Pourquoi voter pour un parti eurosceptique lors d'une élection nationale en Italie ou ailleurs ne signifie pas forcément avoir moins confiance en l'Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Aujourd'hui, les mêmes votants dans une élection européenne ne manifesteraient peut-être pas les mêmes choix politiques.
Aujourd'hui, les mêmes votants dans une élection européenne ne manifesteraient peut-être pas les mêmes choix politiques.
©Reuters

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Si les discours politiques eurosceptiques semblent gagner en audience, les citoyens continuent d'avoir plus confiance en l'Europe qu'en leurs institutions nationales. Contradictoire ? Retour sur les intrigantes réponses à l'Eurobaromètre de TNS pour la Commission européenne de novembre dernier.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

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Question : Pour chacune des institutions suivantes, pourriez-vous me dire si vous avez plutôt confiance ou plutôt pas confiance en elle :

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Atlantico : Comme nous le montre l'Eurobaromètre réalisé par TNS pour la Commission européenne en novembre dernier, le niveau de confiance des Européens en l'Union européenne a chuté de manière impressionnante. Malgré cela, elle reste plus élevée que la confiance accordée par ces mêmes Européens à leurs parlements et à leurs gouvernements nationaux. Faut-il y voir une forme de contradiction ?

Jean-Luc Sauron : Cette apparente contradiction, entre le sentiment d'impuissance de l'Union européenne, et, malgré tout, une plus grande confiance qu'envers les gouvernements nationaux, traduit l'idée que les solutions sont au niveau européen. Certes, il y a à la fois une très grande critique et un très grand pessimisme envers l'efficacité des politiques. Mais de manière consciente ou inconsciente, les citoyens ont identifié que le bon niveau de solutions se situe à l'échelle de l'UE. Et ceci même s'ils sont peut-être effectivement mécontents du fonctionnement de celle-ci.

Si les Européens ont ce sentiment que les solutions se situent au niveau européen, comment expliquer le succès des politiques et des discours eurosceptiques dans les différents Etats membres ?

Il y a deux choses. Un élément mécanique d'abord : il paraît contestable d’identifier les deux opinions publiques. Il y a d'un côté un sondage et de l'autre une expression électorale liée à un enjeu national. Pour prendre le cas de l'Italie, avec l'effondrement des pro-Européens, dans une Italie qui était encore récemment très majoritairement favorable à l'Europe, comment faire le tri entre ceux qui voulaient manifester un rejet des gouvernements précédents et ceux qui sont effectivement méfiants vis-à-vis de l'Europe ? Je pense que c'est comme cela qu'il faut analyser le vote en faveur de Beppe Grillo.

Peut-être qu'aujourd'hui, les mêmes votants dans une élection européenne (pour le Parlement européen par exemple), ne manifesteraient pas les mêmes choix politiques. On l'a déjà observé. Il n'y a pas aujourd'hui de corrélation entre les votes manifestés dans un scrutin national et les votes exprimés dans une perspective européenne.

Les électeurs de Beppe Grillo ont-ils voté pour lui parce qu'il est anti-européen ou parce qu'il est un choix anti-système en Italie ? Je pense que c'est plutôt pour la seconde raison.

Europe Ecologie - Les Verts est un autre exemple de cette dissociation entre les votes nationaux et européens : ce parti fait de très bons scores dans les élections européennes parce qu'il exprime des problématiques européennes. Ce n'est pas le cas lors de scrutins nationaux.

Tout cela n'enlève rien au fait que le décrochage de l'opinion vis-à-vis de l'Union européenne est inquiétant. Mais ce n'est pas forcément l'annonce d'un effondrement au sein de l’opinion publique de l’adhésion à l’Europe. Et encore une fois, dans le cas de l'Italie pour prendre le plus récent, le résultat prouve plus le rejet d'un modèle politique que de l'Europe. C'est aussi un moyen de dire à l'ensemble de la classe politique italienne et européenne : il y en a assez de votre défaillance. Il semble difficile d’affirmer que lors d'un scrutin national comme le scrutin italien des 24-25 février , le déterminant majeur des électeurs soit l'Europe.

D'ailleurs personne n'a une campagne totalement anti-européenne. Beppe Grillo, par exemple, a essentiellement mis en avant un programme populiste habituel : virer les « pourris » du parlement et revoir le financement des partis politiques. Des sujets qui n'ont rien à voir avec l'Europe.

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Lorsque des responsables ou des partis politiques choisissent lors d'élections nationales de s'afficher comme eurosceptiques, est-ce parce qu'ils veulent miser sur la méfiance croissante des électeurs vis-à-vis de l'Europe, ou la méfiance croissante de ces derniers est-elle le résultat d'un discours toujours plus hostile à l'Europe ?

En France, mais pas qu'en France, l'échec de la Constitution européenne en 2005 a entraîné un décrochage de l’opinion publique vis-à-vis de l’Europe. Il y a aujourd'hui un clivage entre ceux qui sont sceptiques et ceux qui sont favorables à l'Europe dans tous les Etats et dans tous les partis. En France, cette rupture traverse toute la population et tous les partis politiques.

Ce qui est frappant, c'est que cela ne suffit pas à former un parti. Il faut continuer à entremêler ce discours européen de préoccupations nationales pour retenir et constituer un électorat. Aucun parti politique en France ne s’est construit uniquement contre l’Europe, ni Le Pen, ni Mélenchon.

Il y a une crainte chez les politiques de perdre une partie de leur électorat sur une position trop en pointe sur l’Europe..

De plus, comme dans toutes compétitions électorales les politiques lissent leurs discours par rapport à leurs propres stratégies en fonction des attentes des électeurs. Ils tâchent de rassembler sur leurs candidatures un électorat le plus large possible. Il faut donc assurer la jonction de deux préoccupations : un doute vis-à-vis de l'Europe et un sentiment que les solutions se trouvent à l'échelle de l’Union communautaire. Dans tous les cas, l'électorat n'est jamais unanime. L'électeur n'a pas ni regard cohérent, ni un regard exhaustif. Il va simplement se demander à un moment ce qui lui importe le plus. De même dans les débats nationaux : certains électeurs disent avoir voulu voté pour François Hollande, mais y avoir renoncé du fait de certains de ses projets, comme le mariage pour tous. C'est tout simplement une question de priorité. En réalité, personne aujourd'hui ne prend comme priorité dans un choix électoral la position sur l'Europe de son parti.

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