Immigration aux États-Unis : la réforme impossible <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Un institut de recherche a constaté que le nombre de clandestins présents aux Etats-Unis a reculé entre 2008 et 2012, années de crise.
Un institut de recherche a constaté que le nombre de clandestins présents aux Etats-Unis a reculé entre 2008 et 2012, années de crise.
©Reuters

Trans-Amérique Express

Obama appelle à régulariser 11 millions de clandestins ! Les démocrates et républicains du Congrès le suivent. Mais la réforme ne résoudra pas pour autant la question de l’immigration…

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

Trois propositions en trois jours. La question de l’immigration,  une des priorités du second mandat du président Obama, est l’objet de toutes les attentions aux Etats-Unis. Un texte de loi pourrait être déposé devant le Congrès dès ce printemps. Mais qu’il soit  approuvé ou rejeté, ce texte ne résoudra pas durablement la question de l’immigration, surtout clandestine.

Cette question n’est pas nouvelle. D’autres lois, louées en leur temps, ont été passées. Elles ne l’ont pas fait disparaître. Pour deux raisons. Un, l’immigration clandestine est intégrée à certains secteurs économiques américains. Deux, les immigrants ne lisent pas la loi avant de venir. Les phénomènes migratoires répondent à des problématiques humaines et économiques sur lesquelles les législations n’ont que peu d’impact.

Le 29 janvier, à Las Vegas, dans le Nevada, Etat qui compte 27% d’hispaniques, c’est à dire d’Américains d’origine latino-américaine, le président Obama a appelé à une « réforme de l’immigration marquée sceau du bon sens », « une réforme qui offre un chemin vers la citoyenneté aux 11 millions de sans-papiers présents sur notre territoire. »

La veille à Washington, huit sénateurs, quatre Républicains et quatre Démocrates avaient présenté les grandes axes d’une telle réforme : régularisation progressive  des clandestins, renforcement du contrôle des frontières, vérifications plus sévères auprès des employeurs susceptibles d’engager des sans-papiers, visas de travail accordés aux étudiants étrangers désirant rester aux Etats-Unis après leurs études.

Enfin John Boehner, le « Speaker » de la Chambre des Représentants, a confié qu’une «  réforme est nécessaire ». Un groupe de parlementaires travaille d’ailleurs sur le sujet « depuis quatre ans » et il a « pleine confiance » dans leur projet. 

Les Etats-Unis sont une « nation d’immigrants ». Le pays a été peuplé par vagues successives, depuis le XVIIe siècle. Les plus importantes ont été celles de la décennie 1850, période de famine et de crise en Europe, puis de 1890 à 1910, à l’heure de l’urbanisation et de l’industrialisation. Le pays a fermé ses portes entre 1924 et 1965 instaurant un système de quotas nationaux. En 1965 ces quotas ont été levés et les Etats-Unis connaissent depuis la plus forte vague migratoire de leur histoire. Plus de quarante millions de personnes. Un million d’immigrants acquièrent la nationalité américaine chaque année. Tandis que le nombre des clandestins est passé de moins d’un million en 1970 à 12 millions en 2010. Ces nouveaux Américains proviennent principalement du Mexique, d’Inde, des Philippines et de Chine. Depuis la chute du mur de Berlin, les pays d’Europe de l’Est sont à nouveau fournisseurs d’immigrants, mais dans des proportions moindres que l’Amérique latine ou l’Asie.

Ce phénomène contribue certes à l’expansion démographique des Etats-Unis, mais il pèse sur les dépenses sociales. Ces nouveaux immigrants sont souvent peu qualifiés, ne parlent pas anglais à leur arrivée et ne correspondent pas au besoin du marché du travail. Le regroupement familial permet aux personnes âgées de se joindre aux familles et de bénéficier d’une aide sociale sans avoir jamais contribué au système. Parallèlement, les enfants nés aux Etats-Unis d’immigrants clandestins ont la pleine nationalité américaine et sont donc pris en charge par l’Etat pour l’éducation et la santé. Plus que le gouvernement fédéral, ce sont les Etats qui déplorent cette situation, parce que ces dépenses sociales leur échouent alors qu’ils n’ont pas leur mot à dire sur la législation et ne maîtrisent pas leurs frontières. 

Du coup certains Etats ont imposé leurs propres restrictions. C’est le cas de l’Arizona, qui partage sa frontière sud avec le Mexique. Depuis 2010 toute personne ne pouvant prouver son statut de résident légal peut être arrêtée et déportée...

La question de l’immigration a occupé la campagne présidentielle de 2012 et les Républicains ont été critiqués pour leur intransigeance, notamment quant à la régularisation des clandestins. Avec pour conséquence de voir les électeurs hispaniques se détourner massivement du candidat républicain. Mitt Romney a emporté 27% de ce vote, Barack Obama 70%. Dans des « swing states », comme la  Floride, le Colorado ou le Nevada, cet écart a fait l’élection. C’est le pire score d’un candidat républicain. Mc Cain avait emporté 34% de ce vote et George W. Bush 44%.

D’où le désir soudain des Républicains de coopérer avec leurs rivaux démocrates pour faire passer une réforme de l’immigration plus favorable à cette communauté. Si la manœuvre a un sens politique, elle n’a aucune chance de résoudre la question de l’immigration. 

Les Etats-Unis partagent une frontière terrestre longue de trois mille deux cents kilomètres avec le Mexique. C’est la frontière la plus traversée au monde. Légalement et clandestinement. Près de quatre cent millions de passages par an. Les tentatives pour la sécuriser ont toutes échoué. L’idée d’un « mur », un temps envisagée a été abandonnée. Trop cher. Trop peu fiable.

Les clandestins la franchissent parce qu’ils cherchent du travail et qu’ils sont sûrs d’en trouver de l’autre côté. Les secteurs du bâtiment, de la restauration, de l’agriculture, et des services à la personne, dans tous les Etats de l’Ouest et du Sud des Etats-Unis ont recours à une main d’œuvre bon marché. Il s’agit de secteurs « gris » où une forme d’économie souterraine perdure. Nombre de politiciens ont appris à leurs dépens que leur propre jardinier ou nounou était en fait un clandestin…  Régulariser cette main d’œuvre ne sert qu’à la déplacer vers un autre secteur économique, et inviter une nouvelle vague de clandestins à venir la remplacer.

L’immigration clandestine épouse les cycles économiques. Le Pew Hispanic Center on Mexican Immigration, un institut de recherche, a constaté que le nombre de clandestins présents aux Etats-Unis a reculé entre 2008 et 2012, années de crise. Les entrées ont chuté de six cents mille par an à cent cinquante mille. Les départs volontaires ont augmenté pour totaliser un million et demi de personnes sur cinq ans. L’idée « d’auto-déportation » prônée par Mitt Romney et qui lui avait valu les railleries des médias, est en fait mise en pratique tous les jours par les immigrants eux-mêmes. Ils viennent pour du travail. Ils repartent s’ils n’en trouvent pas et n’ont aucune autre ressource sur place.

En 1986 les Etats-Unis avaient régularisé près de six millions d’immigrants clandestins, pensant résoudre ce phénomène. Vingt-sept après ils sont deux fois plus nombreux à attendre une nouvelle « amnistie ».  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !