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Anges batailleurs : ces écrivains homosexuels discriminés à cause de leur orientation sexuelle
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Bonnes feuilles

"La révolution gay fut d’abord et avant tout une révolution littéraire." Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération d’écrivains américains homosexuels s’est imposée. Extrait de "Anges batailleurs" (1/2).

Christopher  Bram

Christopher Bram

Christopher Bram, né en 1952 à Buffalo (New York), est un écrivain américain. Il a grandi à Kempsville (en Virginie), a étudié au College of William and Mary et s'est installé à New York en 1978. Son roman Le Père de Frankenstein, sur la mort du cinéaste James Whale, est devenu un film, Ni dieux ni démons. En mai 2003, il a obtenu le Prix Bill Whitehead.

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Le début des années 1960 inaugurait une époque où l’on pouvait enfin dire la vérité sur la question. Les vieux mythes de bonheur conjugal et de normalité commençaient à être mis à mal ; les gens voulaient savoir comment vivaient les autres couples. John Cheever et John Updike écrivaient dans le New Yorker sur ce thème. En 1961, Richard Yates publiait un roman féroce sur la vie à deux, La Fenêtre panoramique. Au théâtre, Elaine May et Mike Nichols exploitaient la veine de la querelle domestique dans un nouveau type de comédie. Les couples découvrant Qui a peur de Virginia Woolf ? étaient à la fois fascinés et soulagés de voir que leurs déchirements étaient moins destructeurs que ce qu’ils craignaient, que leurs disputes pouvaient se révéler salutaires, qu’il existait au moins un mariage bien pire que le leur.

Qui a peur de Virginia Woolf ? remporta deux prix en 1963 : le Tony Award et le New York Drama Critics Circle Award de la meilleure pièce. Les jurés du prix Pulitzer auraient voulu attribuer le prix de meilleur dramaturge à Albee, mais le jury, qui comprenait des rédacteurs de presse de tout le pays, refusa. Pas de prix Pulitzer pour le théâtre cette année-là. Peu importe, la pièce était plébiscitée par le public et les critiques.

Peu à peu ceux-ci se retournèrent contre la pièce qu’ils avaient encensée. Ce fut un mouvement lent, imperceptible, un malaise croissant vis-à-vis du texte et de son auteur. Un goutte-à-goutte de commentaires négatifs qui se mua en torrent de boue, non seulement contre Albee, mais contre tous les dramaturges gay. En quelques années il était devenu de bon ton de piétiner Qui a peur de Virginia Woolf ?

Que s’était-il passé pour justifier un tel revers ? A un moment ou un autre, les critiques avaient dû apprendre que l’auteur était gay, mais il est difficile d’imaginer ce qu’ils se disaient en privé. La première charge publique eut lieu au printemps 1963 dans la Tulane Drama Review, une revue de théâtre trimestrielle influente. Le rédacteur en chef, Richard Schechner, signait un éditorial qui démarrait ainsi : « Le théâtre américain, notre théâtre, est si affamé, si vorace, si corrompu, si aveugle moralement, si pervers que Qui a peur de Virginia Woolf ? est un succès… Personnellement j’en ai assez de cette morbidité et de cette perversité sexuelle qui ne sont là que pour titiller un théâtre et un public impuissants et homosexuels. J’en ai assez d’Albee. »

Extrait de "Anges batailleurs -Les écrivains gay en Amérique, de Tennessee Williams à Armistead Maupin", Bram Christopher, (Editions Grasset), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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