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Malgré une remontée lors des évènements de janvier, la côte de popularité du président Hollande a repris sa baisse continue.
Malgré une remontée lors des évènements de janvier, la côte de popularité du président Hollande a repris sa baisse continue.
©Reuters

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Retour à la case départ pour François Hollande : si le président de la République a bénéficié d'un regain de popularité dans les jours qui ont suivi les attentats de janvier, sa cote de popularité est revenue au bas niveau qui la caractérise. Mais face à de tels abîmes, il convient de s'interroger sur les vrais reproches que les Français lui adressent.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Malgré une remontée lors des évènements de janvier, la côte de popularité du président Hollande a repris sa baisse continue. Selon le baromètre mensuel Odoxa de mi-avril, 78% des Français pensent que François Hollande n'est pas un bon président.  Idem, selon un sondage Opinionway pour LCI et Le Figaro, 3% des personnes interrogées se disent "très satisfaites" de l'action du chef de l'Etat, 17% "assez satisfaites", 37% "assez mécontentes" et 42% "très mécontentes". Mais quand on regarde un peu plus dans le détail, quel est le reproche principal que les citoyens adressent à leur chef d'Etat ?

Yves-Marie Cann : Effectivement, on voit aujourd’hui qu’après avoir connu un rebond de sa cote de popularité, le chef de l’Etat fait face à un retour à la réalité qui suit la situation exceptionnelle connue au moment des attentats de début janvier et de la grande mobilisation qui en a découlé. Tout ceci n’a duré qu’un temps en termes de dynamique d’opinion, aujourd’hui et depuis quelques semaines s’opère le retour à l’impopularité très forte de l’exécutif, plus prononcée d’ailleurs à l’encontre du chef de l’Etat que du Premier ministre. Cette impopularité s’explique par le fait que sur les sujets qui sont toujours au cœur des préoccupations des Français, à savoir l’économique et le social, le président de la République, ne peut toujours pas, trois ans après son élection, se prévaloir de premiers résultats qui viendraient conforter l’orientation politique qui a été la sienne depuis le début de son mandat en 2012. Notamment avec la visée d’inversion de la courbe du chômage, promise pour la fin de l’année 2013, et qui ne s’est toujours pas produite. Il est vrai qu’en la matière, les Français ne se contentent plus des promesses qui leur sont faites, mais souhaitent des résultats tangibles qui font cruellement défaut au président. Cela explique pour beaucoup son manque de popularité auprès des Français, y compris d’une partie des sympathisants de gauche et plus particulièrement ceux de la gauche non-socialiste.

Le chômage est vraiment devenu le sujet emblématique de l’incapacité de l’exécutif et du président de la République à obtenir des résultats sur le front économique et social. Mais il est vrai qu’au-delà, d’autres sujets viennent se rattacher en termes d’enjeux économiques et sociaux. Il y a toujours celui de la fiscalité, auquel on peut ajouter la thématique du pouvoir d’achat. Après de nombreuses années de crise économique et sociale, débutée en 2008, les Français employés ou retraités ont du faire des efforts sur leur pouvoir d'achat à cause d'une hausse de salaires moins importantes que par le passé mais aussi des augmentations d’impôts successives, lesquelles étaient déjà très importantes à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. 

Selon l'étude Opinioway, 52% des électeurs de François Hollande au premier tour en 2012 se disent "mécontents", comme 82% de ceux de Jean-Luc Mélenchon. Or, on se souvient du discours du Bourget, pendant la campagne de 2012, où Hollande avait flatté son électorat le plu à gauche. En changeant totalement de cap, le président peut penser que les Français ont la mémoire courte, pourtant chez certains on sent une pointe de dépit d'avoir été trahis. Comment cela se ressent-il dans l'opinion ?

Il est vrai que la déception suscitée par le manque de résultats de François Hollande, et globalement par la politique économique et sociale mise en œuvre par le président, est fréquemment interprété à travers le prisme de la tromperie par les sympathisants de gauche. Sachant que les sympathisants de droite, de leur côté, n’ont jamais fait part d’une relative bienveillance envers le chef de l’Etat, et ce dès les premières semaines de son mandat.

Parmi les sympathisants de gauche, après 10 ans de concordance entre le Parlement et l’exécutif du côté de la droite (2002-2012), l’électorat était en attente d’une inflexion de la politique économique et sociale mise en œuvre par les prédécesseurs de François Hollande. Pour beaucoup de ceux-là, la politique mise en œuvre par François Hollande ressemble  trop à la politique économique mise en œuvre sous la mandature précédente, qui selon eux fait une trop belle part aux entreprises, est trop influencée par les idéaux du libéralisme économique, alors que ces sympathisants seraient en attente d’une inflexion plus sociale. L’exécutif est conscient de cette attente de plus de social dans une optique de redistribution, afin de lutter contre les inégalités économiques, d’ailleurs des mesures en ce sens ont été débattues au Parlement sous l’impulsion de Manuel Valls, notamment pour exonérer d’impôts les foyers les plus modestes. Il faudra voir combien de Français bénéficieront cet automne de ces mesures fiscales annoncées, il devrait y en avoir plusieurs millions, et regarder ce que cela pourrait apporter à l’exécutif en termes de jugement à son égard.

De l'autre côté, le tournant social-libéral du président Hollande, aurait pu plaire à ceux qui n'ont pas voté pour lui en 2012. Pourtant 88% des électeurs de François Bayrou en 2012 se disent "mécontents", ainsi que 92% de ceux de Nicolas Sarkozy et 92% de ceux de Marine Le Pen. Pourquoi cela n'a-t-il pas d'effet positif sur les sondages ?

Ce positionnement qualifié de social-démocrate, et parfois de social-libéral, peut paraître paradoxal, et on peut se dire qu’il pourrait séduire certains électeurs de droite : peut-être pas de l’UMP, mais du centre-droit. Cependant, malgré un positionnement qui pourrait les séduire, et les séduit à travers un certain nombre de mesures proposées comme celles du pacte de responsabilité ou de la loi Macron, le manque de résultats pèse très lourdement sur l’impopularité et la méfiance envers l’exécutif de la part de cet électorat-là. Tant que les signaux économiques et sociaux de la croissance ne reviendront pas au vert, le jugement porté sur le bilan de l’action de François Hollande sera forcément négatif.

Au-delà de ce manque de résultat, un autre élément pèse à droite, notamment à l’UMP et au FN : la personnalité de François Hollande. C’est très personnel. Dès son élection à l’Elysée, une majorité d’électeurs de droite a très vite, voire immédiatement, été dans le déni de compétences à l’encontre du président. Beaucoup lui reprochent toujours un déficit de posture présidentielle et cela a très fortement contribué à augmenter la défiance des Français, et plus particulièrement de droite, envers le président de la République.

On se souvient que l'affaire Julie Gayet, en décembre 2013 avait jeté un voile supplémentaire de discrédit sur le président. Au-delà de la politique, y a-t-il des traits personnels que les Français reprochent au président ?

Les critiques que formulent les Français contre François Hollande et qui concernent plus spécifiquement ses traits de personnalité sont assez nombreuses. Certes, il conserve des atouts dans sa manche sur ce sujet : il est perçu comme un président sympathique, plutôt proche des Français, mais ces éléments-là ne suffisent pas à contrebalancer les critiques qui peuvent être faites, notamment sur la stature présidentielle de François Hollande. Beaucoup ont l’impression que les habits de président de la République sont trop grands pour lui, et qu’il n’arrive pas à occuper pleinement l’espace qui lui est aujourd’hui dévolu par la 5ème République.

Les principales critiques viennent du fait qu’il n’a pas, aux yeux de beaucoup de Français,  l’esprit de décision, qu’il ne prend pas assez d’initiatives sur la scène internationale, même s’il en a pris depuis son élection. Tout ce qui touche aujourd’hui au régalien, et plus précisément aux attributs régaliens du président, est l’objet de critiques de la part de beaucoup de Français qui considèrent que Hollande n’arrive pas à prendre en main la fonction présidentielle. Toutefois, on a vu lors des événements de début janvier, que François Hollande était en train de regagner une certaine stature présidentielle auprès d’une partie de la population, notamment des sympathisants de gauche qui commençaient à avoir des doutes quant à sa capacité à être à la hauteur de l’événement. Beaucoup d’entre eux ont sûrement été rassurés par la façon dont il a géré la période des attentats, et les journées qui ont suivi. Dans un sondage réalisé pour le Grand Journal de Canal+, on voyait qu’une très large majorité de Français estimait que François Hollande avait été à la hauteur des événements, jugement aussi bien partagé par les sympathisants de gauche que par les sympathisants de droite. Cependant, en termes de traduction dans sa cote de popularité, cela s’était produit uniquement du côté des sympathisants de gauche, ceux de droite restant de façon extrêmement élevée dans une position de défiance à l’encontre du président.

Pourtant, toujours selon l'enquête d'Opinionway, seules 21% des personnes interrogées pensent qu'il est "à l'écoute des Français", 20% affirment qu'il "dit la vérité aux Français". Ca ne fait pas de lui un président sympathique …

Oui bien-sûr. Il faut lier tout cela au contexte de très forte impopularité. Pour les sujets sur lesquels il est potentiellement le mieux évalué, on retrouve systématiquement une forte majorité de Français pour dénier la qualité en question au chef de l’Etat. Mais cela reste ses points forts, notamment auprès de ceux qui le jugent favorablement. En tout cas cela se vérifie pour la sympathie et la proximité, du moins pour ses soutiens. Ce sont aussi des critères de démarcation par rapport à ses concurrents politiques, et particulièrement son principal concurrent dans la perspective de la présidentielle de 2017 : Nicolas Sarkozy.

En ce qui concerne le fait que beaucoup de Français estiment qu’il ne dit pas la vérité aux Français, cela est à relier au contexte plus général de remise en doute de la parole politique et de la parole des hommes politique. Beaucoup doutent de cette parole, pour eux les politiques brassent du vent, font des annonces qui ne sont pas suivis d’effets, font des promesses qui n’engagent que ceux qui les reçoivent … Tout ça participe à un très fort contexte de défiance générale. Contexte dont profite le Front national avec la dénonciation de ce qu’il appelle  "l’UMPS", qui consiste à renvoyer dos-à-dos tous ceux qui étaient aux responsabilités à la tête de l’exécutif ces quinze dernières années.

Seuls 42% des Français le considèrent comme "normal" (Opinionway), a-t-il également perdu la promesse d'incarner un renouveau au niveau de la personnalité du président ?

D’une certaine façon oui. La promesse de normalité qui avait été faite par François Hollande lors de la présidentielle de 2012 était hasardeuse. Lorsqu’on arrive au poste de président de la République, et même quand on y concourt, il est quand même très difficile de se prévaloir d’apporter la preuve de sa normalité par rapport au reste de la population. Ceci étant dit, c’était pour lui un élément de différenciation très important par rapport à Nicolas Sarkozy et aux reproches qui avaient été faites à ce dernier lorsqu’on avait parlé "d’hyper-présidence", d’un président agité dégainant une loi à la suite du moindre fait divers, mettant en scène sa vie privée. La promesse de normalité était surtout le retour à une certaine normalité présidentielle telle qu’elle avait été sous les précédents mandats. Cependant, la promesse était hasardeuse car elle pouvait être source de malentendu dans l’esprit de nombreux Français. D’ailleurs, le déroulement de la vie privée de François Hollande depuis son élection à la présidence de la République, a montré combien cette promesse l’était, puisque lui aussi, sans que ce soit volontaire, s’est retrouvé avec une vie privée extrêmement exposée aux Français. Avec l’affaire Gayet et la séparation avec Trierweiler, François Hollande a perdu des points auprès d’un certain nombre de Français, et a perdu en différenciation avec Nicolas Sarkozy, notamment sur les choses qu’il avait critiqué comme la gestion de sa vie privée.

Finalement François Hollande semble engranger le plus de points de popularité quand il quitte les habits du technocrate pour ceux du chef d'Etat : en cas de guerre ou de menace terroriste. Qu'y a-t-il de révélateur parmi cette tendance ? Par rapport à ces prédécesseurs, Hollande souffre-t-il d'une image de technicien incapable de participer à l'écriture du roman national ?

Pour ce qui est de son rôle à l’international, c’est vrai qu’il s’agit d’une tendance vérifiée chez François Hollande : ses actions et initiatives sur la scène internationale rapporte plus de points auprès de l’opinion publique que celles entreprises sur la scène nationale. Cela s’explique par plusieurs raisons. La première, dont a également bénéficié ses prédécesseurs, est qu’il existe en France un relatif consensus sur les actions menées à l’international par les président successifs. Les Français ont tendance à faire bloc derrière le chef de l’Etat quand il s’agit, notamment, d’engager la France dans des conflits armés, comme c’est le cas aujourd’hui pour lutter contre le terrorisme, ou comme ça a pu l’être par le passé pour lutter contre l’invasion du Koweït par l’Irak, lors des opérations au Kosovo, ou face au refus de la guerre contre Saddam Hussein. En général ces sujets génèrent un consensus entre la droite et la gauche qui se retrouve dans l’opinion publique. Au-delà de ce consensus, un autre élément peut favoriser ce phénomène, c’est qu’il est plus facile de lancer une dynamique d’opinion positive en investissant la scène internationale plutôt que nationale car il est plus facile d’obtenir des résultats tangibles sur la scène internationale. Sur la scène nationale, les résultats concernent avant tout l’économique et le social, et le temps économique n’est pas celui du politique, il y a un décalage, en revanche mener une opération armée et en tirer des résultats est assez rapide, tout comme prendre une initiative pour apaiser les tensions entre deux pays. On avait vu cela, notamment, avec l’investissement très fort de Nicolas Sarkozy au moment de la guerre russo-géorgienne de 2008 ou au début de la crise financière. De la même façon François Hollande avait bénéficié de son intervention au Mali. 

Aujourd’hui, on voit bien que François Hollande connaît des difficultés, mais ça a été le cas de la gauche en générale, et de la droite sous Nicolas Sarkozy, à replacer le présent dans un continuum historique qui s’appuie sur l’héritage du passé et permet de projeter les politiques publiques et le regard des Français vers l’horizon futur. Cette difficulté est celle de tous les dirigeants politiques, mais elle est aujourd’hui particulièrement criante pour François Hollande, compte tenu de la gravité de la situation sur le plan économique et social mais aussi de la très forte impopularité à l’égard de l’exécutif et du président. On en arrive à un point où quelque soit la personnalité, le message qu’elle porte ou apporte, la défiance est tellement forte que quoiqu’elle dise cela est reçu de manière très négative. Aujourd’hui tout l’enjeu pour François Hollande, pour pouvoir resituer son action dans un continuum historique et parler d’avantage à l’imaginaire collectif c’est d’obtenir des résultats sur le plan économique et social. S’ils arrivent, ils viendront baliser la stratégie du président depuis son arrivée à l’Elysée, et c'est l’enjeu majeur pour le président dans les prochains mois, d’autant plus qu’il existe toujours un décalage entre le moment où les indicateurs économiques passent au vert et le moment où les Français commencent à y croire et à porter cela au crédit d’une équipe politique. Plus le temps passe et plus l’échéance des présidentielles arrive, plus cet enjeu devient criant pour François Hollande, le PS et la gauche.

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