Pourquoi le régime méditerranéen est (aussi) un excellent moyen de lutter contre la démence sénile<!-- --> | Atlantico.fr
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Le régime alimentaire méditerranéen est composé de fruits, de légumes, de poisson, de noix et d'huile d'olive.
Le régime alimentaire méditerranéen est composé de fruits, de légumes, de poisson, de noix et d'huile d'olive.
©Reuters

Mieux vaut prévenir que guérir

Un groupe de médecins britanniques a révélé ce week-end les bienfaits du régime alimentaire méditerranéen dans la lutte contre la démence, et notamment contre la maladie d'Alzheimer.

Jean-Daniel Lalau

Jean-Daniel Lalau

Jean-Daniel Lalau est médecin, professeur de nutrition au CHU d'Amiens, docteur en sciences et en philosophie.

Il est l'auteur des livres En finir avec les régimes (éditions François Bourin) et Hospitalité - Je crie ton nom (éditions Chronique sociale). 

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Atlantico : Un groupe de médecins britanniques a déclaré ce week-end que le régime alimentaire méditerranéen, composé de fruits, légumes, poisson, noix, huile d'olive, était préférable aux médicaments dans la lutte contre la démence, et notamment contre la maladie d'Alzheimer. Que faut-il en penser ? Cette affirmation constitue-t-elle une évolution majeure dans la lutte contre ce type de maladies ?

Jean-Daniel Lalau : On peut effectivement considérer cela comme une évolution importante qui vise à mieux dire encore ce qu’on savait déjà. Ceci avait déjà été révélé notamment dans une publication britannique il y a deux ans. Les gériatres sont unanimes pour dire que différentes pathologies comme l'athérosclérose, le cancer, et au bout du compte l’Alzheimer, partagent les mêmes facteurs de risques. Parmi ces facteurs, on a identifié l’hypertension artérielle liée au poids, l’obésité, le diabète lié aussi au poids, le manque d’activité physique qui favorise la prise de poids, mais également le tabac, le faible niveau d’instruction…La nutrition est donc à la croisée de ces facteurs. On en arrive donc à aborder la question du bon équilibre alimentaire incarné par le régime méditerranéen. Ce qu’a récemment affirmé ce groupe de médecins britanniques n’est que la confirmation de ce que nous savions déjà, et qu’il convient de répéter sans cesse.

Il a été montré, il y a des années déjà à Lyon, où le niveau de risque n’est pas le plus élevé, qu’un régime alimentaire méditerranéen après un infarctus réduisait fortement le risque de mortalité, et ce plus efficacement que les traitements pharmacologiques. Il s’agit là de quelque chose que nous savons d’une façon générale, pour le cœur en particulier, et qu’on peut étendre à la maladie d’Alzheimer.

Par rapport à ce régime, il convient de considérer chaque groupe d’aliments afin de dégager les avantages de ce régime par rapport à une alimentation habituelle.  Parmi les aliments les plus importants de ce régime, il faut distinguer les graisses et les bonnes graisses constituées par les graisses insaturées contenue notamment dans l’huile d’olive ou l’équivalent de colza pour ceux qui n’aiment pas le goût de l’huile d’olive. Les légumes crus et cuits, quant à eux, constituent une source importante d’antioxydants qui sont essentiels pour la prévention générale contre les maladies cardiaques et contre l’Alzheimer car elles empêchent la dégradation des graisses. Cette dernière peut en effet fragiliser les cellules, et induire ainsi leur vieillissement, et donc favoriser l’Alzheimer. Les féculents sont également bien représentés dans le régime méditerranéen, de même que les produits laitiers avec le fromage de chèvre.

Les populations du Nord de l’Europe, à cause de leur alimentation, sont davantage sujettes au risque de développer la maladie d’Alzheimer, comparé aux populations du sud de l’Europe qui présentent, elles, un risque plus faible. Précisons également que le French paradox n’existe plus, c’est-à-dire que la France elle-même est concernée par cette différence de risque entre le Nord et le Sud de son territoire.

En quoi ce régime peut-il être considéré comme un substitut aux médicaments dans le traitement de la démence ? Quels éléments concrets permettent d'en attester ?

Je ne parlerais pas de substitut. Si on arrive à identifier les facteurs de risques nutritionnels, il n’y a aucune raison de prôner un régime pharmacologique particulier pour l’obésité, la dépression…Le médicament répond à un point précis, comme la baisse de la tension artérielle par exemple, alors que si on agit directement sur la perte de poids, on agit sur l’ensemble des facteurs précédemment mentionnés. C’est ainsi que l’on peut être le plus efficace. Le médicament est mis en place tardivement, alors que le régime alimentaire constitue la prévention en tant que telle. Il convient d’ailleurs d’utiliser plutôt l’expression d’alimentation santé plutôt que de régime. Ce dernier terme a en effet une connotation assez péjorative, renvoyant à la restriction ce qui n’a rien d’incitatif.

Les médecins à l'origine de cette déclaration préconisent le changement des habitudes alimentaires plutôt que de privilégier l'usage de médicaments, dont les effets sur la santé sont à discuter. Quelle est l'efficacité démontrée des traitements médicamenteux de la démence ? Est-il raisonnable de conseiller à des patients de les abandonner ?

Dans le cas de la prévention de la démence, l’efficacité du recours aux traitements pharmacologiques peut s’avérer patente. Ces traitements n’agissent cependant que sur un facteur en particulier, comme l’hypertension artérielle, comme je l’ai rappelé, et j’insiste sur ce point. De plus, certains traitements comme les statines, qui permettent la baisse du cholestérol et agissent comme un protecteur vasculaire, provoquent des effets secondaires dont une intolérance musculaire qui peut être problématique dans la poursuite du traitement. A cela s’ajoute également le coût de certains produits, qui peut être prohibitif.

Néanmoins, conseiller l’arrêt de ces traitements pharmacologiques est tout à fait déraisonnable car des rebonds d’hyperglycémie ou d’autres symptômes peuvent survenir en cas d’arrêt. Il convient donc, au préalable, de connaître l’importance du facteur de risque. On ne prescrit pas ces médicaments en prévention de l’Alzheimer, mais quand il existe un facteur de risque important qui pourrait faire craindre la survenue, à terme, d’un Alzheimer. Il ne s’agit pas là d’un motif de prescription mais plutôt d’une prévention globale pour toutes les maladies chroniques précédemment citées, à l’instar de l’Alzheimer.

Par ailleurs, ce régime est-il à la portée de toutes les bourses ? Si non, est-il possible de le rendre plus abordable ?

Il est presque à la portée de tous, constituant davantage une imitation sociale et éducative. Même si l’huile d’olive peut représenter un certain coût, il est possible de se procurer pour moins cher son équivalent avec l’huile de colza. En tant que tel, les produits de ce régime sont accessibles. Le problème réside dans le manque d’information. Par exemple, tout le monde ne sait pas que les légumes secs sont à la fois une source de féculents mais également de fibres grâce à leur coque, agissant ainsi comme le ferait un légume cuit. Communiquer sur l’ensemble des groupes d’aliments du régime méditerranéen, sur les possibilités d’en remplacer un par un autre sans en perdre les effets bénéfiques, est donc primordial.

Concernant le poisson, enfin, précisons que la plupart sont abordables, à l’exemple des filets de poisson. Vous pouvez d’ailleurs enlever la panure afin d’éviter l’absorption des mauvaises graisses. Les filets de colin non plus ne sont pas très chers. Avoir accès à de bons produits nécessite la mise en place d’une stratégie, qui découle bien entendu d’une bonne information.

Propos recueillis par Thomas Sila

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