Les "Marches des salopes" font le tour du monde <!-- --> | Atlantico.fr
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Au Brésil, la "Marcha das Vadias" à Brasilia ...
Au Brésil, la "Marcha das Vadias" à Brasilia ...
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Revue de blogs

Les "Marches des salopes" réunissent des femmes qui ne veulent plus jamais entendre "habillées comme ça, elles le cherchaient bien", et défilent pour revendiquer à nouveau "Mon corps est à moi", et "Quand c'est non, c'est non". Leurs cortèges spectaculaires se reproduisent maintenant sur tous les continents.

Le phénomène des "'slut walks" (marches des salopes) observé à ses débuts au printemps avec des moues dubitatives, est en train de faire petit à petit, au fil des semaines, le tour du monde. Il suffit de faire une recherche sur le site de photos en ligne Flickr pour constater, après chaque week-end, que les résultats de recherche sur "slut walks" gagnent quelques dizaines de pages. Sur Youtube, pareillement. Sur Facebook, itou. Sur Twitter, encore plus. Il se passe quelque chose.


Slut walk à Chicago : "Ceci n'est pas une invitation à me violer" 
(Photo Gracie hagen sur Flickr)

Personne ne mérite d'être violé

Bien sûr, elles ne sont pas des milliers, mais on les remarque. Une pomme rouge coincée dans la bouche, comme des Eves étouffées. Ou bien en "classique" trainées, haut latex, bas résilles, talons aiguilles. Les slogans, eux, sont sérieux : "Quand une femme dit non, c'est non", "Mon corps est à moi". Comme il y a quarante ans. Parce que rien n'a changé.  L'affaire DSK et les Nous sommes toutes des femmes de chambre qui ont fleuri depuis n'ont rien à y voir, même si on peut noter une étrange synchronicité. Partout, par un jeu de saute-mouton de continent à continent, grâce aux médias sociaux, des petits groupes de femmes reprennent le concept des slut walks, sans avoir à l'adapter beaucoup, car ce contre quoi elles protestent est universel : le viol, l'agression sexuelle. Avec un slogan central : "Parce que personne ne mérite d'être violé".

Slut Walk Edmonton (Canada)  - (Photo W. Burris sur Flickr)

La capitale des slut walks est Toronto.  L'officier de police canadien qui aurait déclaré devant des étudiants en droit en janvier, lors d'une conférence, que les femmes "devraient éviter de s'habiller comme des sluts (trainées) pour éviter d'être agressées" a prouvé l'effet papillon. Le collectif Slut Walk Toronto a formalisé la révolte dans un "Trop c'est trop" libératoire et extravagant. Après le Canada, les manifestations sont descendues aux États Unis, puis le mouvement est parti vers l'Ouest du continent, a rebondi à Londres, puis en Hollande, à Berlin, en Australie. Nous en sommes à 80 organisations de slut walks recensées autour du globe. L'exaspération parle : puisque la victime aura toujours tort, devant sa famille, la justice, la police, les autres,et elle même,  il ne faut plus protester en pleureuses, mais en pétroleuses.

Après quelques semaines d'observation pensive et de malaise, beaucoup de débats et d'insultes sur les forums et dans la section commentaires des blogs, des femmes réfléchissent, comprennent, rejoignent peu à peu le cortège des "salopes" . Ce qui les gêne, ce qui les gêne toujours, partout dans le monde,  c'est bien sûr ce mot,  "salope". Il y a celles qui les accusent de vulgariser, mot pour le coup bien adapté, le mot et d'exposer les femmes a encore plus d'abus, verbaux ou autres, de faire le jeu des agresseurs et des misogynes. Certaines, dans les pays anglo-saxons, sont allées voir dans le dictionnaire anglais la définition de slut : "Femme qui a plusieurs partenaires sexuels". Du coup, plusieurs n'ont plus hésité. Pourquoi ne pas essayer cette voie là, pour se faire entendre ?

Ce dernier week-end, sur les vidéos et les photos de plusieurs "slut walks" en Écosse, il est clair que des "pas vraiment salopes" ont rejoint le mouvement. De paisibles dames en imperméable beige ne craignent plus de s'y montrer, et disent calmement face caméra qu'elles souhaiteraient, au passage, l'égalité des salaires. Une jeune femme très BCBG tient une pancarte : "J'ai été violée par mon boy-friend et le policier m'a demandé si j'étais "aventureuse" au lit".

En Inde aussi

En Inde,Delhi est réputée être la ville la plus dangereuse pour les femmes. Maisla première Slut Walk du 25 juina pris toute l'Inde de court et passionné les médias. Ici, le harcèlement sexuel dans la rue, appelé poétiquement "Eve Teasing" (Taquiner Ève) est un malaise diffus qui a provoqué la création de taxis réservés aux femmes. Mais qu'est-ce que s'habiller comme une slut en Inde, s'est demandé une blogueuse indienne, Chandni ? "Est-ce que c'est le salwar kameez qui est attirant, avec ce soupçon de poitrine montré ? Rien de plus sexy qu'un sari, on dit toujours. [...] Est-ce que c'est ça l'équivalent de s'habiller comme une trainée ?Je sais pas pour vous, mais pas de doute, je m''habille bien comme une trainée si c'est le cas". Chandni est conquise à son tour. Et une une plus.

Marcha das vadias

(Photo Rogerio Tomaz Jr sur Flickr)

Au Brésil, le terrain était prêt. Là comme ailleurs, les statistiques sur les viols, agressions sexuelles, et violences conjugales sont catastrophiques, et  pas pour autant fiables, la plupart n'étant pas dénoncés officiellement. Mais c'est en mai que la coupe a débordé et que les collectifs Slut Walk se sont organisés. Le fautif est un comique très populaire,  Rafinha Bastos. Cette fois-ci, son dérapage public ne lui sera pas pardonné. "Les femmes  que je vois dans la rue qui disent qu'elles ont été violées sont moches De quoi tu te plains ? Tu devrais remercier Dieu. Dans ton cas, c'est pas un crime, mais plutôt une chance". Depuis, les "salopes" se sont soudain multipliées. Le mois de juin est constellé de Marcha das vadias dans tout le Brésil.

Et en France ?

Une première et modeste Slut Walk a eu lieu le 22 mai à Paris, timidement, et sans la créativité festive des slut walks anglo-saxonne. Et pourtant, L'usage du mot "salope" à des fins d'activisme social a un précédent en France, qui a déjà fait bouger les choses. En avril 1971, le manifeste des "343  salopes" (rebaptisé ainsi ironiquement par le journal Charlie Hebdo) qui ont eu le courage de dire qu'elles avaient avorté clandestinement, a permis plus tard de faire voter plus tard la loi autorisant l'interruption de grossesse. C'était il y a exactement 40 ans.

Ci-dessous : Marcha das vadias - Recife, Brésil | Photos: Bernardo Soares/JC Imagem

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