Agnès Verdier-Molinié - IFRAP : "Dans les communes, l'absentéisme des agents coûte 2 milliards d'euros par an"<!-- --> | Atlantico.fr
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Agnès Verdier-Molinié.
Agnès Verdier-Molinié.
©Reuters

L'interview Atlantico Business

Selon une étude de la fondation IFRAP, la plupart des grandes villes sont victimes des absences de leurs agents. Un absentéisme qui coûterait 2 milliards d’euros par an selon sa directrice, Agnès Verdier-Molinié.

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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Atlantico Business : Selon l’étude de la Fondation iFRAP sur les 30 premières communes de France, l’absentéisme y est plus élevé que dans les grandes entreprises. Comment expliquer de tels écarts ?

Agnès Verdier-Molinié : On compare souvent la fonction publique à une grande entreprise. Si on regarde l'absentéisme chez Renault par exemple, on est à environ 3,5% d'absentéisme toutes causes confondues. Dans les villes que nous avons étudiées, cette moyenne est à 11,8%. Un taux d’absentéisme toutes causes acceptable compte tenu aussi de la féminisation des agents serait autour de 6% ou 7% mais pas plus. Selon nos calculs, le surcout de l'absentéisme, rien que dans les communes, peut être évalué à environ 2 milliards d'euros sur une année. Chaque commune a des paramètres différents mais il y a des éléments qui sont communs. Notamment, dans la fonction publique territoriale, comme dans la fonction publique en général, les contrôles des arrêts maladie sont rares et l'indemnisation des jours d’absence plutôt généreuse (pour la maladie ordinaire, jusqu’à 3 mois consécutifs indemnisés à 100% du traitement de l’agent sans beaucoup de démarches administratives puisque les employeurs publics s’auto-assurent). Très peu de contraintes pèsent donc sur les agents absentéistes que ce soit en termes de baisse de rémunération ou de contrôle. Enfin, on peut aussi faire entrer en ligne de compte l'âge des agents mais il y a vraisemblablement surtout un problème de démotivation.

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Quelles sont les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre cela ?

Le jour de carence qui avait été instauré pour les trois fonctions publiques a été supprimé par le gouvernement alors qu’il permettait de réduire un peu l’absentéisme récurrent et de courte durée. Certes, dans le privé, beaucoup de salariés bénéficient de la prise en charge des 3 jours de carence mais cela dépend de la convention collective. Il peut y avoir un nombre limité de jours de carence pris en charge par an (6 jours maximum et par an dans la convention bancaire par exemple) ou pas du tout de prise en charge comme dans certaines petites entreprises qui ne sont pas couvertes par une convention collective. Dans le public, il y existe actuellement une expérimentation mise en place avec les médecins contrôleurs de l'assurance maladie à la demande de l'État sous le précédent gouvernement et elle vient d'être prolongée. Cela consiste en un contrôle des agents absents comme le fait traditionnellement l’assurance maladie. Lorsque vous travaillez dans le secteur privé, un médecin de l'assurance maladie peut vérifier notamment si vous êtes bien malade et présent chez vous aux horaires où vous êtes sensé rester chez vous à vous reposer et à vous soigner. Étendre les contrôles par l’assurance maladie à tous les agents publics permettrait certainement une baisse du taux d’absentéisme dans les communes, les collectivités locales mais aussi les hôpitaux. Dans la fonction publique hospitalière où les agents sont, comme dans les communes, souvent absents de manière courte et rapprochée, le service est très désorganisé à cause de l’absentéisme et ce sont les agents les moins absents qui assurent le service auprès des patients.

Le rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique qui sera bientôt discuté à l’Assemblée est aussi une solution ?

C’est une partie de la solution mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi redonner du sens à la mission des agents publics. A cause des doublons de compétences entre les différents acteurs publics et à cause d’une certaine propension des communes à embaucher largement au dessus de leurs besoins, les agents des communes n’ont pas vraiment le sentiment que leur présence est indispensable. Un phénomène de sous-travail s’installe. Il faudra donc certainement passer par des mesures de type contrôle et jours de carence (pourquoi ne pas s’inspirer de la convention bancaire ?) mais il faut aussi savoir voir plus loin et redonner de la motivation aux agents en spécialisant les échelons publics afin et ne plus d’interdire de récompenser les agents qui se dévouent pour l’intérêt général et excellent dans leur travail. Une vision de la mission publique plus valorisante et responsabilisante. Cela semble aller de soi mais c’est en réalité un énorme défi à venir pour les organisations publiques et -de manière connexe- pour les deniers publics.

Propos recueillis par Julien Gagliardi

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