Hollande, Copé, Sarkozy "coincés" par des journalistes : mais pourquoi donc de grands fauves politiques se laissent ainsi prendre aux (gros) pièges médiatiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ni Hollande, ni Copé, ni Sarkozy ne sont des perdreaux de l’année. Leur sens de la formule et de la répartie est même exceptionnel.
Ni Hollande, ni Copé, ni Sarkozy ne sont des perdreaux de l’année. Leur sens de la formule et de la répartie est même exceptionnel.
©Pixabay

Rhétorico-laser

Entre prix du pain au chocolat et choix au second tour de la présidentielle, Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy ont fait en petit ce que François Hollande a fait en immense : tomber dans des gros panneaux que leur expérience aurait dû leur faire éviter. Pourquoi donc ?

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Comment donc expliquer que des politiciens très expérimentés se fassent prendre au jeu très balisé de journalistes qu’ils pratiquent depuis des lustres ?

On ne fera qu’évoquer ici le fameux livre sur François Hollande des journalistes du Monde. « LE LIVRE » comme on dit désormais, continue semaine après semaine de saper sûrement une nouvelle candidature du locataire (précaire) de l’Elysée, comme on l’a vu avec les dernières déclarations de Manuel Valls. 

Ce qui nous intéresse ici, c’est que cet exemple contredit l’un des dogmes de la (mauvaise) communication politique, le sacro-saint découpage en « séquences » de la grande dramaturgie médiatique. Certes un événement chasse l’autre, certes l’hydre a besoin de viande fraîche chaque jour et les communicants sont précisément là pour la lui fournir, comme le préconisait Alistair Campbell, le grand prêtre de la communication de Tony Blair. Mais il faudrait s’aviser que, si internet est un puissant incitateur au zapping, c’est aussi un dépôt d’archives sans limite, immédiatement disponible et très bavard. On le mesure au fait que depuis la parution « DU LIVRE », l’Elysée n’arrive justement pas à passer à une « nouvelle séquence ». Comme si les pendules médiatiques s’étaient arrêtées et que le temps (d’orage) avait suspendu son vol au-dessus de la tête de François Hollande. Nul doute que l’on parlera longtemps de cette « séquence sans fin » et qu’elle figurera en bonne place dans l’enseignement des futurs journalistes et communicants.

Comme l’on parle toujours, près de 10 ans plus tard, d’une certaine soirée au Fouquet’s en mai 2007, dont la mémoire colle toujours à l’image de Nicolas Sarkozy avec son corollaire mortifère en France : « président des riches ! ». Lequel doit désormais se dépêtrer aussi de sa réponse embarrassée à Jean-Jacques Bourdin sur son choix entre François Hollande et Marine Le Pen dans un duel de second tour. Voilà que l’ancien président semblait se résigner à voter pour son rival et successeur. De quoi semer le trouble parmi ses fans, pour qui le « TSH » (« Tout Sauf Hollande ») est le premier des dix commandements. En mode plus léger, Jean-François Copé s’est lui fourvoyé sur le prix du pain au chocolat au micro de Thomas Sotto. « La Toile », encore elle, s’en est emparée dans l’instant et n’a cessé de déployer son imagination impertinente et son humour vachard sur le « vrai prix des choses ».

Episodes d’importance très inégale mais qui posent tous la même question élémentaire : comment ont-ils simplement pu se produire ? Ni Hollande, ni Copé, ni Sarkozy ne sont des perdreaux de l’année. Leur sens de la formule et de la répartie est même exceptionnel. Dans les trois cas, il était d’une facilité déconcertante d’échapper au piège : le « off » systématique ou la relecture pour François Hollande (quitte à stopper le jeu) ; le coup de botte en touche pour Jean-François Copé, d’autant plus facile qu’il pouvait plaider avec humour une « allergie au pain au chocolat » depuis une certaine déclaration… Idem pour Nicolas Sarkozy, qui pouvait de façon imparable (voir plus haut) écarter dans un grand éclat de rire toute hypothèse d’une duel Hollande/ Le Pen en 2017. 

Certes le talent et l’expérience des journalistes concernés a joué un grand rôle dans les pataquès de leurs interlocuteurs. Les deux journalistes du Monde ne sont pas du genre à « lâcher l’info » quand on leur offre sur un plat ; et c’est en fin d’interview que Thomas Sotto et Jean-Jacques Bourdin ont posé leur question fatale, après avoir bien « fatigué » leur proie, comme on dit à la chasse. 

Avis donc à tous ceux qui passeront prochainement entre leurs mains !

A moins qu’ils ne tombent, eux aussi, dans le piège tête la première…

Et cela pour trois raisons : 

1/ C’est précisément leur trop grande familiarité avec les journalistes qui aveugle de nombreux hommes politiques : ils oublient que les médias préféreront toujours un scoop à une complicité.

2/ Trop de com’ tue la com’ :  obsédés par « l’image » et la « séquence », la plupart en oublient une règle de base de la rhétorique : soigner son argumentation et de sa contre-argumentation. 

3/ Enfin, la puissance de certains égos les pousse à avoir réponse à tout, à disserter sur tout et à « déballer » sur tous.

Avant d’affronter les médias, mieux vaut donc lire les comédies de Molière ou les fables de la Fontaine sur les petits et grands travers de l’homme, plutôt qu’un manuel de com’ ! 

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