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Ces surprises politiques que pourraient nous réserver les évolutions récentes des abstentionnistes
©JACQUES DEMARTHON / AFP

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Selon une analyse réalisée par l'IFOP en 2014 concernant les abstentionnistes des élections européennes, il apparaissait que la hiérarchie du vote, entre votants et abstentionnistes restait identique, bien qu'un réservoir de voix supplémentaire existait pour le Front national.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico: Si depuis 2014, le clivage droite gauche s'est estompé au profit d'un clivage "ouvert fermé" symbolisé par l'opposition RN et LREM, comment pourrait-on évaluer, à quelques semaines des élections, vers quel "côté" penchent les abstentionnistes de 2019 ? 

Bruno Cautrès : La participation électorale sera sans doute plus forte, voire nettement plus forte, parmi les électeurs et sympathisants de la République en marche et du Rassemblement national que parmi tous les autres électorats. On peut le voir également à travers la certitude du choix de vote : c’est parmi ces deux électorats que l’on se déclare, aujourd’hui, le plus sûr de son choix de vote. On voit donc que, pour le moment en tout cas, le prisme du clivage « ouvert/fermé » (ce clivage qu’Emmanuel Macron appelle « progressistes/conservateurs ») va davantage jouer que le prisme du clivage gauche/droite dans la mobilisation électorale. Les abstentionnistes risquent néanmoins d’être davantage de gauche que de droite. Pour un électeur de droite, l’offre politique est davantage lisible pour ce scrutin que pour un électeur de gauche : il a le choix une offre centriste-libérale (liste LaREM-Modem-Agir ou liste UDI), une offre de droite et de droite nationale (LR et DLF) et une offre de droite populiste (RN). A gauche en revanche l’offre électorale est moins immédiatement lisible : on compte 7 listes à gauche (en incluant EELV) dont 3 (Générations.s, PS et EELV) occupent en fait un espace idéologique pas si éloigné.

Selon une étude Cevipof/Ipsos pour la Fondation Jean Jaurès datant de ce mois de février, un différentiel de participation existe selon l'âge -de 30% pour les moins de 35 ans à 57% pour les 65 ans et plus- mais apparaît plus modéré entre les cadres (39%) et les ouvriers (38%). Que peut nous apprendre l'analyse sociologique des abstentionnistes de 2019 sur leur potentiel de vote ? 

Il faut tout d’abord rappeler que nous sommes à deux mois et demi des élections européennes et que les choses ne sont pas encore totalement stabilisées. Si le 26 mai 2019 la sociologie de la participation aux élections européennes était marquée par une atténuation des clivages sociologiques habituellement observés pour ce type de scrutin, cela ne pourrait provenir que de deux mécanismes : soit un effondrement de la participation tel qu’il toucherait tous les milieux sociaux et même les catégories favorisées et diplômées, soit au contraire un regain de participation dans les catégories populaires. Si cette seconde hypothèse se vérifiait, cela pourrait avoir des conséquences majeures sur le résultat final : si les catégories sociales les moins favorisées participaient davantage qu’habituellement aux scrutin du 26 mai, ce regain de participation profiterait à coup sûr au Rassemblement national, en particulier s’il s’agissait des franges d’un électorat jeune et précaire, fragile socialement.

Quels seraient les événements politiques, notamment concernant l'issue du Grand Débat, qui pourraient avoir un impact sur l'abstentionnisme des prochaines élections européennes ? 

Si l’effet « déceptif » dont a parlé le Premier ministre se manifestait et si les Français qui se sentent proches des Gilets jaunes avaient le sentiment qu’Emmanuel Macron n’apporte que des réponses techniques ou superficielles à la question de la « galère sociale », cela pourrait conduire des catégories sociales habituellement peu participationnistes lors des européennes   à exprimer un « vote sanction ». L’explosion de colère populaire et sociale que le mouvement des Gilets jaunes a exprimé a des racines profondes dans le sentiment d’une partie des Français qu’ils ne peuvent pas vivre dignement de leur travail. Les demandes, les espoirs et les frustrations qui en résultent, et qui ont trouvé à s’exprimer dans les manifestations et mobilisations, sont en partie seulement canalisées par le « Grand débat ». On voit d’ailleurs que l’exécutif est conscient du risque « déceptif » : mais il ne pourra reculer dans le temps l’annonce des principales mesures décidées suite au « Grand débat ». Si aucune annonce forte n’était faite avant les élections européennes, l’effet « déceptif » serait déjà là et pèserait de tout son poids le 26 mai dans les urnes.

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