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Petites précisions à l'attention de Jean-Luc Mélenchon sur ce que sont vraiment des politiques de l'offre et de la demande
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Le faux bon sens près de chez vous

Samedi soir dans l’émission de Laurent Ruquier, le patron du Front de gauche livrait une parabole sur l'esquimau à qui on tenterait de vendre un frigo pour déconsidérer l’intérêt d’une politique de l’offre. Problème : son histoire ne correspond pas du tout à la réalité économique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Jean Luc Mélenchon était l’invité de Laurent Ruquier, ce samedi 1 février 2014. Au cours de son intervention, le Président du Front de gauche a souhaité mettre en avant l’absurdité de la politique de l’offre, en utilisant une parabole particulière : l’igloo, le représentant de commerce, et le frigo.

Un esquimau est dans son igloo. Il souhaite acheter un petit radiateur. Un VRP vient lui rendre visite et lui propose un frigo. Le VRP précise que comme François Hollande a pu dire que c’est l’offre qui crée la demande, il est donc logique d’estimer que l’esquimau a besoin d’un frigo. La preuve par l’absurde est faite, la politique de l’offre n’a aucun sens.

Devant cette démonstration scientifique, il est peut être possible de retourner cette parabole et d’imaginer un monde où la demande crée l’offre, comme le suggère Jean Luc Mélenchon. Il convient alors de conserver les attachants personnages de la parabole précédente.

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L’esquimau rappelle le VRP. Il souhaite un chauffage et le VRP se plie à des désirs, et réalise sa vente. L’esquimau prend immédiatement conscience de son nouveau pouvoir, si c’est la demande qui crée l'offre, il n’y pas de raison de se priver. Le pôle nord est froid et il convient de changer cela, le VRP se retrouve avec une commande de 25 000 chauffages à produire car l’esquimau souhaite jouer au beach volley en maillot de bain sur la banquise.

Satisfait de sa commande, le VRP appelle son usine, mais se rend compte que sa capacité de production n’est que de 100 chauffages. Il arrive à convaincre sa direction d’embaucher un maximum de personnes. Plusieurs employés sont embauchés rapidement, ce qui permet de réaliser un plus grand nombre de chauffages. Mais les capacités restent encore bien insuffisantes. L’entreprise décide alors d’aller embaucher les ouvriers de son concurrent, ce qu’elle parvient à faire en augmentant les salaires de ces derniers.

Les salariés historiques de l’entreprise se mettent immédiatement en grève pour obtenir les mêmes conditions salariales. Un accord est rapidement trouvé, l’ajustement à la hausse est réalisé. Le fournisseur principal de notre usine de chauffage, sentant le stress de l’entreprise, relève ses prix. Le chauffagiste se retrouve dans une situation insoutenable, les chauffages vendus à l’esquimau ne sont plus rentables. Il décide alors de monter ses prix.

L’esquimau s’en moque. Il détient les clés de l’économie et souhaite acheter toujours plus de chauffages. Tous les chauffagistes du pays sont désormais employés par l’usine, les salaires et les coûts de production flambent, tous les chômeurs sont embauchés et formés. Les employés sont de mieux en mieux payés et décident eux aussi d’acheter des chauffages : la demande explose.

L’inflation galope, l’entreprise n’est plus à même d’ajuster ses prix au rythme des revendications salariales, les cours de matières premières s’emballent, l’ensemble des prix doivent être ajustés au jour le jour. Devant cette incapacité à pouvoir réagir à temps, le chauffagiste vend à perte. Les créanciers perdent confiance. Rapidement, l’entreprise est liquidée, les salariés licenciés, l’hyperinflation vient de frapper.

L’offre crée la demande. La loi de Say doit être ajustée au goût du jour. L’offre ne crée pas la demande, l’offre détermine la demande. Ce sont les capacités de production qui vont déterminer le niveau de demande qui peut être toléré par le marché. Au-delà d’une certaine limite, l’emballement d’un monde qui ne serait gouverné que par la demande parvient à un résultat purement inflationniste. Et cette limite, c’est le plein emploi. Une fois le plein emploi atteint, seule une politique de l’offre peut permettre d’améliorer encore la situation. La réalité économique n’est pas binaire, offre et demande sont complémentaires.

Mais pour aujourd’hui, Jean Luc Mélenchon a raison. Une France qui compte près de 11% de chômeurs n’a rien à voir avec le plein emploi. Le déficit de demande dont souffre le pays est donc bien réel. Mais il serait absurde de croire que la demande peut tout. C’est ce que croyaient les gouvernements des années 70 et qui a abouti à des taux d’inflation à deux chiffres. C’est bien l’offre, c’est-à-dire le potentiel de travail d’un pays qui va fixer le niveau de demande que ce pays peut tolérer. L’offre est donc le problème dans 90% des cas. Mais la crise de 2008, la crise de 29, font partie des 10% restants.

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