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"Rassembler la gauche !" : dans les urnes pour gagner la grande bataille ou sur le pont juste avant le grand naufrage ?
©Park Circus

Rhétorico-laser

Si le "rassemblement" est le grand mot de tous les candidats à la primaire socialiste, l’absence de tout fondement crédible et positif sur lequel ce rassemblement pourrait se construire le condamne à l’échec.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Il semble qu’ils se soient passé le mot : de Manuel Valls à Martine Aubry en passant par Montebourg et Cambadélis, tous les leaders de gauche en appellent au "rassemblement". Comme François Hollande avant eux, dans les derniers soubresauts à peine audibles d’une éventuelle candidature : le renoncement du Président, qui a poussé l’usage du mot jusqu'à la saturation, devrait mettre la puce à l’oreille de ses successeurs putatifs.

Certes, il faut y voir l’effet d’un spectre qui hante le pouvoir sortant : la crainte d’un "21 avril puissance 10". Que les gouvernants et le parti majoritaire actuels soient terrifiés à cette perspective, qui signifie un congé avec ou sans solde mais sans doute de longue durée, est parfaitement compréhensible ; mais, en dehors des militants et des convaincus, le mot d’ordre n’est pas crédible.  

Pas crédible parce qu’avec au maximum 1/3 de l’électorat, la gauche n’est plus en mesure, quoi que l’on dise pour entretenir le suspense, d’emporter l’élection présidentielle. 

Pas crédible encore parce que le résultat de la primaire, quel qu’il soit, ne recollera pas les morceaux du PS, bien au contraire, tant le clivage autour de la personnalité et du bilan de Manuel Valls va être violent. 

Pas crédible enfin et surtout parce que, comme ce dernier l’a dit, les "positions sont irréconciliables" sur le fond de la politique entre les sociaux-réformistes et les socialistes "canal historique".

Volonté de parallélisme oblige, certains essaient de mettre sur le même plan "les divisions de la droite". Il serait peut-être temps de s’aviser que celles-ci ne touchent justement pas au fond mais à la méthode et plus encore aux querelles d'égos qui lui ont tant coûté dans son histoire. En un sens, l’instauration de la primaire aura été le plus beau cadeau fait par la gauche à la droite, qui y a trouvé le remède inespéré à ce mal congénital.

La victoire écrasante de F. Fillon à cette primaire devrait en retour faire réfléchir la gauche. Le thème du "rassemblement" n’a en effet jamais été présent dans sa rhétorique de campagne. Bien au contraire, il n’a cessé d’insister sur sa volonté de "casser la baraque". Tout l’inverse d’Alain Juppé qui n’avait que le "rassemblement" à la bouche. On connaît le résultat.

Trois raisons fondamentales concourent à cet échec prévisible du thème du "rassemblement" à gauche.

1/ Il n’a pas de sens AVANT le premier tour d’une primaire, où il faut précisément se différencier de ses concurrents (nombreux). Le brandir dès aujourd'hui c’est se croire (comme Alain Juppé) déjà au 2ème tour. Petite erreur de contexte dont la prise en compte est, faut-il le rappeler, l’impératif absolu de tout discours réussi.

2/ Contexte qui va d’ailleurs bien au-delà : la situation du pays, l’échec des politiques menées depuis 30 ans privilégient les scénarios de rupture et les discours transgressifs : d’où l’échec retentissant d’Alain Juppé et la composition du trio de tête actuel : Fillon, Le Pen, Macron. Certes ce dernier parle de "rassemblement" mais, justement, à travers la transgression du clivage gauche/droite.

3/ Le "rassemblement" ne peut être que la conclusion, le message qui se dégage d’une argumentation crédible et d’une thèse claire sur la situation et les besoins du pays. On ne trouve ces éléments chez aucun des candidats de la primaire socialiste. Et pour cause : comment soutenir, vu le bilan du quinquennat Hollande, qu’il faille continuer sur le même chemin (pour Manuel Valls) ou qu’il faille encore augmenter les impôts et/ou creuser encore les déficits (pour les Frondeurs) ? D'où la polarisation du discours sur "l'avenir de la gauche", ses "valeurs", sa "mission" : vocabulaire religieux, d’ailleurs accompagné d’excommunications réciproques entre les différentes chapelles de la "Belle Alliance Populaire". 

L’une des raisons fondamentales de l’effondrement du Parti socialiste (et plus largement de la gauche) est sans doute là : son attention obsessivement autocentrée, accompagnée d’un déni des vrais problèmes du pays. Voilà pourquoi, faute de diagnostic crédible et partagé, il ne peut y avoir de "rassemblement" possible à gauche. "Le tout sauf Fillon" qui se profile, de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le PS, n’y suffira pas, même s’il peut s’avérer redoutable pour le candidat de la droite. Il pourrait en fait avantager Emmanuel Macron qui avance ses pions dans l’espace laissé libre par la gauche, mais aussi par la droite, au vaste centre d’un électorat qui cherche une nouvelle issue. 

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