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Décembre social en vue : mais que souhaitent vraiment les Français ?
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

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Selon un sondage Elabe pour BFMTV, un an après le début du mouvement des Gilets jaunes, 55% des Français approuvent la mobilisation. 63% des sondés ne souhaitent pourtant pas que le mouvement reprenne. Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites va s'intensifier, que veulent réellement les Français ?

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico.fr : Un sondage Elabe pour BFMTV montre que 55% de Français approuvent encore le mouvement des Gilets jaunes, mais 63% n'en souhaitent pas la reprise. Alors qu’un grand mouvement social est annoncé par les syndicats, est-ce le signe que l’opinion n’y est pas favorable ou est-ce plus compliqué que cela ? 

Maxime Tandonnet : Ce n’est pas si contradictoire que cela. Ce sondage reflète un climat de forte insatisfaction de la population mais aussi la peur que le pays ne sombre dans le chaos et le désordre. Il en est de même concernant le mouvement social. L’opinion publique est en effet une chose complexe. Il est certain que certaines options prises par le gouvernement sur les questions sociales, les retraites, le chômage sont largement impopulaires. Pourtant les Français n’ont aucune envie de subir les conséquences dévastatrices, pour la vie quotidienne, d’un blocage général des transports publics voire de l’approvisionnement en carburant. Le cauchemar de novembre/décembre 1995, un quart de siècle plus tard, est encore dans tous les esprits. Quand une telle catastrophe se produit, les Français ne pardonnent à personne : ni aux syndicats, qui sombrent dans le rejet ni aux responsables gouvernementaux qui restent maudits pour des décennies. 

Même si beaucoup aimeraient qu’émerge une convergence des luttes sociales en décembre, notamment après les manifestations des étudiants à Lyon, et la manifestation pour l’hôpital aujourd’hui, le sondage n’indique-t-il pas que l’opinion n’est pas fixée sur les sujets qui peuvent la mobiliser ? 

Maxime Tandonnet : Pour qu’un mouvement social de grande ampleur se déclenche, il faut en effet un chiffon rouge, un enjeu mobilisateur. Pour l’instant, il n’apparaît pas clairement. Le pouvoir entretient un certain flou sur ses projets et c’est une forme d’habileté. Ainsi, sur la réforme des retraites, les choses ne sont pas d’une grande clarté et la confusion règne par exemple sur la fameuse « clause grand-père » et l’idée que la réforme ne doit s’appliquer qu’aux futures générations entrant sur le marché du travail. Cela permet en effet d’embrouiller les esprits et d’empêcher ou de retarder une cristallisation de la protestation sur ce chiffon rouge. 

Maintenant, les mouvements sociaux sont toujours irrationnels. Il suffit d’une étincelle, même la plus inattendue, pour provoquer l’embrasement. Le climat actuel réunit les conditions de cet embrasement : crise de confiance envers l’autorité publique, insatisfaction généralisée, frustrations exacerbées, sentiment des mépris de la classe dirigeante envers la population, absence d’espoir en l’avenir. Ce qui caractérise la situation actuelle, par rapport au passé, c’est qu’il n’y a pas une seule source de révolte mais de nombreuses : les banlieues, la France profonde (des « ronds-points », pour caricaturer), les syndicats, les étudiants et scolaires. Le mouvement des gilets-jaunes a montré toute la faiblesse du pouvoir politique face à un déchaînement de violence ultra-médiatisé. L’hypothèse du chaos ou de l’embrasement général, en raison d’une étincelle, n’a rien d’invraisemblable aujourd’hui. 

Quelle part peut être attribué à l’éclatement de l’offre politique depuis 2017 ? À quelle situation est-ce que l’absence de relais politiques peut conduire sur le plan social ? 

Maxime Tandonnet : Cette part est évidemment essentielle. La question du politique est au cœur du problème. La tension sociale, le risque d’embrasement et le potentiel de violence qui caractérise la France d’aujourd’hui est le produit de la crise du politique. D’abord, la politique et la démocratie françaises sont totalement décrédibilisées. La crise de confiance envers les institutions et les responsables politiques bat son plein. 87% des Français pensent que les politiques ne tiennent aucun compte de ce qu’ils pensent (Cevipof). La confiance envers le chef de l’Etat, qui dans notre système, incarne à lui seul le pouvoir politique, est en chute libre (moins de 30% de confiance). Rien n’est plus débile, au sens de fragile, qu’un régime politique ou l’image du pouvoir se concentre tout entier dans le visage d’un seul homme : ce visage se prête à cristalliser sur lui-même la colère et les haines. En outre la situation présente se caractérise par un véritable blocage démocratique. L’absence de relais politiques est flagrante, mais surtout, à ce jour, de toute alternative démocratique. Les sondages martèlent, jour à après jour, que le destin politique des Français se limite à un second tour des présidentielles le Pen/Macron, avec une forte probabilité de réélection de l’actuel président, malgré son impopularité. La seule alternative présentée par les sondages comme possible, lepéniste, est synonyme d’inconnu, d’aventure et de chaos. A l’heure actuelle, aucune autre perspective sérieuse n’émerge. Le discours médiatique et sondagier quotidien se réduit à un matraquage obsessionnel : vous n’avez pas le choix ! Ce sentiment dramatique que le changement ne viendra pas des urnes ni de la démocratie, cette négation du suffrage universel, est propice à la révolte et à la violence. 

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