L’ingérence entre le flou, le flexible et l’opaque<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L’ingérence entre le flou, 
le flexible et l’opaque
©

Arrêt sur idées

Entre la demande de transparence qui avait marqué le début de la semaine à propos de la fabrication des sondages et la réflexivité qui domine les incertitudes nucléaires au Japon, les mots de l’actualité ont fait réapparaître la doctrine de l’ingérence

Transparence, ingérence, réflexivité sont parcourues par une même tension sémantique, celle qui relie l’information à la décision. Les dizaines de millions de décisions individuelles que les électeurs prendront en 2012 sont d’ores et déjà affectées par l’opacité qui enveloppe la production intensive d’intentions de vote.

L’aléatoire plus fiable que le suffrage universel

Le fait que des mesures chiffrées – donc d’allure scientifique – soient à la fois controversées et contradictoires jette le doute sur la fiabilité d’un dispositif essentiel de la démocratie représentative : la sélection des élites politiques. Ce doute alimente la défiance désormais structurelle qui distend les relations entre la citoyens et les Prépondérants.

Les Prépondérants forment une mouvance composée de plusieurs castes – gouvernants, législateurs, opposants, intellectuels, experts, journalistes – dont la particularité est de se reproduire par cooptation. C'est-à-dire par une méthode de sélection opposée à celle pour laquelle le suffrage universel est périodiquement sollicité. En refusant la transparence sur leurs méthodes, les fabricants d’intentions de vote  contribuent à l’accroissement du désintérêt pour la chose publique. La chance des Prépondérants réside dans le fait que peu de citoyens savent ce qu’un groupe de mathématiciens et de physiciens vient de découvrir : des élites sélectionnées de manière aléatoire seraient plus efficientes, du point de vue de l’intérêt général, que celles qui sont « choisies » par le suffrage universel. C’est profondément subversif, mais c’est scientifique.

Pas de critères pour s’ingérer

A peine les sondeurs s’étaient-ils retranchés dans la pénombre de leurs officines qu’une résurgence floue succédait à l’opacité des cornues où fermentent des intentions de vote : le devoir, ou le droit, d’ingérence. Le réseau sémantique de ce mot, qui signifie « porter dans », est particulièrement ambivalent et instable puisqu’il englobe, le droit, le devoir, la morale, la souveraineté, la légitimité, la compassion. Il lui manque juste ce dont les sondages regorgent : des chiffres. Le flou de la doctrine tourne à l’épais brouillard dès lors que personne n’est en mesure de dire à partir de combien de millions de morts s’enclenche le devoir humanitaire, sur combien d’avions de combat et de navires de guerre s’appuie le droit de se « porter dans » un pays, de combien de barils de pétrole en moins la morale peut-elle s’accommoder et combien de cercueils une nation est prête à fabriquer pour y rapatrier les dépouilles de ses soldats. A l’instar des citoyens dont les décisions électorales sont arbitrairement anticipées, les  Prépondérants manquent d’informations pour agir. A moins qu’ils n’aient pas besoin de ces chiffres-là parce qu’ils ne veulent pas vraiment agir.

Culpabiliser, faute d’informations

Les évènements survenus au Japon ont réactivé en fin de semaine l’idée d’une civilisation qui réfléchit sur ce qu’elle fait. Cela s’appelle la réflexivité. C’est une méthode qui sert accessoirement à donner du sens à quelque chose qui dépasse l’entendement. Alors que les Japonais semblaient faire confiance à leurs dirigeants, les mots de cette actualité vue par la France renouaient avec la réflexivité coupable de Prométhée, le voleur de feu. Peut-être à cause d’un vieux mensonge d’Etat sur le parcours du nuage de Tchernobyl. Peut-être aussi parce que les polytechniciens qui gèrent le nucléaire appartiennent, comme les sondeurs, à l’une des castes de Prépondérants qui décident sans informer.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !