L’appel vibrant du pouvoir à la "responsabilité"… des autres !<!-- --> | Atlantico.fr
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A tout seigneur tout honneur ! François Hollande sait admirablement manier l’ambiguïté, le double sens et l’engagement qui n’engage à rien (cf. l’inversion de la courbe du chômage).
A tout seigneur tout honneur ! François Hollande sait admirablement manier l’ambiguïté, le double sens et l’engagement qui n’engage à rien (cf. l’inversion de la courbe du chômage).
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Rhétorico-laser

C’est un véritable leitmotiv de nos gouvernants : que ce soit l’économie, le chômage, la réforme constitutionnelle, les manifestations, que ce soit François Hollande, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve, le mot magique sature le discours du pouvoir : « res-pon-sa-bi-li-té ! Comprendre toujours : la responsabilité des autres.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Le gouvernement pratique cette tactique depuis le fameux pacte du même nom, qui s’est transformé en véritable piège rhétorique pour le patronat, sommé d’« assumer ses responsabilités », c’est-à-dire de créer des emplois en échange de l’allègement des cotisations. Et le MEDEF, à commencer par son président arborant fièrement son pin’s « un million d’emplois » qu’on lui rappelle à charge à chaque occasion, est tombé dedans. On s’étonne encore de l’absence, dans le discours patronal, d’un contre-argumentaire très simple : l’Etat ne fait aucun « cadeau » - même aux entreprises – mais modère seulement son appétit fiscal ; le Pacte de responsabilité n’aboutira à son terme, en 2017, qu’au niveau des charges de 2012 ; et en 2017, les entreprises françaises seront toujours les plus taxées d’Europe ; enfin leur « responsabilité » n’est pas la création d’emplois mais la création de richesses.

A tout seigneur tout honneur ! François Hollande sait admirablement manier l’ambiguïté, le double sens et l’engagement qui n’engage à rien (cf. l’inversion de la courbe du chômage). Et « la responsabilité » qui n’engage que celle des autres… On se souvient notamment de l’appel au « Parlement à prendre ses responsabilités » lors des derniers vœux présidentiels à propos de la déchéance de la nationalité, comme si l’affaire initiée par François Hollande lui-même ne le concernait plus. Ce qui d’ailleurs fut vérifié par la fin en queue de poisson du projet ; mais le président aura engrangé au passage le demi-succès d’avoir impliqué dans sa propre déroute la « responsabilité » de la droite sénatoriale. 

Le procédé, aussi brillamment illustré par le chef de l’Etat lui-même, est si tentant qu’il est devenu un véritable tic dans le discours du Premier ministre, qui n’hésite pas à employer le mot plusieurs fois dans une même phrase. Certes, à la décharge de Manuel Valls, il faut reconnaitre qu’il revendique cette exigence pour sa propre action contre l’aveuglement idéologique des Frondeurs. L’ennui c’est que cet « esprit de responsabilité » est aussi invoqué par le même Manuel Valls pour capituler à la moindre opposition, comme on l’a vu dans la dénaturation de la loi Travail : « Notre responsabilité, c’est de mener à bien ce texte avec les amendements nécessaires » (sic). Et soyons-en sûrs : si la loi capote au Parlement, ce sera la droite qui sera mise en accusation pour n’avoir pas « assumé ses responsabilités ».

Lesquelles sont aujourd’hui invoquées par le Ministre de l’intérieur à l’égard des organisateurs de manifestations pour empêcher les violences désormais quotidiennes. En attendant, la question des instructions données aux forces de l’ordre curieusement attentistes jusqu’ici, demeure sans réponse, alors que là se trouvait la responsabilité propre du Ministre de l’intérieur. Comme il relevait également de lui de porter plainte contre la CGT pour son affiche pour le moins diffamatoire à l’égard de la police. Mais Bernard Cazeneuve - l’un des plus habiles rhéteurs de la gauche – a su manier avec dextérité l’une des grandes techniques de la parade rhétorique : la substitution. A la plainte en justice contre la CGT et à l’intervention précoce contre les casseurs, il a substitué la ferme condamnation en parole qui ne coûte rien et des considérations sur l’attachement des uns et des autres (syndicats, manifestants, et mêmes casseurs !) aux « valeurs républicaines ». Etait-ce le vrai sujet ?  

Nous voici donc tous renvoyés à nos « responsabilités », qui sont bien souvent celles-là même que l’Etat, par calcul politique et électoral, a décidé de ne plus assumer. De quoi être à notre tour fort tentés, à chaque fois que le mot resurgit dans le discours officiel, d’appliquer la même maxime que nos gouvernants : « courage, fuyons ! »  

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