DSK blanchi : petite histoire de ce que l’opinion peut pardonner et ce qu’elle n’oublie jamais<!-- --> | Atlantico.fr
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Dominique Strauss-Kahn a fait une arrivée remarquée sur Twitter
Dominique Strauss-Kahn a fait une arrivée remarquée sur Twitter
©Reuters

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De nombreux hommes et femmes politiques ont connu les affres des affaires judiciaires, mais tous n'en ont pas subi les mêmes conséquences. Si certains ont sombré dans l'oubli, d'autres restent des personnalités de premier plan. Un destin variable qui n'est pas uniquement lié à la gravité des actes reprochés.

Frédéric Micheau

Frédéric Micheau

Directeur général adjoint d'OpinionWay et enseignant à Sciences Po, Frédéric Micheau est spécialiste des études d'opinion. Il est l'auteur, au Cerf, de La Prophétie électorale.

 

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Atlantico : Alain Juppé, Laurent Fabius, Martine Aubry, Henri Emmanuelli, Dominique Strauss-Kahn...autant de personnalités qui ont réussi à se maintenir aux affaires malgré une mise en cause, et parfois une condamnation. Une situation qui ne s'applique de plus pas à toutes les personnalités. Quel est le point commun de ceux qui "passent à travers". Est-ce la nature de l'affaire, ou la nature de la personne qui permet de survivre politiquement ?

Courbe de popularité d'Alain Juppé depuis 1990 (TNS Sofres) - Cliquez pour agrandir

Frédéric Micheau : C’est multifactoriel. Cela dépend évidemment de la gravité des faits reprochées à la personne en cause, cela dépend des suites judiciaires (mise en examen ? non-lieu ? condamnation dans des faits commis dans l’exercice des fonctions ?). On observe quand même une tendance lourde à une intransigeance croissante dans la vie politique française depuis une vingtaine d’années. Plus précisément depuis le gouvernement Balladur (1993-95) qui avait imposé comme règle la démission des ministres dès qu’ils sont mis en examen. Certains ont d’ailleurs démissionné avant d’être blanchis… Un stade a alors vraiment été franchi.

Depuis il y a une intolérance de plus en plus en forte, bien sûr à l’égard des condamnés, mais aussi à l’encontre de ceux mis en examen ce qui contrevient à la présomption d’innocence, d’autant que toutes les mises en examen ne se traduisent pas par des condamnations, comme on vient encore de le voir avec Eric Woerth. Mais il y a une sorte de norme maintenant qui pousse à une suspension de la carrière de l’homme ou la femme politique mise en examen.

Evidemment, toutes les affaires liées à l’argent public ont d’avantage tendance à stigmatiser la personne qui en est accusée. Même si elle en sort blanchie d’ailleurs. Puis, après cette phase de suspension (quand ce n’est pas un retrait imposé), vient la phase judiciaire et enfin une prise de distance de la vie politique en cas de condamnation. C’est typiquement le cas d’Alain Juppé (qui a rajouté de plus une distance géographique puisqu’il est parti au Québec), et cela permet de réinventer son personnage politique pendant cette période.

Ce qui va différencier également celui qui va réussir à traverser l’épisode sera celui qui réussira la mise en scène dudit épisode, et de la manière dont l’opinion publique l’interprétera. Certains hommes politiques sont soupçonnés dans des affaires et sur qui les soupçons ne semblent pas avoir prise, voire même les fait passer pour une victime du système. L’exemple typique à l’étranger c’est Silvio Berlusconi qui est parvenu, alors qu’il était au cœur de plusieurs affaires judiciaires, à être réélu avec une bonne cote de popularité.

D'autres hommes politiques ont été instantanément jetés aux oubliettes suite à des démêlés avec la justice pour des affaires souvent différentes (Georges Tron, Jérôme Cahuzac, voire Thomas Thévenoud pour les cas "récents"). Il s'agit souvent de personnalités politiques de second plan. Pourquoi les "seconds couteaux" traversent moins bien ce type de période.

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C’est peut-être le cas dans les médias nationaux, mais dans les médias locaux les affaires gardent un fort retentissement beaucoup plus longtemps. Et les électeurs y restent généralement très attentifs. Mais il est, je pense, très difficile de tirer une généralité sur une telle hiérarchie : tout dépend de la sanction reçue et de la manière dont elle est perçue par l’opinion publique.

Dominique Strauss-Kahn, qui avait survécu au scandale de la MNEF, a chuté dans l'affaire Diallo, alors qu'il n'est officiellement pas coupable et ne sera jamais jugé. Alain Juppé est envisagé comme un présidentiable alors qu'il a été condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Finalement, être innocent ou coupable a-t-il un quelconque impact ? Qu'est-ce qui marque le plus l'opinion, puisque ce n'est finalement guère la conclusion ?

Pouvoir se prévaloir de son innocence, ou d’une absence de condamnation, reste un élément fort à envoyer à l’opinion publique. En revanche, l’argument de la "dette payée" et du droit à "la seconde chance" sont des arguments qui peuvent utilisés par les politiques concernés et qui gardent un poids fort. C’est d’ailleurs aussi un principe démocratique. Cela dépend par contre de la gravité des faits, de la peine prononcée, et de la durée de l’inéligibilité qui s’applique à l’homme politique concerné.

Des personnalités comme Laurent Fabius ont souffert d'affaires dont on parle encore vingt ans après, comme le sang contaminé (alors que l'on ne parle plus guère de l'affaire de Juppé), tout en se maintenant, mais en atteignant jamais certains postes qu'ils auraient pu envisager (comme l'Elysée pour Fabius). Le temps peut-il effacer à terme une image détestable issue d'une affaire, ou y'a-t-il, comme dans le cas Fabius, des traces ineffaçables même quand elles ne sont pas "éliminatoires" ?

Cote de popularité de Laurent Fabius (source TNS Sofres - le détail ici) - Cliquez pour agrandir

Pour savoir si la peine va gêner dans le temps la carrière d’un homme politique, il faut bien sûr regarder la gravité de l’acte, mais voir également si l’affaire, voire la condamnation, constitueront ce que l’on appelle un "acte lourd", c’est-à-dire un élément qui reviendra systématiquement lorsque l’on évoquera la personne concernée. A l’inverse, si l’événement n’est perçu que comme une "péripétie" dans un parcours politique, cela permettra un retour en forme de rédemption pour l’homme politique concerné. Et cela dépendra très majoritairement du traitement médiatique qui sera fait de l’affaire et de ses conclusions, et, a posteriori, de sa perception par l’opinion publique.

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