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Reports de voix ou électeurs indécis : là où les choses peuvent encore bouger, là où elles ne bougeront plus
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Un Français sur cinq n'a pas encore de candidat. Moins d'un sur deux sait déjà pour qui il va voter. Un tiers hésite entre plusieurs candidats. Mais tous les candidats ne bénificie pas des mêmes cotes de ferveur et de certitude.

Sylvain Brouard

Sylvain Brouard

Sylvain Brouard est chargé de recherche de la Fondation nationale des sciences politiques au Cevipof.

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La présente note propose une typologie des électorats établie à partir des probabilités de vote déclarées lors de l’Enquête électorale française. Cette typologie révèle que 45% des répondants appartiennent à des groupes exclusivement orientés vers un candidat, ce qui signifie, qu’à l’inverse, la majorité de l’électorat ne fait donc pas l’objet d’un monopole d’un quelconque candidat. Pour 20% de l’échantillon, l’offre politique de l’élection présidentielle 2017 rencontre un faible écho. Pour les 35% de l’électorat restant, une concurrence existe entre différents candidats selon des modalités plus ou moins fortes. La concurrence se situe de manière prédominante  entre candidats adjacents sur l’échelle gauche – droite.

Parmi les électeurs certains de participer au premier tour de l’élection présidentielle, le socle électoral apparaît nettement plus solide pour E. Macron et Marine Le Pen alors qu’il est minimal pour B. Hamon. Globalement les deux candidats soutenus par les partis de gouvernement sont ceux qui sont soumis à la concurrence la plus forte au sein de leurs électorats déclarés.

Quotidiennement, plusieurs sondages d’intentions de vote pour le premier tour de l’élection présidentielle sont publiés. L’interprétation de leurs résultats est le plus souvent sommaire. Si la certitude auto-déclarée du choix est, certes, parfois intégrée dans l’analyse, les hésitations et incertitudes dans le choix ne sont néanmoins que rarement utilisées pour comprendre les résultats des intentions de vote. Dans la présente note, nous nous proposons de les analyser en remontant à la source de ceux-ci. Pour ce faire, il est nécessaire de comprendre les processus cognitifs susceptibles de générer la réponse à une question du type de celle utilisée dans l’Enquête électorale française : "Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, quel est le candidat pour lequel il y aurait le plus de chances que vous votiez ?".

Comment considérer les réponses apportées à une telle question ? Les polémiques règnent au sein de la science politique française entre les partisans des enquêtes d’opinion et leurs détracteurs. Parmi ces derniers, l’opinion commune est celle de Pierre Bourdieu : "[t]oute enquête d’opinion suppose que tout le monde peut avoir une opinion ; ou, autrement dit, que la production d’une opinion est à la portée de tous. Quitte à heurter un sentiment naïvement démocratique, je contesterai ce premier postulat" (Bourdieu 1973). Sur cette base, il conviendrait de rejeter toute validité scientifique à l’analyse des réponses recueillies dans les enquêtes d’opinion, qui constitueraient "un artefact pur et simple". À l’inverse, certains politistes, les instituts de sondage et les journalistes considèrent communément les réponses dans les enquêtes d’opinion comme l’expression d’opinions valides ou, autrement dit, comme une mesure des préférences politiques. Entre ces deux pôles, il est possible de considérer, dans la perspective initiée par John Zaller et Stanley Feldman (1992), que l’attention à la chose publique et l’intérêt pour la politique des citoyens ne sont pas des dispositions stables. Rares sont les individus qui ont des préférences constantes sur l’ensemble des enjeux politiques. Par conséquent, les réponses aux questions

d’enquête ne doivent pas être considérées comme le produit d’attitudes fixes et cohérentes sur l’enjeu en question, mais comme le reflet des considérations ou "des pensées qui sont les plus accessibles en mémoire au moment de la réponse". Malgré cette drastique reconsidération de la signification des réponses aux sondages, ni les réponses individuelles, ni les résultats des enquêtes d’opinion ne sont dénués de signification : leurs résultats doivent être considérés comme un révélateur de l’équilibre relatif des considérations sur un sujet donné à un niveau individuel ou agrégé. Cette approche, à la fois réaliste et constructive, incite, cependant, à étudier de manière approfondie la matrice des réponses aux intentions de vote dans les enquêtes d’opinion pour en estimer la robustesse et en révéler la face cachée. En effet, par construction, et pour simuler l’acte de vote, les questions d’intentions de vote ne permettent de ne choisir qu’une seule modalité. Or certains citoyens hésitent entre plusieurs candidats (parfois jusque dans l’isoloir) ou entre l’abstention (ou le vote blanc) et un candidat quand d’autres ont clairement choisi un candidat. Il est aussi possible que des répondants citent un candidat quand bien même aucun d’entre eux n’est substantiellement préféré.

L’Enquête électorale française rend possible une étude rigoureuse de la source des intentions de vote par l’intégration de questions sur les probabilités de vote pour chaque candidat. À partir de la vague 12 de l’Enquête électorale française, la présente note présentera d’abord une typologie des électorats construite à partir des probabilités de vote, puis étudiera la composition de chacun des électorats des candidats tels qu’ils apparaissent dans les intentions de vote.

I – Une typologie des électorats présidentiels

Répliquant un dispositif mis en place et validé pour l’élection présidentielle 2012 dans le cadre du projet TriÉlec, pour chaque candidat à l’élection présidentielle, la question suivante a été posée : "Quelles sont les chances que vous votiez pour les personnalités suivantes si elles étaient candidates à l'élection présidentielle de 2017 ? 0 signifie qu'il n'y a aucune chance que vous votiez pour lui / elle, 10 de très fortes chances que vous votiez pour lui / elle." Le graphique 1 présente les fréquences de chacune des réponses pour chacun des candidats.

À chaque candidat est associée une distribution spécifique des probabilités de vote. Certaines régularités se dégagent. Les candidats du Nouveau Parti Anticapitaliste et de Lutte ouvrière présentent des profils similaires avec la proportion maximale de répondants excluant de voter pour eux (près des deux tiers de notre échantillon) et très peu de votes très probables. Emmanuel Macron se caractérise lui par la proportion la plus faible de notre échantillon (29%) excluant de voter pour sa candidature. Marine Le Pen est la candidate pour laquelle la proportion de répondants ayant de très fortes chances de voter pour celle-ci (10) est la plus élevée, devant Emmanuel Macron (9%), François Fillon (8%) et les deux candidats de gauche (5%). Une proportion quasi-similaire à François Fillon (53%) exclut de voter pour elle, cette proportion étant un peu plus faible pour les deux candidats de gauche, respectivement 49% et 43% pour Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Clairement Emmanuel Macron, à défaut d’être le candidat le plus intensément soutenu, est, sans conteste, et de manière classique pour un candidat centriste (ou en position centrale), celui qui est le moins intensément rejeté. Cependant cette caractéristique n’a été que rarement une garantie de victoire avec le mode de scrutin à deux tours en vigueur lors de l’élection présidentielle française, comme en atteste notamment le destin présidentiel de François Bayrou.

Graphique 1 : Probabilité de vote pour les différents candidats

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

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Par conséquent, pour instructifs que soient ces premiers résultats, l’analyse gagne à être approfondie pour comprendre comment s’articulent les différentes probabilités de vote. L’objectif est de cartographier les groupes selon les niveaux des probabilités de vote pour les différents candidats. Pour ce faire, nous avons procédé à une analyse en composantes principales des probabilités de vote pour les 6 candidats avec les intentions de vote les plus élevées (Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen). Deux composantes étaient significatives. La première composante rendait compte de probabilités de vote différenciées selon l’axe gauche-droite quand la seconde dessinait une logique opposant les probabilités de vote pour les candidats de protestation à celles pour les candidats de gouvernement, avec Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen d’une part et, François Fillon et Emmanuel Macron d’autre part. Nous avons ensuite procédé à une analyse hiérarchique (Wards’ linkage) à partir des scores de chaque individu sur ces deux composantes. La solution optimale consiste en une classification en 21 groupes décrivant un large éventail de situations.

Ces types d’électorats diffèrent par les niveaux moyens de probabilités de vote pour les différents candidats à la fois en termes absolus et relatifs. Les graphiques 2 et 3 présentent respectivement le poids de chacun des groupes et le niveau des probabilités de vote pour les différents candidats. Ainsi, par exemple, parmi les 9% des répondants appartenant au groupe "Le Pen exclusif et affirmé", la probabilité moyenne de vote pour Marine Le Pen est de 9 et celle pour les autres candidats ne dépasse pas 1,4 (pour Nicolas Dupont-Aignan). Dans le groupe "Fillon dominant Macron" (5% de l’échantillon), la probabilité moyenne de vote pour François Fillon atteint 7,4, celle pour Emmanuel Macron 6,6 et aucune autre n’est supérieure à 1. Si dans le premier groupe,

les électeurs apparaissent très sûrs de leur vote et n’hésitent pas entre différents candidats, dans le second, le vote pour un quelconque candidat est moins probable mais deux candidats ont des chances assez proches de recevoir ce vote. Dernier exemple, le groupe des "indécis peu motivés de gauche" (4% des répondants), les trois candidats de droite sont associés à des probabilités moyennes de vote inférieures à 2 alors que celles pour les trois autres candidats s’échelonnent entre 3,6 et 4,5. Pour ces citoyens, la probabilité de voter pour un candidat est faible et l’écart de probabilité entre les candidats les plus à même de récolter ce vote (Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron) est également faible.

Graphique 2 : Poids des différents types d’électorats (%)

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

La typologie des électorats met en évidence que 45% des répondants appartiennent à des groupes exclusivement orientés vers un candidat, ce qui signifie, qu’à l’inverse, la majorité de l’électorat ne fait donc pas l’objet d’un monopole d’un quelconque candidat. La situation est patente pour 20% de l’échantillon, réparti en 4 groupes, qui se caractérise par des probabilités moyennes faibles de voter pour un quelconque candidat (au maximum 5,1) et souvent par une indécision entre plusieurs candidats. Parmi ces citoyens, l’offre politique de l’élection présidentielle 2017 rencontre un faible écho. Pour les 35% de l’électorat restant, une concurrence existe entre différents candidats selon des modalités plus ou moins fortes. La concurrence se situe de manière prédominante entre candidats adjacents sur l’échelle gauche – droite, seuls 3% des répondants (groupe "Mélenchon dominant Le Pen et Hamon") hésitent entre Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Benoît Hamon. La majorité de la compétition concerne les choix au sein de la droite ainsi qu’au sein de la gauche ou entre la candidature centriste d’Emmanuel Macron et le candidat républicain ou le candidat socialiste.

Graphique 3 : Probabilités moyennes de vote pour les 6 candidats selon les types d’électorats

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

Une manière complémentaire de scruter cette typologie des électorats est de calculer l’électorat potentiel maximum pour chacun des candidats en additionnant l’ensemble des segments électoraux où chaque candidat se trouve dans une situation de monopole ou de vote probable comparativement élevé. Le graphique 4 souligne que Nicolas Dupont-Aignan est celui avec le potentiel électoral le plus faible quel que soit l’échantillon considéré alors que celui d’Emmanuel Macron est le plus important avec 41%. Cependant Marine Le Pen n’est pas distancée parmi les répondants certains d’aller voter (39%). Avec 23 %, l’électorat potentiel de Benoît Hamon est peu ou prou de taille comparable à celui de François Fillon (au mieux 25% parmi les répondants certains d’aller voter) et de Jean-Luc Mélenchon (autour de 20%). Ces électorats potentiels maximaux rendent compte de la capacité des différentes candidatures à toucher les citoyens français. De ce point de vue, les candidatures de François Fillon et Benoît Hamon apparaissent cantonnées à un espace numériquement restreint pour des candidats de la droite et de la gauche parlementaire. À l’inverse, la candidate du Front national est dotée d’un potentiel considérable, malgré un positionnement non-central sur l’axe gauche-droite, et qui est quasiment équivalent à celui du candidat centriste, naturellement plus à même d’attirer à droite et à gauche.

Graphique 4 : Taille des électorats potentiels maximaux (%)

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

II – Intentions de vote et électorats présidentiels

L’analyse des électorats présidentiels permet de comprendre de manière renouvelée les intentions de vote pour l’élection présidentielle. Les intentions de vote publiées issues de l’Enquête électorale française 2017 sont calculées sur les répondants certains de participer à l’élection présidentielle et exprimant une préférence pour un candidat. Pour rappel, les résultats de la vague 12 étaient les suivants : 11,5% pour Jean-Luc Mélenchon, 12,5% pour Benoît Hamon, 26% pour Emmanuel Macron, 17,5% pour François Fillon, 3,5% pour Nicolas Dupont-Aignan et 27% pour Marine Le Pen. Le graphique 5 présente de manière simplifiée la composition des intentions de vote pour chaque candidat en termes de types d’électorat.

Graphique 5 : Répartition des différents électorats parmi les intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle 2017 parmi les répondants certains de participer (%)

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

La première dimension à scruter est la proportion de l’électorat ayant déclaré une intention de vote que l’on peut considérer comme captive. Lorsqu’un candidat a le monopole des votes probables, on peut considérer ce segment électoral comme constitutif du socle électoral sur lequel le candidat peut compter quelles que soient les circonstances au premier tour. De ce point de vue, Benoît Hamon est celui dont le socle électoral est le plus faible : 20% seulement de ceux qui expriment une intention de vote pour Benoît Hamon n’hésitent pas avec un autre candidat. Jean-Luc Mélenchon et François Fillon possèdent un socle électoral plus élevé, respectivement 35% et 29%. Les deux candidats en tête des intentions de vote au premier tour dans notre enquête - Emmanuel Macron et Marine Le Pen – les devancent nettement puisqu’ils sont les seuls candidats envisagés par la moitié au moins des répondants déclarant une intention de vote pour eux. Le socle électoral sur lequel s’appuient ces deux candidats apparaît donc particulièrement solide. Leur vulnérabilité aux performances relatives de leurs concurrents est comparativement limitée. Ils comptent néanmoins la proportion la plus importante de répondants (entre 12% et 15%) aux votes incertains (les divers types d’indécis et hésitants), susceptibles de s’abstenir.

Les deux concurrents les plus importants de la candidate frontiste au sein des intentions de vote exprimées en sa faveur sont François Fillon et Nicolas Dupont-Aignan. Au total, près de 30% des répondants hésitent avec l’un des deux ou les deux. Parmi les intentions de vote en faveur de François Fillon, un quart des répondants hésite avec Emmanuel Macron et plus d’un tiers avec Marine Le Pen. Parmi ceux choisissant Emmanuel Macron, seulement 8% hésitent avec François Fillon. Si Emmanuel Macron semble pouvoir compter sur un réservoir de voix substantiel chez François Fillon, la réciproque n’est pas vraie… La situation de Benoît Hamon est comparable à celle de F. Fillon. Il est massivement concurrencé par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon parmi ses soutiens actuels : 35% des personnes exprimant une intention de vote pour lui a une probabilité de vote élevée en faveur d’Emmanuel Macron, et une proportion semblable pour Jean-Luc Mélenchon. À l’inverse, pour seulement 16% des intentions de vote pour le candidat d’En Marche, le candidat alternatif considéré est Benoît Hamon. C’est Jean-Luc Mélenchon qui est le plus sous la menace du candidat socialiste : 46% de ceux le choisissant considérent aussi comme probable un vote pour Benoît Hamon. À noter enfin que parmi les intentions de vote pour Jean-Luc Mélenchon, un vote est également probable en faveur de Marine Le Pen pour une fraction non-négligeable de celles-ci (13%), la situation inverse concernant 4% de l’électorat de Marine Le Pen.

Graphique 6 : Répartition des différents électorats parmi les intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle 2017 parmi les répondants incertains de participer (%)

Source : Enquête électorale française 2017, vague 12

Qu’en est-il dans la partie substantielle de l’électorat (autour d’un tiers) qui n’est pas certaine de participer au premier tour de l’élection présidentielle ? Si ceux-ci représentent un réservoir de voix en cas de mobilisation, quel est leur profil ? Dans ce groupe, la répartition des intentions de vote exprimées est la suivante : 14,5% pour Jean-Luc Mélenchon, 13% pour Benoît Hamon, 28% pour Emmanuel Macron, 13% pour François Fillon, 5,5% pour Nicolas Dupont-Aignan et 22,5% pour Marine Le Pen. En terme de structure, de manière logique, la part des votes incertains progresse chez tous les candidats : de 6 points pour les intentions de vote pour Benoît Hamon à 20 points pour celles en faveur de François Fillon. Ils représentent entre 24% et 28% des intentions en faveur d’Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen et autour de 10% de celles en faveur des deux candidats de gauche. Pour le reste, les tendances présentées dans l’analyse des électeurs certains de voter se retrouvent peu ou prou. Les positions monopolistiques sont prévalentes pour Emmanuel Macron (50%), Marine Le Pen (48%) et Jean-Luc Mélenchon (43%) et minimales pour François Fillon (15%) et Benoît Hamon (18%). François Fillon et Benoît Hamon sont sous la menace conjointe et similaire des candidats positionnés à leur gauche et à leur droite. Les intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon dépendent fortement de la compétitivité du candidat socialiste. Il ne semble pas y avoir dans le contingent des électeurs incertains de leur participation au premier tour de l’élection présidentielle des électorats dont la mobilisation affecterait significativement les structures mises à jour parmi les électeurs d’ores et déjà mobilisés.

Enfin, dernière composante analysée, quelles sont les caractéristiques de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ne choisissent aucun candidat aujourd’hui ? Les répondants aux votes incertains (les divers types d’indécis et hésitants) constituent, sans surprise, la proportion la plus importante (63 %) au sein de ce groupe, le groupe "très hésitant Macron" étant le plus représenté (39%). Les divers groupes exclusivement orientés vers un candidat rassemblent 26% de ces répondants dont 12% au profit d’Emmanuel Macron, 8% au profit de Marine Le Pen et 4% au profit de Jean-Luc Mélenchon.

Conclusion

En conclusion, les situations actuelles des candidats des deux partis ayant dominé la vie politique française depuis 1981, et qui sont les incontestables perdants à ce stade de la campagne présidentielle, se rejoignent quant à leur vulnérabilité très importante face aux performances des concurrents positionnés à leur droite et à leur gauche. Elles apparaissent aussi singulièrement différentes quant à leur évolution potentielle au premier tour de l’élection présidentielle. La progression du candidat socialiste dépend de sa capacité à reconquérir un électorat potentiel inclinant aujourd’hui vers un candidat situé à sa gauche. La capacité du candidat républicain à se qualifier pour le second tour, est, quant à elle, limitée par la faiblesse de son réservoir de voix au sein des intentions de vote des concurrents à sa droite et à sa gauche. Les intentions de vote actuelles et futures pour Jean-Luc Mélenchon sont, elles, en retour dépendantes des variations de l’attractivité du candidat socialiste. Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont les candidats pour lesquels la volatilité potentielle des intentions de vote actuelles apparaît la plus faible compte tenu de leur monopole sur le vote probable de la moitié au moins des répondants lui accordant leur intention de vote : pour eux, la logique des vases communicants semble devoir fonctionner d’abord à leur profit… Il faut enfin souligner que les analyses menées n’ont pas mis à jour d’espace de concurrence mutuelle au sein des électorats d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.

Bibliographie et références documentaires

BOURDIEU (Pierre), "L’opinion publique n’existe pas", Les Temps modernes, 318, 1973.

ZALLER (John), FELDMAN (Stanley), "A Simple Theory of the Survey Response: Answering Questions versus Revealing Preferences", American Journal of Political Science, 36 (3), 1992.

TIBERJ (Vincent), DENNI (Bernard), MAYER (Nonna), "Un choix, des logiques multiples. Préférences politiques, espace des possibles et votes en 2012", Revue française de science politique, 63 (2), 2013. L’auteur Sylvain Brouard Directeur de recherche FNSP [email protected] Édition Madani Cheurfa / Odile Gaultier-Voituriez Réalisation Marilyn Augé

© CEVIPOF, 2017 Sylvain Brouard

L’Enquête électorale française Le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) est le laboratoire de référence pour l'étude des attitudes politiques et l'analyse du comportement électoral. De novembre 2015 à juin 2017, le CEVIPOF déploie un dispositif inédit de recherche et notamment l'Enquête électorale française dans la perspective de l'élection présidentielle de 2017. En partenariat avec IPSOS et Le Monde, un panel de 25 000 Français, un autre de 1 000 jeunes de 16 à 18 ans et un dernier de 2 500 personnes non inscrites sur les listes électorales, sont interrogés 16 fois durant vingt mois. L’Enquête électorale française, à l’instar des recherches conduites précédemment aux États-Unis, au Canada ou au Royaume-Uni, répond à quatre grandes questions : > Quels sont les facteurs individuels et contextuels susceptibles d’ancrer un choix électoral ? > Les variables dites lourdes (socio-démographie, religion et patrimoine) suffisent-elles à expliquer les choix électoraux ? Qu’en est-il des ressorts psychologiques du vote (émotions et personnalité) ? > Quelle est l’influence des changements personnels, familiaux, professionnels ou encore géographiques sur le vote ? > Enfin, quelles sont les formes de mobilisation politique des primo-votants ? Pour ces recherches menées dans le cadre de l'Enquête électorale française, le CEVIPOF bénéficie du soutien du ministère de l'Intérieur. www.enef.fr [email protected] www.cevipof.com

Cet article a également été publié sur le site du Cevipof

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