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Des études cliniques ont démontré l'impact de l’alimentation des vaches sur la santé de l'homme.
Des études cliniques ont démontré l'impact de l’alimentation des vaches sur la santé de l'homme.
©Reuters

Bonnes feuilles

Les "lasagnes à la viande de cheval" ont révélé l'opacité des chaînes de production agroalimentaire qui nous nourrissent. Un livre pour retrouver confiance en découvrant les mécanismes de notre alimentation, loin des idées reçues, des images d'Epinal et de la communication des lobbys. Extrait de "Mangez, on s'occupe du reste", de Pierre Weill, aux éditions Plon (2/2).

Pierre Weill

Pierre Weill

Ingénieur agronome, scientifique et entrepreneur, Pierre Weill travaille depuis vingt ans sur le lien entre production agricole, environnement et santé. Il a participé à plusieurs études cliniques consacrées aux effets de l'environnement sur la santé humaine. On lui doit Tous gros demain ? et Mon assiette, ma santé, ma planète (Plon, 2007 et 2010), deux livres remarqués par la communauté scientifique et le grand public.

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Pourquoi n’a- t-on pas droit à une nourriture correcte, et au moins à une information honnête à propos de celle que nous achetons ? Les choses seraient infiniment plus faciles si les modes de production de ses repas respectaient toujours sa physiologie et celle de tous ses « concitoyens consommateurs ».

On devrait aussi pouvoir s’organiser pour que les produits sains soient accessibles à tous, financièrement et géographiquement. Le prix des aliments qui sont proposés à la vente intègre bien sûr le prix des produits agricoles qui quittent la ferme et sont payés au producteur. Mais aussi des coûts de transformation, de logistique, des frais commerciaux. Le prix du produit de base ne pèse pas grand- chose dans le prix du produit fini : de 15 à 30 % du prix de l’aliment. Si tout le reste ne change pas, une augmentation de 5 à 10 % des coûts de production, qui permettrait au producteur de « faire de la qualité », ne « coûterait » au consommateur que 0,5 à 3 % de plus, c’est- à- dire rien ! Ce n’est pas encore le cas.

Le gourmet s’agace aussi devant les produits « enrichis en… ». « S’ils n’étaient pas si pauvres, pense- t-il, il n’y aurait pas besoin de les enrichir. » Si la terre est bien entretenue, si les végétaux savent y puiser les micronutriments essentiels à notre santé, si les animaux sont bien nourris, alors, nul besoin d’aller rajouter des compléments de synthèse dans nos produits de base. Une vache « bien nourrie » produira un lait riche en micronutriments divers et en oméga- 3. Rien à voir avec ce lait aperçu au détour d’un rayon de supermarché, devenu « oméga- 3 » parce que l’on y rajouté une goutte d’huile de poisson… sans rien changer au reste de sa banale composition.

Des études cliniques ont démontré l’impact de l’alimentation des vaches sur la santé de l’homme et validé le fait que, « quand les animaux sont bien nourris, l’homme se porte beaucoup mieux ». A chaque étude, au moment d’expliquer pourquoi les « investigateurs » observaient de si bons résultats, une discussion s’installait entre scientifiques. Est- ce que l’amélioration du profil sanguin est due à la baisse des oméga- 6, aux polyphénols passés par le lait ou à la hausse des oméga- 3 ? Est- ce que la diminution mesurée du diabète est due aux oméga- 3 ou au CLA2 ? Est- ce que l’amélioration du poids et du tour de hanches est due à plus d’oméga- 3, à moins d’oméga- 6 ou à moins de graisses saturées ? Ces débats étaient rarement tranchés, car si on améliore la nourriture des animaux, on change toute la composition des aliments, pas seulement « un » élément. Rien à voir donc avec ces aliments « enrichis en… » qui sont en réalité pauvres en nutriments essentiels et doivent être enrichis artificiellement.

Mais pour certaines marques, certains distributeurs, c’est tout autre chose qui se joue. Quand on parle d’enrichissement, il s’agit surtout d’enrichir ses marges. En effet, la nutrition- santé se trouve souvent mise bêtement en scène par un ajout de produits de synthèse à des aliments premiers prix de qualité intrinsèque banale. Ainsi, des pâtes à tartiner deviennent des « sources d’oméga- 3 », des yaourts « font baisser le cholestérol ». Cette nutrition santé vue par certains industriels associe ce qu’il y a de pire dans les évolutions alimentaires de ces dernières décennies : la banalisation des produits de base, l’ajout de produits chimiques de synthèse à des aliments appauvris, et surtout la déresponsabilisation du producteur agricole dont l’unique responsabilité est de fournir le moins cher possible une matrice agricole que l’on va « enrichir » ensuite et vendre plus cher. Le nom hideux d’« alicament », contraction de deux mondes qui n’ont rien à voir, est à la mesure de cette coexistence impossible entre le monde de l’agriculture et celui de la chimie médicamenteuse. A qui se fier ?

Du côté des trois marques « officielles » gérées sous le patronage de l’Etat, rien de bien terrible non plus : Label rouge, AOC et AB (bio) ne présentent aucune garantie en matière de santé ou de nutrition. C’est ainsi ! La nutrition, la santé, c’est important sans doute, mais personne ne s’en préoccupe vraiment en haut lieu.

Dans ce panorama, tout n’est pas noir cependant, et l’Etat encourage les marques privées à faire mieux dans le cadre du « PNNS1 ». En fait, elles font des efforts remarqués, pas forcément pour « faire bien ou mieux », mais au moins pour « ne pas faire plus mal » (elles disent et écrivent : « moins de sel, moins de sucre, moins d’huile de palme, moins de graisses hydrogénées, etc. »), et c’est déjà beaucoup. Quand elles s’engagent dans le cadre du PNNS ou des « accords collectifs » et passent l’épreuve des comités d’experts, qu’il s’agisse de marques ou de collectifs, c’est alors pour tous leurs produits, et c’est un progrès sensible.

Extrait de "Mangez, on s'occupe du reste", de Pierre Weill, aux éditions Plon, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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