Vive le French Bashing : le monde entier se paie notre tête mais c’est pour notre bien <!-- --> | Atlantico.fr
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Le French bashing fait les choux gras de la presse étrangère.
Le French bashing fait les choux gras de la presse étrangère.
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Totem et tabou

Le French Bashing n'est pas un exercice que seule la presse anglo-saxone affectionne. Celle d'Outre-Rhin s'y est mise, et l'autoflagellation est également parfois de rigueur chez nous.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Evidemment, ce n’est pas très agréable : passe encore l’exercice coutumier de "French bashing" des médias "anglo-saxons", comme on dit chez nous, qui, à dates régulières, nous mettent à l’affiche, comme nos propres médias le font avec les francs-maçons ou l’immobilier parisien… "Marronniers" que tout cela !

Mais voilà que les Allemands – que  nous avons tout de même vaincus, et tous seuls, en 1945 !  –  s’y mettent aussi. Pour ne rien dire de ces pays lilliputiens qui, de la Hollande à l’Irlande, se permettent de donner des leçons de vertu et de gestion à la "Grande Nation". Et le plus grave, c’est que nos élites "déclinistes" en rajoutent et se font un malin plaisir à passer le scalpel au plus vif de nos plaies. Vive donc celles et ceux (ils se reconnaîtront !) qui, contre les délices de l’autoflagellation, nous rappellent les vertus insignes et la gloire sans égale de la France éternelle et, décidément, incomprise !

A ceci près que toute protestation de fierté nationale, parfaitement légitime en soi, doit, pour être crédible, respecter les conditions suivantes :

1/ La connaissance de notre propre histoire, ce qui est la moindre des choses quand on prétend la réhabiliter : par exemple ne pas se contenter du "Petit Lavisse" de nos chères vielles écoles, fleurant bon la plume et l’encrier, mais connaitre aussi quelques études ultérieures sur nos héros supposés, genre Colbert, Napoléon ou Clémenceau – et même Jaurès !  –  si revendiqués aujourd’hui, mais qui eurent leurs grosses faiblesses…

2/ La connaissance des autres, sans laquelle il n’est guère de comparatisme possible. Mais voilà – enfer et damnation ! Il faut pour cela maîtriser la langue de l’ennemi, cette "pauvre" langue anglaise, incapable de traduire les mille et une nuances du sentiment et (surtout) du raisonnement humains… Seul petit problème : tout dictionnaire digne de ce nom montre que nos misérables voisins d’Outre Manche disposent d’un vocabulaire deux à trois fois plus vaste que le nôtre. Ce qui n’a rien à voir avec "le génie" mais tout avec l’histoire des langues. Et les mêmes qui hurlent contre l’invasion de l’anglais à l’université et défendent les humanités classiques, auraient donc interdit le latin à nos théologiens du Moyen Âge et à nos humanistes de la Renaissance, au nom du respect sacré de la langue d’oïl ?

3/ La connaissance de ce qui est en débat et qui bute notamment sur l’ignorance crasse des faits économiques élémentaires dans une culture exclusivement politique : laquelle, à droite comme à gauche, aboutit à des inepties atterrantes du genre : "l’Etat crée des emplois", "l’Etat garant de l’intérêt général" ;  et plus encore ces attaques convergentes contre ce libéralisme honni, qui défend à la fois "les monopoles" et "la concurrence sauvage" (comprenne qui pourra !). Peut-être serait-il envisageable, avant de les condamner, de lire, ne serait-ce que quelques lignes, d’auteurs mineurs puisque non français, comme Adam Smith, John Stuart Mill ou Hayek, qui ont très exactement écrit le contraire de ce que nos "intellectuels" (encore une fois de droite et de gauche) leur attribuent. Mais il est vrai qu’ils ne sont pas au programme de nos classes préparatoires. Comme ne le sont pas les grands libéraux français (eh oui, il y en a !) : ni Guizot, réduit au favoris de Louis-Philippe et à "l’enrichissez-vous !", ni Bastiat (inconnu au bataillon), ni Jean-François Revel (anticommuniste primaire, bah !). Certes un peu de Tocqueville et d’Aron, mais seulement à travers des "capita selecta", qui ne rendent pas la puissance dérangeante de leur pensée…

Et alors miracle… Il se pourrait bien que, ces trois conditions enfin respectées, le "cas français" reprenne quelques couleurs : que, par exemple, au lieu de pousser des cocoricos cocardiers, nous comprenions le vrai sens des hommages répétés du monde extérieur à notre pays : non seulement les médailles Fields et les prix Nobel (qui, de Modiano à Tirole en passant par Villani, ne donnent guère, c’est le moins qu’on puisse dire, dans le chauvinisme béat) ; mais aussi les quelque 70 millions de touristes qui parcourent chaque année, envers et contre tout, notre bel hexagone ; les créatures créatives qui hantent nos "fashion weeks" (pardon pour l’anglais !) ; la renommée mondiale de nos cinéastes et de nos architectes ; et peut-être plus encore nos entrepreneurs et nos centaines de milliers de jeunes que nous chassons de chez nous ("priorité à la jeunesse" oblige !) et auxquels nos voisins pragmatiques et avisés, déroulent, comme le dit le maire de Londres en français dans le texte, le "tapis rouge" !

Alors nous pourrions être en état de comprendre le vrai message de ceux qui sont, après tout, (il est bon de le rappeler !) nos amis et nos alliés indéfectibles : un amour réel de la France que tous les sondages attestent, mais qui ne saurait être inconditionnel. Qui n’accepte plus une arrogance fondée sur l’ignorance ; une autosatisfaction basée sur le déni ; et un "modèle social" financé par les autres…

Non pas une jalousie mal placée ; encore moins une haine de la France ; mais l’exigence d’une profonde affection qui ne se satisfait pas de la médiocrité et du renoncement dans lesquels nous nous complaisons nous mêmes.

Et alors pourra renaître une fierté française authentique qui nous propulsera parmi les grands gagnants de la mondialisation : combat décisif pour lequel, quoiqu’en pensent les hommes et les femmes du ressentiment et du "penser-petit", nous détenons tant d’atouts.

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