Les Chinois à Ryad et les Américains à Téhéran, nouvelle donne des relations entre Arabie saoudite et États-Unis ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite.
Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite.
©Reuters

Nouvelle donne

La production de plus en plus importante de pétrole et de gaz par les Etats-Unis et le retour de l'Iran dans le concert des nations ont profondément changé la donne au Moyen-Orient. Les Etats-Unis se détournent de leur allié historique saoudien pour lorgner vers Téhéran, potentiel contrepoids à l'influence chinoise dans la région.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Un jour de la Saint Valentin, un certain 14 février 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, eu lieu une rencontre historique à bord de l'USS Quincy sur le canal de Suez. Ce jour-là, à bord de ce bâtiment de la marine américaine, le Président Franklin D. Roosevelt aboutit à un accord avec le Roi de l’Arabie saoudite, Abdul Aziz Ibn Saoud. Cet accord prévoyait le soutien indéfectible des États-Unis à la famille royale saoudienne ainsi qu’à la société pétrolière Aramco tant que les Saoudiens étaient à même d’assurer la livraison ininterrompue de l’or noir. Cette relation perdura jusqu’à nos jours malgré des hauts et des bas principalement liés au conflit israélo-palestinien.

Or, la lune de miel semble avoir pris fin et ce pour trois raisons.

En premier lieu, vient la prochaine indépendance énergétique américaine. Le pays a ainsi connu une baisse de presque 50% de ses importations pétrolières depuis une petite dizaine d’années. Cette baisse de la dépendance américaine au pétrole importé est principalement attribuable à une augmentation de la production des hydrocarbures sur leur sol national grâce notamment au développement d’hydrocarbures non conventionnels tels que le pétrole et le gaz de schiste. Début 2013, la production américaine a dépassé les 7 millions de barils/jour, ce qui représente une hausse de presque 20% en une année seulement. Les États-Unis deviendront d’ici peu, entre 2017 et 2020, le premier producteur mondial de pétrole devant l’Arabie Saoudite. Ils deviendront peu de temps après, eux-mêmes exportateurs d’hydrocarbures. Cette nouvelle donne signifie que Washington regardera les pétromonarchies arabes du golfe persique, non plus comme fournisseur indispensable de leurs besoins énergétiques mais comme des concurrents.

La deuxième raison tient au fait que, depuis le 11 septembre 2001, les Américains ont pris conscience que le conflit de civilisation qui les menace est dû à une forme particulière d’Islam, celle du wahhabisme. Cette vision de l'islam est incarnée par l’Arabie saoudite et le Qatar, qui sont les deux seuls pays musulmans dominés par cette version particulièrement rétrograde de l’Islam. Tous les terroristes du 11 septembre étaient des sunnites radicaux dont quinze étaient des ressortissants saoudiens. Les américains ont ainsi saisi que la quasi-totalité des attentats terroristes qui ont secoués le monde occidental ces vingt-cinq dernières années étaient perpétrés par les affidés de cette version de l’Islam. Le dernier en date étant celui de Nairobi. Ils voient aussi que ceux contre lesquels ils sont en conflit, qu’il s’agisse des Talibans en Afghanistan ou les islamo-fascistes du Front Al-Nusra en Syrie ou en Irak sont des mouvements sunnites radicaux soutenus, financés et armés par les saoudiens.

En troisième lieu vient le retour graduel de l’Iran dans le concert des nations depuis l’élection du nouveau Président modéré et pragmatique Hassan Rouhani. L’Iran, qui recèle en son sein la deuxième réserve gazière au monde et la troisième pétrolière est à même de rééquilibrer le jeu énergétique au Moyen-Orient. Avec une population de 80 millions d’habitants ayant un niveau d’éducation équivalent à celui de l’Occident, la réintégration de ce pays dans le système économique mondial sera le plus grand rajout depuis l’intégration du bloc soviétique. L’Iran saura, par ailleurs, faire barrage aux avancées chinoises en devenant un contre poids régional de taille à la Chine et au Pakistan, État en voie de vassalisation tant de l’Arabie Saoudite que de la Chine. Washington perçoit de plus en plus Téhéran non seulement comme un allié en devenir dans la stratégie américaine visant à contenir l’essor de la Chine mais un remplacement potentiel pour le pétrole saoudien.

C’est cet ensemble de raison qui font que les États-Unis et l’Arabie saoudite sont engagés dans une course dont la collision est proche. Il suffit que les Américains adoptent une position diplomatique pour que les Saoudiens fassent l’inverse. Au lendemain du coup d’Etat contre le Président Morsi au Caire, alors que Washington a réduit les trois quart de son aide militaire à l’Egypte, les Saoudiens ont promis de combler ce manque. Il a suffi qu’Obama demande aux Saoudiens de ne pas fournir des missiles sol-air aux rebelles islamistes en Syrie pour que Riyad fasse l’inverse. Ou encore, il a fallu que Washington demande aux Saoudiens de ne pas intervenir dans la révolution populaire au Bahreïn pour que l’armée saoudienne pénètre dans Manama et écrase dans un bain de sang les velléités de libertés de la population bahreïnie.

Pareillement, les Saoudiens n’ont pas supportés l’inertie américaine dans le soutien à apporter aux rebelles islamistes et encore moins leur décision de ne pas frapper militairement Damas suite à l’usage d’armes chimiques prétendument effectué par le régime. Le comble de l’hostilité entre les deux pays fut atteint à l’occasion de l’échange téléphonique entre le président Obama et le président iranien, alors que les Iraniens sont perçus comme ennemi par les Saoudiens. Il est clair que le rapprochement irano-américain est inversement proportionnel à l’éloignement entre Washington et Riyad.

C’est parce que cette rupture d’alliance est en train de s’opérer que les Saoudiens se sont abstenus, en signe de mécontentement à l’égard de Washington, non seulement de prendre la parole à l’Assemblée Générale de l’Onu il y a un mois mais aussi d'occuper le siège qui leur revenait au Conseil de Sécurité. Il faut s’attendre à un renversement étonnant des amitiés, les Chinois remplaçant les américains en Arabie Saoudite et les Américains remplaçant les Chinois à Téhéran.

Et ceci dans un avenir très proche.

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