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"Barrez-vous", qu’ils disaient : le parcours du combattant de ces Français de retour au pays après être allés vivre à l’étranger
©Flickr/Xavier Micora

Revue de blogs

Les donneurs de leçon de mondialisation heureuse ne sont pas les payeurs : quitter la France est à la mode, mais revenir est compliqué. Le témoignage d'une jeune expat' revenue en France provoque beaucoup de réactions, et pose des questions.

Claire Ulrich

Claire Ulrich

Claire Ulrich est journaliste et fan du Web depuis très longtemps, toujours émerveillée par ce jardin aux découvertes, et reste convaincue que le Web peut permettre quelque chose de pas si mal : que les humains communiquent directement entre eux et partagent la chose humaine pour s'apercevoir qu'ils ne sont pas si différents et qu'il y a donc un moyen de s'entendre.

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"Barrez-vous !" est l'injonction à la mode, mais les problèmes de visas, les parcours professionnels, et le ressentiment anti-France n'étant pas tous également partagés, on en oublie qu'environ 270 000 personnes (estimation) reviennent en France chaque année.

Après quelques années passées au Canada, Anne-Laure Fréant est revenue en France. De deux ans de marécage administratif et dépressif dûs à une réacclimatation difficile, elle a tiré un livre de conseils aux "impatriés" et même un guide au retour, demandé par le gouvernement enfin sensibilisé à cette population mal connue. Le succès de son post récent sur Médium, "Revenir en France : la galère silencieuse des expatriés"fait toucher du doigt que les "impatriations" sont des activités à hauts risques. Déjà, un autre de ses articles, "lechoc culturel inversé, le tablou des expatriés" avait fait mouche sur les réseaux. Une communauté s'est formée autour d'elle, celle des "incompris du retour", des jeunes étudiants ou employés qui accumulent par goût, obligatio ou idéalisme, différentes expériences à l'étranger.

Globalement, on vous ment. Partir est génial, très bien accepté désormais. Mais la France n'aime pas tant que ça ceux qui reviennent. Surtout, elle ne les comprend pas. Hormis les cas de retour en famille "Ricorée", le retour est très dur, d'abord face aux proches. Côté famille, Ninon raconte : ''De mon expérience, les montagnes russes émotionnelles sont souvent provoquées par l'accueil qui nous est réservé : "alors cette fois tu vas peut-être enfin te poser ?" "Qu'est-ce que tu vas encore nous trouver comme prochaine destination ?" "La prochaine fois choisis au moins un pays qui fait envie / moins cher / plus proche / etc." On n'est pas encore rentré et on nous reproche souvent d'être parti par le passé, de potentiellement repartir dans le futur, et on n'est pas ancré dans le présent." David :  Je ne peux que plussoyer...après 3 ans au Japon, le retour (temporaire, je repars bientot) en France a été une horreur...pour dire, pendant les trois premiers mois de mon retour, je n'ai eu droit à aboslument rien, moins d'aide qu'un sans papier, je n'aurai pas eu mes parents, je me serais retrouvé à la rue. Pas le droit de prendre un logement car moins de trois mois sur le territoire, idem pour la secu, idem pour un boulot, bref, une belle galère...sans parler de la mentalité française, ou l'encouragemetn est surtout pour te tirer vers le bas plutôt que vers le haut'. 

Une expérience à l'étranger est valorisante professionnellement ? Pas toujours. Les employeurs optent pour le simple et stable.  Pour les indépendants, bien entendu, l'accueil de l'URSAFF, des propriétaires d'appartements et des impôts vous rappellent que Balzac est français. Elizabethconfirme que les 'revenants' sont incompris même dans les entreprises.  'Bien souvent (la vie d'expatrié) est perçue par la société comme une vie dorée sous les cocotiers... Or les risques auxquels sont exposés ces salariés existent bel et bien. Les entreprises prennent le plus souvent en compte les risques physiques, moins les risques psychosociaux dûs à l'éloignement, les nouvelles organisations du travail...et le choc culturel inversé au moment du retour en fait grandement partie!.Clément acquiesce: "… 2 ans que je suis rentré du Canada, la première pensée qui me viens au réveil est d’y retourner.. gros décalage, limite t’arrives plus à te réintégrer dans ton propre pays".

Anne-Laure en veut aux spécialistes de l'expatriation des entreprises, souvent aveugles. ''Il est malheureux de voir les professionnels du monde de l’expatriation parler "d’ addiction à l’international ": si les personnes qui repartent sont si nombreuses, ce n’est pas parce qu’elles sont « droguées » et qu’elles ont besoin d’une bonne cure de désintox pour rentrer dans le moule. (...) C’est au contraire parce que les personnes avec une intelligence culturelle (et émotionnelle) développées n’ont pas la possibilité de s’exprimer une fois rentrées en France. On leur demande de désapprendre au plus vite tout ce qu’elles sont devenues depuis plusi"eurs années pour les forcer à rentrer dans des cases qui de toutes façons ne les intéressent pas. La société française, très fermée sur elle-même, très conventionnelle, très hiérarchique, ne laisse pas beaucoup de place aux compétences relationnelles, à l’intuition, aux personnes dont l’identité s’est enrichie des nouvelles perspectives dont nous manquons pourtant cruellement.'

Elle insiste, et les commentateurs approuvent, que les risques psychologiques sont importants, et non pris en compte, d' 'une situation très inconfortable et difficile à gérer sur le plan psychologique: c’est comme retourner vivre chez ses parents à l’âge adulte alors qu’on mène une vie indépendante depuis plusieurs années " L'acculturation, la sensation de double vie très inconfortable, très souvent des dépressions, sont partagés par tous, et semblent faire partie de nouveaux effets collatéraux, encore mal compris de l'éparpillement des vies et des familles. Pierre trouve néanmoins que 'écrire un article sur la difficile réinsertion des expatriés français dans leur propre pays est limite 'obscène' par les temps qui courrent''. Et pour ces nouvelles générations très fournies d'expatriés,  Gaelle in Los Angeles, qui n'est pas encore rentrée, aimerait qu'on pense  à la précarité de son visa et de ses revenus, avant de la voir en princesse expatriée.  "Tous ceux qui disent “tu vis là bas ne te plains pas c’est génial qu’est ce qui pourrait être pire”, demandez-vous deux secondes si vous seriez prêt à partir seul à l’autre bout du monde sans aucun avenir certain. Pour beaucoup la réponse serait non !"

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