Le système des brevets : ce marché de dupes qui rend les médicaments si chers<!-- --> | Atlantico.fr
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Le système des brevets est censé normalement protéger et récompenser l’innovation.
Le système des brevets est censé normalement protéger et récompenser l’innovation.
©Flickr

Bonnes feuilles

Le dévouement et la probité de la plupart des professionnels de la santé sont indubitables, mais la corruption s’est installée au coeur du système. La logique du profit a dévoyé la science. Chaque année, près de 200 000 personnes décèdent en Europe suite aux effets médicamenteux qualifiés de « secondaires » ; les overdoses d’antidouleurs tuent plus que l’héroïne et la cocaïne réunies ; l’abus de médicaments a pollué jusqu’à l’eau du robinet, devenue un cocktail de Prozac, d’antibiotiques, d’anticancéreux et de perturbateurs endocriniens. Extraits de "Big pharma", (1/2).

Mikkel Borch-Jacobsen

Mikkel Borch-Jacobsen

Mikkel Borch-Jacobsen est philosophe et historien, il enseigne à l’université de Washington et a consacré avec Anne Georget un documentaire au marketing pharmaceutique des maladies (Arte).

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Ce n’est pourtant pas ce à quoi on aurait dû s’attendre, car le système des brevets est censé normalement protéger et récompenser l’innovation. Smith Kline avait risqué beaucoup d’argent pour développer l’H2-bloquant de Black, en contrepartie de quoi la société (l’État) lui a accordé un brevet, c’est-à-dire un monopole d’exploitation d’une vingtaine d’années lui permettant de fixer un prix de vente sans avoir à se préoccuper de la concurrence. C’est ainsi qu’on justifie d’ordinaire le prix élevé des médicaments : il faut bien, dit-on, que l’industrie récupère sa mise. Sans la carotte du brevet, les firmes ne débourseraient pas les sommes « colossales » qu’il faut pour développer un médicament (800 millions de dollars la pilule, dit-on encore) et nous n’aurions pas tous ces nouveaux traitements qui nous sauvent la vie.

Répété sur tous les tons par les communicants de Big Pharma pour faire passer le prix de la pilule, cet argument repose en réalité sur un sophisme. Comme on l’a vu avec le Zantac de Glaxo, il est en effet relativement facile pour une firme pharmaceutique d’obtenir un brevet sans passer par la case recherche. Il lui suffit pour cela de modifier à peine la formule d’une molécule déjà brevetée par une firme concurrente, par exemple en la remplaçant par un isomère (un isomère est une molécule qui a la même formule structurale brute qu’une autre, mais une formule moléculaire développée différente). Ces « me-toos » ont souvent des propriétés légèrement distinctes, ce qui permet d’obtenir un nouveau brevet et du coup de demander un prix tout aussi élevé, sinon plus, que celui du médicament rival.

Loin donc de favoriser l’innovation, les brevets encouragent le maintien artificiel de prix sans rapport aucun avec le service médical rendu (SMR). De fait, ils aboutissent à la formation de véritables cartels, c’est-à-dire à une entente implicite entre quelques grandes entreprises pour contrôler un marché donné et maximiser leurs profits en éliminant toute concurrence. Alors que les cartels font partout ailleurs l’objet de lois visant à bannir les pratiques anticoncurrentielles, leur formation est ici formellement encouragée par la législation et les conventions internationales sur la propriété intellectuelle. On est dans une situation analogue à celle du marché des stupéfiants, où le monopole de fait des cartels de la drogue leur permet d’extorquer des prix faramineux aux consommateurs.

Extrait de "Big pharma", Coordonné par Mikkel Borch-Jacobsen, (Les Arènes Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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