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"Dernier tiers du mandat de François Hollande" : quand notre génie national invente un nouveau système arithmétique, le "calcul quinquennal"
©Reuters

Rhétorico-laser

Etrange élasticité du temps selon les commentateurs, où se révèlent à la fois notre culture politique décidément plus littéraire que mathématique, l’affolement naturel des hommes devant la fuite des jours, mais aussi les inconscients partisans.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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En ce début février 2016, les calculs vont bon train sur la proximité de l’échéance de 2017 et son impact sur le quinquennat finissant. « Calcul » est peut-être un mot un peu fort car certaines évaluations temporelles ont de quoi surprendre, telles que « le président est entré dans le dernier tiers de son mandat » ou bien « nous sommes à un an de la grande échéance ». Etrange élasticité du temps selon les commentateurs, où se révèlent à la fois notre culture politique décidément plus littéraire que mathématique, l’affolement naturel des hommes devant la fuite des jours, mais aussi les inconscients partisans : allongement de la durée restante pour ceux qui voient avec effroi le terme du mandat approcher ; raccourcissement pour ceux qui souhaitent (et pas seulement à droite !) que l’on tourne vite la page… Des deux, c’est clairement la « version longue » qui l’emporte, indicateur sûr des préférences média politiques. A l’automne 2015, nous en étions ainsi « à la moitié du quinquennat » ; aujourd'hui, c’est « le dernier tiers »… 

C’est évidemment faux dans un cas comme dans l’autre. D'abord, arithmétiquement : François Hollande étant entré en fonctions le 15 mai 2012, il est arrivé à mi-mandat dès le 15 novembre… 2014 ; et à son dernier tiers depuis le 15 septembre 2015, il y a donc près de 6 mois. Il lui reste donc un peu plus de 15 mois à l’Elysée. Autrement dit, il va entrer dans le dernier quart de son mandat dès la semaine prochaine…  

Mais à ce calcul purement arithmétique, il faut bien sûr préférer celui du temps politique : non seulement le premier tour des élections aura lieu dès le 23 avril 2017, mais en plus, la campagne électorale aura déjà gelé l’action gouvernementale. La peau de chagrin se réduit d’autant.

Elle se réduit encore plus si l’on tient compte de la lenteur du processus législatif, du contrôle de constitutionnalité et des innombrables « aléas » bureaucratiques. Ils rendront inapplicable toute décision postérieure au vote du budget 2017, c’est-à-dire en décembre prochain. Et ceci dans la meilleure des hypothèses, c’est-à-dire la plus rare, vu l’inapplication totale ou partielle de lois ou de décrets adoptés depuis belle lurette : cf. la loi Macron ou le processus de « simplification » que tout l’art de notre bureaucratie s’ingénie à complexifier. Coup de grâce : la perspective d’une alternance n’est évidemment pas propice à l’accélération de ce rythme de sénateurs (et de fonctionnaires). Sauf en matière de reclassements individuels qui constituent l’activité principale des cabinets en fin de vie...

Soyons charitables et retenons quand même, comme terme véritable du quinquennat actif, décembre 2017 ; soit juste après le second tour de la primaire de la droite (27 novembre). Nul doute que celle-ci va marquer le début de la pré-campagne présidentielle qui absorbera alors totalement François Hollande, face à son challenger désigné et légitimé par un vote qui s’annonce massif. 

Résumons-nous : il reste au mieux au président en exercice 10 mois utiles. Sans même tenir compte de crises internationales majeures, tant sur le plan économique que politique.  

C’est à cette aune qu’il faut donc mesurer la pertinence des mesures annoncées tambour battant sur la formation professionnelle, la réforme du code du travail, la réforme pénale, la suite de la réforme territoriale etc… Vastes chantiers sur la réalisation desquels, à voir les atermoiements sur la révision de la constitution, on peut avoir des doutes. Et plus encore sur leurs résultats : que dire de la formation de 500.000 chômeurs supplémentaires quand, à grand peine, l’on en fait aujourd'hui la moitié - et plutôt mal ? Et pourquoi le Président ferait-il subitement mieux que ce qu’il a fait jusqu'ici ? L’objection ne semble curieusement valoir que pour Nicolas Sarkozy.

Et pourtant, malgré un scepticisme croissant, les déclarations présidentielles sont encore prises au pied de la lettre, y compris par l’opposition. Celle-ci devrait adopter un sage wait and see, au lieu de se précipiter « à la télé » commenter les dires du Président, au risque d’être prise à contre-pied par les incessantes variations du Prince : cf. la déchéance de la nationalité. 

Il n’en est pourtant qui ne se trompent pas : comme Nicolas Hulot qui a bien compris qu’un ministère, aussi boursouflé soit-il, n’était qu’un hochet vain à ce stade du quinquennat.

Et bien entendu, François Hollande lui-même, grand maître du temps politique, qui sait fort bien que tout cela n’est qu’« effets d’annonce ». Ou plutôt promesses de campagne : une campagne qu’il a, pour sa part, bel et bien commencée. 

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