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Attaque de Strasbourg : pourquoi les djihadistes parviennent à garder un coup d’avance
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Géopolitico-Scanner

Chérif Chekatt a été neutralisé hier par trois fonctionnaires de police qui ont ainsi mis fin à sa traque.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Le 13 décembre à 21h00,soit 48h après la tuerie du marché de Strasbourg, le « soldat de l’Etat islamique »Cherif Chekatt, ainsi que Daech a qualifié le jihadiste-braqueur sans qu’on puisse attester de l’affiliation réelle du terroriste à l’organisation en mal de soldats, a finalement été retrouvé et tué par trois policier d’une brigade spécialisée de terrain. Ces derniers, apercevant le terroriste qui déambulait sur la voie publique au rue du Lazaret, l’ont interpellé pour l’arrêter et l’ont abattu après que ce denier ait tiré sur les fonctionnaires de police, en tirant. Malgré sa neutralisation, Chekatt a réussi à tuer au moins trois personnes, puisqu’une nouvelle victime, Kamal Naghchband, Strasbourgeois d’origine afghane qui avait fui les Talibans, est décédée des suites de ses blessures. D’autres morts pourraient d’ailleurs être déplorées dans les jours ou heures qui viennent puisque cinq autres blessés sont toujours entre la vie et la morts. D’après le nouveau procureur de Paris, Rémy Heitz, Chekatt avait bien des « motivations terroristes », même si celles-ci ont été dans un premier temps écartées par les responsables politiques officiels, dont la propension à redoubler de « prudence » face à la barbarie islamo-terroriste afin d’éviter « l’amalgame » est inversement proportionnelle à leur tendance à dénoncer parfois sans fondements la « peste brune ou populiste », comme on l’a vu avec l’affaire des gilets jaunes notamment.


Cherif Chekatt,le profil « hybride » typique du terroriste islamo-braqueur de « troisième génération »


Comme très souvent dans d’autres affaires d’attentats commis en France ou en Occident par des jihadistes de « 3ème génération », nous avons affaire une fois de plus à un individu au fort pédigrée de délinquant multirécidiviste radicalisé dans l’incubateur favori du terrorisme islamiste que sont les prisons. Comme dans d’autres cas désormais habituels, le « loup solitaires » a ouvert le feu mardi soir à Strasbourg sur des passants et des forces de l’ordre avec une arme de poing avant de « terminer » son attentat avec un couteau, en criant Allah Akbar. Comme tant d’autres soldats de l’Etat islamique ou avant lui d’Al-Qaïda ou encore avant du GIA et du GSPC algériens, l’apprenti-terroriste délinquant aguerriest issu d’une famille problématique et fait partie d’une fratrie fanatique, notamment son frère S. Chekatt, encore plus radicalisé que lui idéologiquement.Comme d’habitude également, l’homme, très « défavorablement connu des services de polices », était non seulement fiché S et FSPRT, mais il n’aurait jamais dû être en liberté avec son palmarès de 27 condamnations. Répertorié et qualifié de très dangereux par la DGSI qui le suivait, Chekatt a réussi comme Merah et tant d’autres avant lui à tromper et semer les autorités qui l’ont laissé durant ses récentes années de liberté libre comme l’air et pas même traçable par un bracelet efficace. Etdurant sa courte cavale post-tuerie, il a pu trouver refuge et complicités dans le quartier totalement hors-contrôle de Neudorf, où il disposait comme d’autres au Mirail à Toulouse ou à Molenbeek à Bruxelles, d’une base-arrière ethno-confessionnelle et clanique et donc de complices disposés, au nom d’une même haine envers la France et l’Occident judéo-chrétien, à lui offrir planques et leviers d’exfiltrations. Ces complicités fraternellesdansdes quartiers de non-droit et de non-France aux mains des caïds et des barbus, en rupture totale avec l’ordre républicain et occidental, sont depuis des années des terreaux géo-civilisationnels et délinquentiels majeurs, avec les prisons, de recrutementislamo-terroristes. 
Comme de coutume, le parquet de Paris (seul compétent pour les affaires terroristes car les régions ne disposent toujours pas de parquets terroristes provinciaux !) a placé en garde à vue une partie de la famille du jihadiste ainsi que plusieurs de ses proches, lesquelles ont comme d’habitude vanté la « gentillesse » du monstre dont on a du mal à croire capable de faire des « choses pareilles ».Comme d’accoutumée, des témoins ont entendu l’islamo-braqueur hurler "Allah Akbar", d’après le procureur de Paris, Rémy Heitz, et bien que l’homme fréquentait assidûment une mosquée radicale « sous observation » et était connu pour ses idées salafistes pro-Ben Laden depuis 2015, moult sociologues autorisés ont affirmé que ce délinquant ne pouvait pas être un islamiste sincère et qu’il serait même passé à l’acte « par désespoir » après avoir failli être interpellé le matin en raison d’une enquête en cours pour assassinat et extorsion. Et pour « prouver » qu’il s’agissait une fois de plus d’un « loup solitaire », d’autres commentateurs qui ont des avis sur tout nous ont expliqué que l’homme n’ayant pas été s’entraîner en Syrie et n’ayant pas cherché à mourir sur place en fuyant n’aurait pas le profil daéchiste, oubliant en passant que 7 néo-terroristessur 10 sévissant en Occident sont passé à l’acte sans revenir du front oriental et que même des terroristes du Bataclan ont pris la fuite et ne se sont pas fait sauter sur les lieux de l’attentat. On rappellera d’ailleurs qu’une quarantaine d’individus comme lui, capables de passer à l’acte « spontanément », sont aujourd’hui dans la nature dans la seule région alsacienne. Enfin, comme tant d’autres avant lui, le jihadiste improvisé Chekatt n’ayant soi-disant « rien à voir avec l’islam et même avec l’islamisme », puisque « délinquant »)n’en fréquentait pas moins la mosquée radicalede son quartier de La Meinau, mosquée qui, selon les sources locales "n'avait pas été fermée pour y permettre des surveillances". Le moins que l’on puisse dire est ce « stratagème » des forces de l’ordre n’aura pas plus permis que le « suivi » de Mohamed Merah, d’anticiper l’attaque terroriste. Une fois de plus, nos services, faute d’être appuyés par une justice laxiste au dernier degré et qui rechigne à emprisonner, a laissé en liberté des imams fanatiques et leurs disciples délinquantsislamo-radicalisés qui n’auraient aucune place en liberté dans une société « normale » gérée par un Etat réellement déterminé à assurer la sécurité des citoyens... 


Plusieurs questions légitimes méritent d’être posées à nos dirigeants et juges

-Que faisait en liberté un braqueur multirécidiviste, condamné 27 fois, connu pour son admiration de Ben Laden et son radicalisme dangereux (acquis en prison et confirmé depuis), et qui fréquentait une mosquée radicale sous surveillance de la DGSI ? 
-Pourquoi la loi, qui prévoit jusqu’à 30 ans de prison pour des faits de vols avec armes, et autant pour « intelligence avec l’ennemi », sans parler du crime de soutien terrorisme, n’a pas permis aux juges de « neutraliser » définitivement pareil prédateur social et l’a même remis maintes fois en liberté, sans un bracelet électronique ? 
- Comment Chérif Chekatt, si connu et surveillé qu’il était, a-t-il pu réussir à s'enfuir in extremis et échapper à aux contrôles et caméras de surveillance placés entre le marché de Noël et le quartier où le taxi l’a déposé ? 
-Comment un individu aussi dangereux a-t-il réussi, le matin même, à échapper aux policiers accompagnés de deux agents de la DGSI venus interpeller un homme accusé d’homicide et de surcroit connu pour sa dangerosité et son radicalisme ?
-Pourquoi a-t-on observé un délai aussi important (le lendemain soir à 19h21) pour qu'un appel à témoins soit diffusé officiellement ainsi qu’un avis de recherche, alors que l’identité de Chekatt était archi-connue depuis plus de 24h et avait même été déjà diffusée sur les réseaux sociaux et les médias étrangers ? 
-Comme l’a demandé le maire de Strasbourg lui-même, comment le terroriste a-t-il pu pénétrer un quartier (marché de Noël) où tout le monde est fouillé, puis a-t-il pu échapper aux services chargés de le filer ainsi qu’aux maintes caméras de surveillance? 
- Comment l’attentat de Strasbourg a-t-il pu réussir alors qu’une fiche de recherche avait été envoyée par la gendarmerie dès le 11 décembre au matin, après la perquisition et que malgré cela, Chérif Chekatt a réussi à passer armé, vers 19h40, peu avant la tuerie, le barrage de police du pont du Corbeau, couvert par une caméra, puis se rendre au centre-ville et au marché de Noël, alors qu’un poste de surveillance de police était chargé de vérifier les identités des suspects ?
- Comment un homme seul a-t-il pu tuer pendant 10 à 20 mn et s'échapper après des échanges de tirs nourris avec les forces de l’ordre sans avoir été neutralisé ou même rattrapé rapidement alors que des policiers étaient tout près ? 


L’Alsace et Strasbourg, vieille terre de jihadisme et de prosélytisme islamiste …


A Strasbourg, il y a depuis des décennies un terreau très favorable au radicalisme islamiste et au jihadisme. Comme Lyon dans les années 1990 (période GIA-Khaled Kelkal) ; la région Nord ( « islamo-braqueurs », « gang de Roubaix »et « filières bosniaques » de Lionel Dumont et Christophe Caze), la ville de Lunel dans l’Hérault (plus fort taux de départs en Syrie), les foyers salafistes de Trappes, de Nice, les filières terroristes des Buttes-Chaumont à Paris,ou la nébuleuse toulousaine, Strasbourg est déjà une vieille terre de radicalisme islamiste. Tout d’abord, sa situation géographique, près de l’Allemagne, grand foyer d’islamistes en tout genre, revêt un aspect stratégique essentiel. Rappelons qu’en 2000 déjà, des jihadistes du GSPC algérien [Groupe salafiste pour la prédication et le combat], ancêtre d’AQMI, avaient tenté de s’en prendre au marché de Noël de Strasbourg et même à sa cathédrale.La tristement « cellule de Francfort », installée à 200 km de Strasbourg, était dirigée par un des lieutenants en Europe d’Oussama Ben Laden. L’enquête des policiers allemands et français (aidés par les services anglais) avait permis d’arrêter quatre hommes, quatre jours à peine avant leur passage à l’acte prévu la veille même de Noël contre les chalets de Noël du marché strasbourgeois au pied de la cathédrale strasbourgeoise. A l’époque, un autre projet d’attentat visait le Parlement européen. Lors des perquisitions, la police retrouva 20 kilos d’explosifs. Mais c’était l’époque où les très efficaces RG existaient encore et où le renseignement de proximité fonctionnait assez bien. Plus récemment, la capitale alsacienne a été le point de départ d’une filière d’acheminement jihadiste paneuropéenne vers le théâtre syrien. On se rappelle aussi que l’un des frères de Foued Mohammed-Agad, l’un des terroristes du Bataclan(novembre 2015), ont été récemment jugés et condamnés pour leur participation à une « filière strasbourgeoise » de départs vers la Syrie. On trouve d’ailleurs nombre d’Alsaciens parmi les premiers jihadistes partis en Syrie, dont, en 2016, une dizaine de radicalisés âgés de 23 à 26 ans issus du quartier de la Meinau (Strasbourg), que fréquentait Cherif Chekatt. N’oublions pas non plus que le terroriste tchétchène Khamzat Azimov, qui a assassiné en mai dernier (au nom de l'Etat islamique) un homme de 29 ans dans le quartier de l'Opéra à Paris, venait lui aussi des environs de Strasbourg, où prospère un important foyer jihadiste tchétchène. On peut citer aussiles frères, Abdulhakim et Abdulmalik Anaiev, signaléscomme très dangereux par les fichiers (FSPRT, et S) et fort habitués à la violence.La région du Bas Rhin, est l’un des départements qui compte le plus d’individus radicalisés.En mai dernier, dans le Figaro, le maire de Strasbourg, Roland Ries, déplorait ne pas "être davantage informé des foyers de radicalisation", d'autant que "10 % des fichés S vivraient dans l'Eurométropole". 

Incompétence et incurie de nos classes dirigeantes

Mais qu’ont fait pendant des années ces politiques qui tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sinon rechercher une dangereuse « pax islamica » fondée sur un clientéliste communautariste qui a fait le jeu de l’islamisme radical, terreau idéologique du jihadisme ? Roland Ries, lui-même, le maire de Strasbourg, déclarait le 11 avril 2011, à propos du scandale de l’interdiction du poisson dans les cantines scolaires le vendredi (tradition chrétienne) à qui on lui opposait sa tolérance envers le hallal : "Nous servons de la viande halal par respect de la diversité mais pas de poisson le vendredi par respect pour la laïcité »… Aujourd’hui, le maire de Strasbourg se plaint de ne pas avoir reçu suffisamment de renseignements de la part des services anti-terroristes, et il semble prendre conscience de la menace islamiste et jihadiste, mais n’est-ce pas lui qui, avec le préfet, a permis l’édification puis a inauguré en grande pompe la mosquée radicale du Milli Görüs, un mouvements islamiste turc anti-occidental, antikémaliste qui prône la charià, la non-intégration des Turcs et des musulmans aux mœurs « mécréantes », et l’idéal du Califat, également cher aux Salafistes ? Et qu’a-t-il fait pour faire fermer la mosquée radicale du quartier de la Meinau fréquentée par le terroriste Chekatt ? 

Au niveau national, d’autres questions méritent d’être posées aux autorités gouvernementales : 

-Que proposent les autorités responsables de la sécurité des Français sachant que 406 détenus fichés S, connus pour leur engagement islamiste et condamnés pour apologie du terrorisme ou participation à des filières terroristes, seront très bientôt libérés en 2019 ? 
-Comment après tous les ratés en matière de lutte anti-terroriste depuis des années 2000, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a-t-elle pu refuser de réclamer une sanction exemplaire contre le juge d'instruction antiterroriste qui avait élargi « par erreur » Oualid B, jihadiste, soupçonné d'avoir préparé un attentat islamiste (et anti-juif) en 2014 à Lyon ? 
- Pourquoi n’applique-t-on pas la loi et rien que la loi qui permet notamment de déchoir de sa nationalité française toute personne naturalisée ou enfant d’étrangers naturalisés, comme Chekatt, qui peut parfaitement l’être sans devenir apatride puisque les enfants de Marocains restent toujours détenteurs potentiels ou effectifs de la nationalité du royaume chérifien ? 
- Pourquoi l’Etat français, conscient que nombre de « quartiers » tenus par des caïds regorgent d’armes de poing ou même de guerre (AK47, pistolets mitrailleurs, revolvers, RPG7, grenades, etc), n’a toujours pas envoyé l’armée rétablir l’ordre partout dans les zones de non-droit et de non-France le cadre d’un vaste plan de désarmement des banlieues, pourtant préconisé depuis 25 ans par plusieurs hommes politiques et responsables sécuritaires jamais écoutés ? Rappelons ce fait parmi tant d’autres inquiétants : récemment,la police a découvert, dans une ferme d'un village de l'Oise, l'arsenal d'une simple bande de trafiquants de drogue maghrébins: lance-roquettes antichar, kalachnikovs, autres fusils d'assaut, armes de poing ; et l’équivalent de 1,2 million d'euros en espèces... La puissance « militaire » et logistique des bandes criminelles « hybrides » capables de loger, achalander des terroristes ou d’en devenir eux-mêmes, ne cesse de prospérer sur un terreau socio-civilisationnel que sont des pans entiers du territoire national abandonné par les forces de l’ordre. Dans ces zones, les citoyens français « de souche » gaullois-chrétiens ou a fortiori juifs ont fui depuis longtemps et les populations issues de l’immigration désireuses d’êtres pacifiques et honnêtes sont littéralement pris en otage et condamnées à l’échec scolaire, la délinquance ou l’islamisation. Ces poches géo-civilisationnellement étrangères et hostiles sont autant de bases-arrières terroristes potentielles dont les habitants pris dans les filets des caïds et des barbus peuvent basculer d’un instant à l’autre de l’hyper délinquance barbare à la terreur jihadiste, comme Khaled Kelkal, Mohamed Merah ou Cherif Chekatt. Les rares fois où ces islamo-braqueurs ou terroristes-délinquants « hybrides » de la 3ème génération sont arrêtés dans leur parcours pré-terroriste criminel, ils purgent des peines si ridicules qu’il prennent l’habitude de l’impunité et de la récidive. D’où la juste réflexion-conclusion lapidaire de l’expert en criminologie Xavier Raufer lancée juste après l’attentat de Strasbourg : « De Taubira en Belloubet, de Cazeneuve en Castaner, zéro résultats en matière de lutte contre la terreur, le crime, les hybrides »… 

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