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APL : quand l’État donne aux riches via les pauvres
©Reuters

Give me five!

Les APL finissent le plus souvent dans la poche des propriétaires, qui augmentent leurs loyers en fonction des aides auxquelles ont droit leurs locataires. C’est pas sympa mais c’est comme ça.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’ai pu le constater tout au long de la semaine, ne pas s’indigner de la baisse de 5 euros des APL est pratiquement l’équivalent de se vanter d’agresser de frêles vieilles dames dans le métro pour leur piquer leur sac. On vous regarde avec des yeux ronds ; on vous demande si vous n’êtes pas tombé sur la tête ; on vous accuse (dans le meilleur des cas) d’être aussi éloigné des « réalités » qu’un émir koweïtien qui viendrait de faire poser des robinets en or dans ses dix-huit salles de bain, ou (au pire) d’être une crapule dont le kif dans la vie est de rendre les pauvres plus pauvres…

Et c’est efficace, parce qu’on en vient effectivement à s’interroger sur sa propre nature : est-ce que ne pas s’opposer à l’amputation de l’allocation logement de millions de personnes de la valeur de deux cafés en terrasse (trois en salle, quatre au comptoir mais, comme en matière de loyer, l’analogie dépend de l’endroit où vous habitez), est bel est bien la preuve de son manque d’humanité ?

Mais parce que deux minutes d’introspection et d’examen de vos relevés bancaires suffisent à vous rassurer, et sur vos capacités d’empathie, et sur votre appartenance à cette majorité de Français pour lesquels un sou reste un sou, vous persistez à trouver que les emportements outragés d’un Alexis Corbière, le député FI marié à une chroniqueuse de C8 qui habite dans un HLM, tiennent plus de la démagogie que de l’apport rationnel au débat.

D’abord, cinq euros, ça n’est objectivement pas grand-chose. Et ce n’est pas moi qui le dit mais Jean-Claude Mailly, qui ironisait, avec raison d’ailleurs, sur la dernière et dérisoire augmentation du SMIC en la convertissant en baguettes tradition (il ne doit pas aimer le café). Ou plutôt, ça n’est objectivement pas le même pas grand-chose pour tout le monde, tous les allocataires de la CAF n’étant pas interchangeables (cf. : la caissière de chez Franprix qui élève seule ses gosses et l’étudiant CSP+ qui a juste besoin d'un complément d’argent de poche).

Mais surtout, un débat parlementaire et médiatique moins centré sur la distribution de certificats de moralité se serait davantage intéressé à l’impact concret des APL sur la politique logement au sens large. Des myriades d’études démontrent en effet que ces allocations sont progressivement devenues l’un des principaux facteurs de hausse de loyers en France, les propriétaires adaptant leurs prix à la solvabilité de leurs locataires (« ils peuvent payer X, je demande X »), le dispositif prenant alors l’allure d’une subvention aux riches transitant par les pauvres.

Un moyen plus efficace de faire baisser les prix serait probablement de consacrer l’argent de la CAF à la construction de logements neufs, la fin de la pénurie étant le meilleur moyen de ramener les propriétaires à un peu plus de réalisme. Et l’effet secondaire de la construction de logements, pour le coup, c’est que ça crée des emplois...

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