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Depuis l'attentat contre Charlie Hebdo, le gouvernement fait exactement le contraire de ce qu'il faut faire
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Le Nettoyeur

Après un sursaut national et populaire gigantesque pour la liberté, notre gouvernement répond, dans la panique, par un nouveau grignotage des libertés républicaines.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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J'y ai vraiment cru. Qu'elle était belle, cette marche de solidarité pour Charlie Hebdo ! Que c'était beau de voir une nation entière se rendre compte qu'elle a plus de chose en commun qu'il n'y a de choses qui la séparent. J'ai vraiment cru que cet événement pouvait être une piqûre de rappel et provoquer un sursaut national.

Au lieu de cela, que voyons-nous ?

Commençons par l'arrestation de Dieudonné, qui n'en est qu'une parmi de nombreuses arrestations pour “apologie du terrorisme.”

Est-il nécessaire de rappeler qu'après le martyre de dessinateurs de Charlie Hebdo et la mobilisation de la France et du monde entier pour la liberté d'expression, se lancer dans une série d'arrestation pour propos incorrects est une honte nationale ? Est-il nécessaire de rappeler que le principe même de la liberté d'expression est justement que même les propos et les gens immondes ont droit de cité ? Comme l'a si bien dit Yair Rosenberg, chroniqueur au magazine juif-américain Tablet, condamner des propos anti-sémites, c'est comme maquiller les preuves d'un crime : les propos anti-sémites sont la preuve d'un mal sous-jacent qui ne peut pas être guéri par des punitions judiciaires, et faire tomber les propos sous le coup de la loi ce n'est jamais que cacher les preuves du crime.

Après un attentat où on nous a si justement rappelé la nécessité de ne pas stigmatiser les populations musulmanes ou immigrées, imagine-t-on comment beaucoup de Français de culture ou religion musulmane doivent se sentir dans un jour où, d'un côté, un magazine avec des caricatures de leur Prophète se vend par millions et, de l'autre, les propos anti-sémites sont punis par la police ? Quelle image de la République est donnée, sinon celle d'une fausse liberté d'expression à double vitesse ?

L'autre réaction si prévisible et si indigne, c'est ce serpent de mer d'un prétendu Patriot Act à la française, alors que la France a déjà les lois anti-terroristes les plus dures du monde démocratique.

Un sujet évident serait une réforme de notre système carcéral, qui s'attaquerait notamment au problème de la radicalisation dans les prisons, et plus généralement au problème de la réhabilitation et de la réinsertion. Seulement voilà : c'est compliqué, ça coûte sans doute de l'argent, ça ne produit des effets que dans la durée et pas dans le temps médiatique. Dans une démocratie, le phénomène “un fait divers, une loi” est peut être inévitable, mais on aurait espéré qu'en l'occurence on ait eu la dignité de faire une exception.

Autrement dit, après un sursaut national et populaire gigantesque pour la liberté, notre gouvernement répond, dans la panique, par un nouveau grignotage des libertés républicaines.

Quid d'un véritable Plan Banlieue ? Quid d'une réforme en profondeur du système policier et judiciaire, mêlant à la fois maintien de l'ordre, prévention et réinsertion ? Quid de la mise en place, justement, d'une véritable liberté d'expression, en France si lourdement grignotée ? Quid, mais on n'ose y penser, d'une grande conférence politique et sociale, réunissant les forces politiques et les forces du pays, pour faire ces fameuses “réformes que tout le monde connaît et dont chacun sait que le pays à besoin mais qu'on ne fait jamais,” puisque sans l'emploi la crise de l'intégration et de la jeunesse, et le danger de la radicalisation, sera toujours avec nous ?

Au-delà du caractère navrant des décisions prises individuellement, ce qui est vraiment désespérant, c'est l'image d'ensemble donnée : celle d'un système politique absolument à bout de souffle, et foncièrement incapable de se montrer à la hauteur des enjeux de l'Histoire. Et c'est peut être ça, la vraie tragédie.

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