Pourquoi la solution contre le dérèglement climatique pourrait bien naître de la bataille des milliardaires sur la batterie de demain<!-- --> | Atlantico.fr
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Le fondateur de Tesla, Elon Musk.
Le fondateur de Tesla, Elon Musk.
©Reuters

Atlantico Green

Le patron et cofondateur de Tesla, Elon Musk, pourrait annoncer le 30 avril le lancement d'un système de stockage d’énergie domestique qui aurait la capacité d’alimenter tout un foyer.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Atlantico : Elon Musk, le patron et cofondateur de Tesla, entreprise américaine qui conçoit des véhicules électriques haut de gamme, a annoncé une surprise pour le 30 avril. Il se dit qu’un système de stockage d’énergie domestique qui aurait la capacité d’alimenter tout un foyer devrait être présenté. Ce serait une révolution en matière d’énergies renouvelables, dont pour l’instant le principal défaut est l’impossibilité de les stocker en grande quantité. Pourquoi le développement de ce type de réservoir géant est-il une priorité ? 

Florent Detroy :L’idée sous-jacente de ce type de batterie, c’est que le développement des énergies renouvelables va être de plus en plus décentralisée, et qu’il faut également décentraliser le stockage des énergies renouvelables. Jusqu’à présent, le stockage d’électricité était très centralisé, car c’était les barrages hydroélectriques qui faisaient office de « batterie » avec notamment les STEP (Stations de transfert d'Energie par Pompage). La production et le stockage étaient donc entre les mains des grands énergéticiens. En permettant le stockage résidentiel, ces batteries faciliteront l’installation de nouvelles sources d’énergie renouvelable. Les foyers pourront par exemple stocker leur propre électricité, produite par les panneaux solaires installés sur leur toit par exemple. D’après les dernières déclarations d’Elon Musk, ce sera un moyen de développer l’autoconsommation d’électricité, voire de rendre des foyers autonomes énergétiquement. 

Est-ce que cela peut donner le coup de pouce qui manquait à la démocratisation des énergies renouvelables ?

En quelque sorte, puisque chaque foyer peut être producteur de sa propre énergie. Mais d’un point de vue démocratique, nous participons déjà pratiquement tous au développement des énergies renouvelables. En France, nous payons la CSPE par exemple, ce qui permet de subventionner les EnR. Que ce soit par l’aide publique ou plus directement par la taxation des consommateurs, tous les pays font participer d’une façon ou d’une autre le citoyen au développement des EnR. Ce qui est intéressant dans le cas américain, c’est que le développement de ces batteries résidentielles correspond à une volonté plus profonde aux Etats-Unis de rendre le citoyen plus autonome de l’Etat central ou des grands énergéticiens. On retrouve cette idée d’indépendance chez les nouveaux patrons de l’économie numérique aussi. 

En quoi est-il si compliqué de gérer le stockage et la distribution des énergies renouvelables ?

Aux niveaux auxquels sont les EnR dans le mix énergétique européen et américain, les problèmes n’existent pas encore. Les EnR ne représentent encore qu’une petite part de leur mix énergétique. A titre d’exemple, l’éolien ne représente encore que 4,4% de l’électricité produite aux US. Mais la montée en puissance de ces énergies va finir par perturber le réseau, car l’éolien et le solaire sont des énergies intermittentes. Leur arrivée sur le réseau ne correspond pas forcément au moment ou la demande est là. Ainsi on estime qu’en Europe, il serait difficile d’équilibrer un réseau avec 30% d’énergie intermittente. Le Danemark, dont l’électricité est à 40% d’origine renouvelable, connaît d’importantes difficultés pour équilibrer son réseau. Et le coût de son électricité est parmi les plus élevés d’Europe. Le développement du stockage permettrait de gérer en partie le problème de l’équilibre des réseaux, en faisant coïncider l’offre et la demande dans le temps. Reste la question du coût.

Une startup américaine, Enervault, mise sur la batterie à flux continu, qui permet de stocker de l’énergie à court terme, suffisamment pour faire face aux pics de consommation d’électricité de manière optimale. Quelles sont selon vous les technologies d’avenir pour la gestion et la distribution des énergies intermittentes ?

La technologie d’Enervault s’inscrit dans un effort plus global qui vise à mieux gérer l’introduction des EnR sur les réseaux. Dans notre modèle électrique actuel, le réseau est conçu pour être capable de faire face à un pic de consommation. Il se produit habituellement en fin d’après midi-début de soirée. Mais ces infrastructures sont largement surdimensionnées pour le reste de la journée. Ces batteries seraient conçues pour stocker et distribuer d’importantes quantités d’énergie sur de très courts moments, essentiellement lors des pics de consommation. Ces batteries feraient économiser aux gestionnaires de réseaux des millions de dollars d’investissements dans leur réseau en résolvant la question des pics. Mais ces batteries ne sont qu’une des solutions. Le smart grid, c’est à dire le réseau plus « intelligent » capable d’équilibrer l’offre et la demande en direct, est l’autre grande technologie d’avenir pour faciliter le développement des énergies vertes. 

Equiper les foyers en énergies renouvelables grâce à ces batteries, est-ce vraiment réalisable ? Leur mise en place ne risque-t-elle pas de prendre encore beaucoup de temps ?

C’est effectivement les batteries pour le transport qui sont pour l’instant l’objet de toutes les intentions. Le transport est responsable d’un quart des émissions de CO2, ce qui en fait la cible privilégiée des politiques contre le réchauffement climatique. Mais par percolation, le développement de ces produits favorisera le marché des batteries résidentielles. On peut supposer que Tesla utilisera la même technologie pour ses batteries de voiture que pour ses batteries résidentielles, la technologie lithium-ion. On peut s’attendre donc à une baisse rapide du coup du stockage résidentiel. Il faut se rappeler que le prix des batteries lithium-ion pour voitures électrique a surpris tout le monde par la rapidité de sa baisse. Selon une récente étude publiée dans Nature, le cout du KWh d’une batterie est passé de 1300$ à 410$ entre 2006 et 2014, soit une baisse de 14% par an. Tesla affiche même un coût inférieur. On peut s’attendre au même effet sur les batteries résidentielles ou stationnaires si la production se développe aussi vite. Le développement de la production devrait être aidé comme l’est le développement du marché des voitures électriques ou des EnR. Certains Etats américains imposent des objectifs de capacités de stockage, à l’image des objectifs d’énergie renouvelable dans le mix énergétique. C’est le cas de la Californie par exemple.

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