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"Liberté !" Comment un mot abandonné par la droite comme par la gauche a été repris par Trump et Marine Le Pen en passant par les "Brexiters" et Mélenchon
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Rhétorico-laser

Dans la floraison de commentaires, d’ailleurs contradictoires, suscités en France par la victoire de Trump aux Etats Unis, un fait majeur est passé inaperçu : l’importance du mot "liberté" dans la campagne de Trump.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Thème central des affiches électorales, la manifestation la plus spectaculaire (et la plus délirante pour des yeux français) de cet appel à la liberté a été l’hymne composé par Jeff Popick et chanté par les "USA freedom kids", sorte de mini-majorettes, à la gloire de Trump : "Lorsque la liberté sonne à ta porte, répond à l'appel !" 

En écho, le message de félicitations de Marine Le Pen a salué le choix du "peuple américain, libre". Comme elle avait salué "une victoire de la liberté" après le Brexit. Qui lui-même s’était fait au nom de la défense de la "liberté britannique". Et c’est encore dans la célébration de cette "liberté" que Trump vient de recevoir son premier (!) visiteur étranger, le chef des Brexiters, Nigel Farage. Enfin, lorsque l’on songe que le nouveau groupe populiste au Parlement européen s’appelle le "Mouvement pour l’Europe des nations et des libertés", on se dit que la boucle est bouclée... 

Mais allons un peu plus loin : s’il fallait encore se convaincre des convergences idéologiques entre Le Front national et le Front de gauche, l’on remarquera que le mot "liberté" est également au cœur du discours de Jean-Luc Mélenchon, comme le dit bien son appel à la "France insoumise". 

Ceci dit, il y a insoumission et insoumission, liberté et liberté : si tous les populistes sont souverainistes, la "freedom" américaine est fondamentalement hostile au pouvoir central, alors que la "liberté" selon Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon adore l’Etat, dont le renforcement dans tous les domaines est pour eux LA solution. Différence radicale des cultures politiques, entre le fond libertaire de la révolution américaine et la tradition étatiste qui l’a emporté dans la révolution française.  

Il reste que cette nouvelle thématique des populismes devrait faire réfléchir les commentateurs mais aussi les autres partis. Elle signale que ces derniers ont ouvert la voie à cette captation en abandonnant quasiment toute référence à la liberté. 

La gauche non communiste, était pourtant naguère très engagée dans le combat pour la liberté (valeur cruciale de Jaurès à Mitterrand). Elle s’est désormais repliée sur son obsession de l’égalité allant du matraquage fiscal à la dernière réforme du collège. Dans le même temps, le quinquennat qui s’achève aura été l’un des plus liberticides la Ve République : empilement des restrictions à la liberté d’entreprendre, déjà bien mal en point dans notre pays, entre multiplications des normes et des taxes ; attaque frontale contre la liberté individuelle par la loi sur le Renseignement qui va bien au-delà de la lutte indispensable contre le terrorisme, comme vient de le rappeler le Conseil Constitutionnel en matière de surveillance hertzienne ; menaces redoutables pour la liberté d’expression dans la loi "égalité et citoyenneté", avec la répression de toutes les "discriminations", ouvrant la voie à tous les abus.

Mais force est de constater que la droite dite "républicaine" n’est nullement en reste en la matière. En témoigne l’adoption récente par le Sénat des dispositions les plus dangereuses de cette dernière loi, tout comme le vote massif par la "droite républicaine" de la loi Renseignement. 

De même, la rhétorique dominante des candidats à la primaire de la droite ne fait guère place à la liberté, seulement présente dans le programme économique de François Fillon et dans le programme éducatif de Bruno Le Maire. Pour le reste, "Autorité", "sécurité" et "identité" semblent être devenus son nouveau triptyque de référence. Que Marine Le Pen mette désormais en avant son "souci de la France libre" en dit long sur sa tentative de captation de l’héritage gaullien…

Rappelons donc aux partis qui se réclament de la République, que la devise de celle-ci est "liberté, égalité, fraternité". Rappelons surtout, fait totalement passé sous silence dans le débat politique, que parmi ces trois valeurs, la première emporte la préférence des Français : 43% contre 37% à l’égalité et 20% à la fraternité (sondage IFOP/Opinion/Génération Libre, avril 2016).

De sorte que l’on voudrait avancer ici une hypothèse iconoclaste : le succès croissant des populismes pourrait AUSSI s’expliquer par la défense d’une valeur, bien sûr instrumentalisée et réinterprétée comme toujours dans l’histoire des idées, mais trop négligée par les familles politiques dont elle avait pourtant constitué l’inspiration première. 

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