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Quel avenir en 2017 pour les énergies renouvelables après les performances record de 2016 ?
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Atlantico Green

Alors que pour la première fois, 2016 a été l'année où les investissements en matière d'énergies renouvelables ont rattrapé ceux liés aux énergies fossiles, 2017 s'annonce comme celle de la prise de conscience par le grand public de ces grands changements dans le domaine énergétique.

Grégory Lamotte

Grégory Lamotte

Grégory Lamotte, fondateur de Comwatt, est un expert énergéticien régulièrement auditionné à l'Assemblée nationale sur les questions liées à la transition énergétique et à la décentralisation des moyens de production d’électricité renouvelable. Spécialiste des énergies renouvelables depuis plus de quinze ans, Grégory Lamotte a développé une offre unique basée sur l'autoproduction et l'autoconsommation grâce à l’internet de l’énergie.

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Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Dans une note parue ce mois-ci, le Forum économique mondial a annoncé que l'installation de panneaux solaires ou d'éoliennes coûte désormais autant que celle d'infrastructures liées aux énergies fossiles. Quels facteurs ont favorisé ce rattrapage ? S'agit-il d'une tendance observable à l'échelle de la planète ou note-t-on des disparités ? 

Myriam Maestroni et Grégory Lamotte : Après de nombreuses années de purgatoire, pendant lesquelles les énergies alternatives se sont développées sans véritablement parvenir à être rentables, il semblerait que 2016 transforme l’essai de 2015, qui s’était déjà avéré être une année extrêmement encourageante. 2016 se profile donc comme une année charnière permettant d’acter ces énergies comme tout à fait compétitives face aux énergies fossiles, et ce dans de nombreux pays. 

Selon le Forum économique mondial, mieux connu pour son forum annuel de Davos, le futur des énergies renouvelables arriverait vraiment lorsqu'installer des panneaux solaires sera moins cher qu’investir dans le charbon, le gaz naturel ou autres énergies fossiles… Or ce jour semble bel et bien arrivé. En effet, selon son dernier et tout récent rapport, les énergies solaires et éoliennes sont maintenant au même prix, voire moins chères, que celles produites pas les nouvelles installations d’énergies fossiles dans plus de trente pays. Il est désormais établi que si cette baisse des prix de ces deux énergies renouvelables majeures continue, deux tiers des pays atteindront le fameux point de parité avec le coût du réseau ("grid parity"), dans à peine quelques années (au plus tard au cours de la décennie à venir) et sans aucune aide d’Etat.

Cette position n’est plus unique. En effet, de nombreux analystes convergent pour confirmer que le solaire est devenu en 2016 le moyen le moins cher au monde capable de produire de l'électricité dans 90% des pays. Seul les pays en zone froide (au nord de l'Allemagne) ne peuvent pas encore en bénéficier. La Banque Lazard, qui réalise chaque année depuis dix ans un palmarès des prix de production de l'électricité, montre que le solaire et l'éolien creusent l'écart avec ses concurrents.

Michael Drexler, responsable des investissements et infrastructures du Forum économique mondial - un ancien banquier d’affaires -, vient de déclarer que "les énergies renouvelables sont à un tournant, puisqu’il ne s’agit plus juste d’un choix commercial viable, mais bien une belle opportunité d’investissement de long terme avec de bonnes perspectives de retour, stables et protégées de l’inflation".

Un message particulièrement fort, et qui intervient, symboliquement quelques jours après la nomination de Rick Perry, l’ancien gouverneur du Texas, connu pour son climato-scepticisme, comme secrétaire d’Etat à l’Energie du nouveau gouvernement de Donald Trump aux Etats-Unis.

Les faits semblent corroborer cette analyse puisque les investisseurs ont déjà largement intégré qu’il devenait très intéressant de commencer à investir massivement dans les énergies renouvelables. Ainsi, le BNEF (Bloomberg Energy New Finance) estime que les investissements dans les énergies renouvelables atteindront 7 800 milliards de dollars d’ici à 2040 (dont 3 400 milliards pour le solaire en tête du palmarès, suivi de près par l’éolien avec 3 100 milliards et 911 milliards pour l’hydroélectrique). Un montant  près de quatre fois supérieur aux 2 100 milliards qui seront investis dans les énergies fossiles sur la même période pour pouvoir faire face à la demande d’électricité qui ne cesse de croitre dans le monde.

Déjà en 2015, les investissements réalisés en infrastructures liés aux énergies renouvelables, estimés à 285,9 milliards de dollars (soit un accroissement de 5% par rapport aux 273 milliards de l’année d’avant) avaient été supérieurs à ceux réalisés en énergies conventionnelles - selon les données du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP). Cela aurait permis un accroissement de la capacité mondiale de production d’électricité renouvelable, notamment solaire et éolienne, qui se taillent la part du lion avec près de trois quart du total, pour atteindre à fin 2015, selon le dernier rapport publié par le Réseau international des énergies renouvelables (REN21) - toutes sources confondues dont l’hydroélectricité - 1,849 GW, soit une hausse de 8,7% par rapport à 2014.

Ce qui est particulièrement remarquable, c'est que ce secteur en pleine expansion, qui ne semblait attirer que des investisseurs à l’affût d’aides et de subsides d’Etat, ait précisément su convertir ces aides en une série d’avantages concurrentiels solides, notamment liés à des effets d’économie d’échelle, qui ont eu des impacts extrêmement favorables tant sur l’offre que sur la production elle-même. Ainsi, le coût des cellules photovoltaïques ou des turbines éoliennes ont été réduits de façon significative. Le coût de production de l’énergie solaire est passé de 600dollars/Mwh il y a dix ans à moins de 100 aujourd’hui. Des chiffres quasiment comparables à ceux obtenus avec le charbon et le gaz naturel (estimés en moyenne à 100 dollars par Mwh). Ces sept dernières années, le solaire a enregistré une baisse de 85%; une baisse équivalente est prévue pour les sept prochaines années et cela va profondément changer le paysage de l'énergie. Il s’agit d’une tendance qui s’inscrit dans la durée. On constate la même tendance pour le solaire à concentration, qui connaîtra une chute de 43%, mais aussi l’éolien onshore et celui offshore qui coûteront, respectivement 26% et 35% moins chers au même horizon.

Au-delà de l’effet d’économie d’échelle, cette baisse des coûts est également liée aux progrès technologiques, et plus généralement à une courbe d’apprentissage rapide dans un contexte favorable. De fait, depuis quarante ans, on a assisté à une baisse régulière du prix du solaire avec la mise en service de nouvelles générations de machines outils (allemandes principalement) capables de produire des panneaux solaires plus efficacement et à moindre coût (un peu comme nous l’avons observé pour les éclairages à LED ou pour les écrans plats).

Tout cela se traduit par de profonds changements : aujourd’hui, le secteur des renouvelables est devenu de moins en moins dépendant des subventions diverses et variées… à l’opposé de ce que l’on observe pour les énergies fossiles qui bénéficiaient encore en 2014 de plus d’un-demi milliard de dollars, soit quatre fois le montant des subventions pour les énergies renouvelables, selon l’Agence internationale de l’Energie (IAE).

Bien entendu, ces gains de compétitivité se convertissent en performances financières, puisqu’aujourd’hui, les taux de retour sur investissements sont passés au delà de 10% (jusqu’à 17%) avec une volatilité réduite… ce qui est, bien sûr, de nature à rendre enfin compatible les attentes en termes de profitabilité et le fait de préserver notre planète contre les effets de plus en plus graves liés au changement climatique. Un vrai changement de paradigme longtemps attendu et qui semble enfin se matérialiser. Tous les repères changent, les cartes se redistribuent, certains experts de l'énergie le savaient ou l’appréhendaient depuis longtemps, mais 2017 sera l'année où le grand public va en prendre conscience, et ce partout dans le monde.

En bref, qu’il s’agisse de promouvoir l’accès à l’énergie (encore plus d’un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’énergie) ou de consolider les capacités de pays en forte croissance et donc avec une demande d’électricité en forte augmentation telle que la Chine (devenue premier producteur de panneaux photovoltaïques et numéro un devant l’Allemagne avec 16% de la production photovoltaïque mondiale), la solution solaire est parfaitement adaptée. Et ce n’est qu’un début ! Même si son développement reste assez lent en France, il a progressé de 45 % au niveau mondial, passant de 51 GW installés en 2015 à 74 GW en 2016. Les États-Unis, l’Inde, la Chine et le Japon s’illustrent comme les pays qui investissent massivement dans ce secteur.

Cette tendance de fond s’auto-consolide au travers d’un écosystème global qui permet d’envisager un développement plus rapide que prévu des véhicules électriques, vus comme autant de mini stockages d’électricité, des technologies dites "smart" facilitant le confort de l’utilisateur partie prenante dans une logique globale de producteur-consomm’acteur, mais aussi bien sûr des technologies de stockage de cette énergie qui deviendra idéale lorsqu’on sera complètement capable de la stocker. Un sujet sur lesquels les plus grands progrès restent à venir et à suivre avec attention aux côtés des plus grands experts du moment tels Elon Musk, devenu un gourou du stockage d’électricité domestique produite par des panneaux solaires avec son Powerwall (batterie lithium-ion produite par Tesla) permettant de gérer l’intermittence, c’est-à-dire de stocker l’énergie quand elle est produite et de l’utiliser quand elle est nécessaire - pour ne citer qu’un exemple parmi de nombreux autres.

Pour la première fois, l'énergie solaire a constitué, aux Etats-Unis, la première source d'énergie selon l'Agence américaine de l'Information énergétique. Quel est l'impact au quotidien de la place occupée par le solaire et de son développement ? 

En 2016, ce sont 9,5 GW de capacités photovoltaïques qui se sont ajoutés au réseau américain, faisant du solaire la première source d’énergie sur une année complète selon les estimations du gouvernement américain. Selon l’Association des industries de l’énergie solaire (SEIA), on a installé cent vingt-cinq panneaux solaires par minute aux Etats-Unis en 2016. Ces données deviennent encore plus impressionnantes quand on y ajoute les capacités installées par les particuliers ou dans le tertiare, dites décentralisées avec un prix moyen pour les systèmes installés en toiture qui est passé pour la première fois en deça de 3 dollars/W (qui sont comptabilisées à partir des capacités centralisées) portant le total installé à 11,2 GW, soit près de 88% de plus que l’année précédente. Il est important de noter qu’il a fallu quarante ans pour installer 1 million de toitures solaires aux Etats-UnisQuand on sait que dans les deux ans à venir, on aura plus de 2 millions de toitures solaires, la progression donne le vertige. C'est une loi exponentielle qui bouleverse les équilibres, comme nous l'observons souvent dans le digital. Avec un tel niveau de progression, cette énergie, qui ne représente encore qu’un petit pourcentage de nos moyens de production actuels, va sûrement devenir le moyen principal d'ici vingt ans. Il faut ajouter aux éléments précédents que le solaire peut être produit sur le lieu de consommation, en autoconsommation, ce qui évite les frais de transportqui représentent plus de 50% de la facture d'électricité dans tous les pays du monde.

Un succès qui s’affirme trimestre après trimestre. Ainsi, l’industrie solaire américaine vient de fixer un nouveau record sur le dernier trimestre de l’année, avec plus de 4,413 MW de panneaux solaires photovoltaïques installés, toujours selon le SEIA. Cela équivaut à un nouveau projet solaire toutes les 84 secondes et à un nouveau megawatt toutes les 32 minutes.

La Californie est devenue le premier Etat au monde à avoir installé plus d’1GW de capacité sur un simple trimestre, mais son exemple est suivi par d’autres Etats américains, qui deviennent ainsi également membre du "Gigawatt Club", c’est-à-dire des Etats comptant plus d’1,2 GW installés. C’est le cas de la Caroline du Nord, de l’Arizona, du Massachussets, du New Jersey, et du Nevada, pour ne citer que les plus actifs parmi les quatorze Etats qui ont tous contribué à cette remarquable croissance en installant plus de 100 MW sur cette seule année 2016. 

Au global, la capacité désormais installée aux Etats-Unis s’élève à 38,5GW, c’est-à-dire de quoi fournir de l’électricité à 6,5 millions de foyers américains et de réduire les émissions de CO2 de 41,7 miilions de tonnes par an.

Ainsi, aux Etats-Unis, comme dans le reste du monde, l’ensemble des productions centralisées d’électricité à partir d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) ou nucléaire sont en crise car elles se retrouvent avec des actifs datant d'un ancien temps, qui ne sont plus compétitifs avec les énergies renouvelables. Un seul exemple: celui d’Engie, qui a pris la décision courageuse de se libérer de ses actifs toxiques en trois ans (et suivant la voie tracée par l’allemand Eon). Cela cause d’importantes dépréciations, mais il s’agit sans aucun doute d’un virage indispensable pour survivre.

Quelle est l'évolution attendue pour l'énergie solaire en 2017 ? Les tendances précédemment décrites seront-elles confirmées ? Quel impact cela pourrait-il avoir sur la lutte contre le réchauffement climatique ?  

Pour le solaire, le développement à grande échelle des capacités installées renforce l’ambition du secteur qui prévoit que le photovoltaïque mondial continuera à se développer de façon exponentielle pour atteindre 540 GW de puissance solaire totale installée en 2020 contre 178 GW à fin 2014 et une année 2015 record (147 GW de capacités installées, 286 milliards dollars investis).

Ainsi, selon la loi de Swanson, le doublement de la capacité de production mondiale de photovoltaïque diminue les coûts de production du kilowattheure de 20 %, et cela se produit tous les vingt mois, depuis quarante ans. Énergie peu coûteuse, le photovoltaïque est aussi facile à installer.

Il faut dire -et même si cela peut paraître bien paradoxal pour certains - qu’enfin le développement des énergies renouvelables semble tout autant, sinon plus, motivé par des raisons économiques pures que pour des raisons environnementales… Ce n’est pas grave, bien au contraire, car c’est finalement faire d’une pierre deux coups. Il est bien évident que le développement rapide de ces moyens de production d'électricité à partir d’énergies renouvelables, de plus en plus compétitives, tant en ce qui concerne le solaire que l’éolien, est une vraie chance pour le climat. Tous les experts de l'énergie sont d'accord: la compétitivité des renouvelables va encore progresser… et cela constitue un vrai message d’espoir au premier jour de cette nouvelle année, en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique… et ce, même si on est encore loin du compte, avec une accélération des événements climatiques extrêmes qui ont ponctué une année 2016 qui deviendra une nouvelle année record en matière de hausse des températures. 

En effet, même si en forte hausse, dans une terrible course contre la montre, le niveau d’investissements en énergies renouvelables pour éviter les effets catastrophiques du réchauffement climatique devrait s’élever, selon les termes de l’Accord de Paris, à 1 000 milliards de dollars contre 286 milliards investis l’an dernier (soit un quart du total) d’après les estimations des Nations Unies. De nombreuses barrières empêchent encore les investissements de décoller… pour des raisons d’ailleurs plus politiques qu’économiques : contrats non standardisés, environnements réglementaires incertains, etc. 

En France, en 2017 il deviendra sans doute  plus rentable d'utiliser l'électricité produite sur son toit que de l'acheter au réseau; c'est un grand tournant. Tous les partis politiques semblent d'accord pour soutenir l'autoconsommation car c'est un moyen qui présente trois grands avantages :

- Bon pour le pouvoir d'achat : en faisant baisser le prix de la facture électrique aux Français, avec une énergie solaire de moins en moins chère;

- Bon pour la collectivité : en faisant baisser les investissements dans les réseaux d'électricité car avec le mélange solaire / digital, certaines start-ups comme Comwatt, arrivent à synchroniser l'offre et la demande d'électricité et ainsi éviter les couteux pics et creux de consommations;

- Bon pour la résilience des territoires : en produisant au plus près des consommateurs, par des millions de producteurs, le système électrique français devient beaucoup moins fragile, moins vulnérables aux caprices de la géopolitique et des attentats. 

Avec tous ces avantages, pourquoi la France est si en retard au niveau des renouvelables ?

Pendant longtemps, les Français ne se sont pas intéressés aux sujets qui concernent l'énergie électrique, car c'était une énergie centralisée et lointaine. Après la guerre, il n’était pas concevable de piloter de manière décentralisée le parc nucléaire français. Mais maintenant que nous savons que les énergies décentralisées vont pouvoir faire partie du paysage progressivement, les Français vont pouvoir se saisir du sujet car il devient plus proche d'eux.

Mais pour que les Français puissent se saisir de cette opportunité, ils vont devoir se poser les bonnes questions. Quel avenir énergétique je souhaite pour la France ? Pour mon porte-monnaie? Pour mes enfants ? C’est un bon moment au seuil de cette nouvelle année pour le faire ! Cela tombe bien: les Français n'auront pas à choisir l'un ou l'autre; avec les renouvelables, c'est fromage et dessert, car souvenez-vous bien, le soleil n'envoie pas de facture.

Que 2017 soit donc une année placée sous le signe des économies d’énergie, corollaire naturel et indispensable de notre utilisation d’énergies… même renouvelables! Meilleurs vœux à tous !

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