalité, l'innovation est un processus auquel nous participons tous : au sein d'une entreprise, les marketeux aussi bien que les chercheurs ; au sein du marché, les vendeurs aussi bien que les acheteurs.

On pense qu'Apple est le prototype de ce modèle “visionnaire” de l'innovation, avec le génial Steve Jobs qui trouve des idées fulgurantes et change le monde. Mais, sans renier le talent de Steve Jobs, on voit que même Apple - surtout Apple- suit ce modèle collectif de l'innovation. La première version de l'iPhone n'avait pas d'”app store” et était vendu sans subvention des opérateurs téléphoniques, deux souhaits de Steve Jobs qui voulait contrôler l'écosystème de son iPhone et sa distribution. Mais face à la réaction du marché, Apple a du réajuster sa stratégie et faire un iPhone avec un app store, ce qui a été la grande innovation du smartphone.

De même, si l'interface graphique et la souris ont été inventées à PARC, elles n'ont jamais été commercialisées pendant des années. Apple a non seulement repris ces idées, mais les a intégrées dans un ordinateur tout-public (contrairement aux ordinateurs de Xerox, inabordables) et au sein d'un “package” qui rendait ces innovations accessibles à tous. C'est cette adaptation et commercialisation de ces idées qui leur a permis d'être répandues dans la société et, à leur tour, de servir de base à d'autres innovations.

Prendre conscience de cette réalité de l'innovation est important à plus d'un titre. D'abord, c'est une vision plus égalitaire : nous jouons tous un rôle dans l'innovation, à la fois comme producteurs et comme consommateurs ; elle ne vient pas du génie de demis-dieux ou même des départements recherche-et-développement, contrairement à ce qu'on nous raconte. (On comprend ainsi, par exemple, que le Crédit impôt-recherche, qui subventionne les ingénieurs alors qu'ils ne sont pas plus innovants que les marketeux et alors que la France a un avantage comparatif en marketing, est une aberration.)

Ensuite, ça met à mal un biais français, qui est de considérer qu'innover, c'est juste inventer. La liste des inventions géniales créées en France mais jamais commercialisées ailleurs est longue, du Concorde en passant par les tablettes Archos. Le problème est qu'au lieu de se rendre compte que ce résultat est un problème, on s'en gargarise : ah ! On a été les premiers ! Apple ne fait que prendre les idées des autres et y rajouter du marketing.

Oui, mais c'est ça l'innovation. En l'oubliant, nous nous appauvrissons.

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