Le changement c'est tout le temps : à chaque dizaine de la vie sa crise existentielle<!-- --> | Atlantico.fr
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"Une crise de l'âge se caractérise par la sensation de se sentir à l’étroit et d’agir par automatismes, comme un mouton."
"Une crise de l'âge se caractérise par la sensation de se sentir à l’étroit et d’agir par automatismes, comme un mouton."
©Reuters

Teenager forever

Crise d'ado, crise de la quarantaine, démon de midi... Selon le psychologue Oliver Robinson de l'université de Greenwich au Royaume-Uni, à chaque dizaine de la vie correspond une période de doutes et de remises en question.

Sylviane Barthe-Liberge

Sylviane Barthe-Liberge

Sylviane Barthe-Liberge est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle anime et publie sur son site personnel : www.consultations-psychologue.com.

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Atlantico : Selon Oliver Robinson, un psychologue de l'université de Greenwich au Royaume-Uni, la personnalité évolue en fonction des différents âges de la vie adulte. Qu’est-ce qui caractérise chaque âge de la vie adulte ? Et quelles sont les difficultés rencontrées pour chacune des décennies?

Sylviane Barthe-Liberge : De l’adolescence à la cinquantaine, chaque "dizaine" connaît sa période de transition, c’est-à-dire une période de remise en question, de doutes, d’hésitation, d’introspection puis, souvent, de prises de décisions. Ces transitions nous permettent d’aller à la rencontre de nous-mêmes et donc de mieux nous connaître finalement.

20 ans, le choix des études et des orientations professionnelles. Fait-on nos choix pour nous-mêmes, selon nos aspirations, nos désirs, nos envies, ou faisons-nous un choix raisonné et raisonnable, dicté par le désir parental ? Pas encore totalement adulte et indépendant, mais plus des enfants irresponsables non plus. C’est une période qui peut être assez angoissante du fait de l’incertitude de l’avenir et de la prise de conscience des difficultés à affronter.
30 ans, l’heure des grandes décisions. Notamment l’indépendance à l’égard des parents, le premier Contrat à durée indéterminée (CDI) - porte vers l’autonomie financière mais aussi la capacité à accéder à un certain statut social avec son pouvoir d’achat. Puis le mariage ou le PACS. L’heure du premier enfant mais aussi du premier achat immobilier… Avec l’angoisse de devoir boucler le budget chaque fin de mois.
40 ans, le bilan des années passées et un regard sur les années à venir. La question tenace de savoir si on n’est pas sur la mauvaise route, si on n’a pas fait les mauvais choix, pour de mauvaises raisons. Les certitudes d’hier s’ébranlent et le doute s’installe alors que, en apparence, tout va bien.
50 ans, nouvelles remises en question, de soi mais aussi de l’entourage. Peut-on encore être désirable à la veille de la retraite ? Est-on encore utile alors que les enfants sont sur le chemin de l’émancipation ? Alors qu’hier on se sentait encore invulnérable, le corps présente des signes de fatigue… Période des deuils, des pertes douloureuses qui s'inscrivent dans le continuum de la vie…
60 ans et l'approche de la retraite...

Y a-t-il un âge plus difficile que l’autre ? Lequel et pourquoi ?

La crise du milieu de la vie, 40-50 ans, semble tout de même la plus éprouvante, du moins la plus répandue car elle concernerait 80% des personnes. Avec la prise de conscience du temps qui s’écoule toujours plus vite, si changement il doit y avoir, c’est maintenant ou jamais. Agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard, prendre le risque (ou non) de tout faire voler en éclat, sans être sûr du lendemain. Et ce, tant sur le plan professionnel que personnel.
Ainsi, les hommes deviennent existentialistes, alors que les femmes souffrent du syndrome du nid vide.
Les hommes s’interrogent sur leur avenir professionnel (crainte d’un licenciement au profit d’un plus jeune, plus performant et moins coûteux), s’inquiètent des premiers problèmes de santé. Entre les enfants (pour qui, il n’est plus indispensable) et les parents (dont il devient responsable), l’homme se trouve au carrefour de deux générations, pris en tenaille.
Les femmes font elles aussi le bilan de leur vie. S’interrogeant sur leur plaisir, leur désir, mais aussi sur la perte (parfois douloureuse) de leur fécondité (car souvent associée à une perte de féminité dans le regard des hommes). Le départ des enfants cède le pas à la dépression (en particulier chez les femmes qui ont délaissé leur carrière pour élever leurs enfants).

La crise de la quarantaine est bien connue. Y a-t-il également un concept de la crise entre 20 et 30 ans ?

C’est ce qu’Oliver Robinson appelle la "crise du quart de vie". Période angoissante, étudiants mais bientôt employés, en couple mais bientôt mariés, insouciants mais bientôt parents… L’entrée dans la vie adulte s’apparente à un saut à l’élastique ! C’est une décennie où un nombre importants de choix décisifs sont pris : orientation professionnelle, vie de couple, enfants, achats immobilier… Autant de décisions qui ne se prennent pas à la légère et qui engagent pour le reste de la vie. Et secondairement, d’autres questions se posent : l’argent, la santé (physique et mentale), la sacro-sainte indépendance pour laquelle il faut en partie renoncer…

Comment caractérise-t-on une crise de l’âge ?

Une crise se caractérise par une sensation de se sentir à l’étroit, d’agir par automatismes, comme un mouton. Cette prise de conscience entraîne la volonté de briser les chaînes et de sortir du troupeau. Ceci peut entraîner un certain nombre de ruptures (avec le conjoint, le travail et tout ce qui représentait la vie passée). Vient ensuite la phase de reconstruction et de restructuration afin d’accéder à l’épanouissement et à une meilleure connaissance de soi. De là pourront naître de nouveaux projets de vie.
Difficile de dire combien de temps dure la crise : de quelques semaines à quelques mois, tout dépend de chacun. Et tout dépend peut-être de l’âge et de la manière dont on a géré (ou non) les transitions précédentes. A savoir qu’une crise de la cinquantaine sera certainement plus "violente" chez une personne qui ne s’est pas trop appesantie sur les remises en questions lors des transitions précédentes.
Pour autant, on observe des signes caractéristiques :
  • Les changements dans le look (changement de style vestimentaire, pratique subite d’un sport, augmentation du budget cosmétique / esthétique).
  • Dès la quarantaine, un rajeunissement du comportement (avec l’expression des désirs de jeunesse et le besoin de paraître jeune en parlant comme un jeune ou en adoptant les modes de communications des jeunes).
  • La dépression s’exprimant par une perte de libido, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, des ruminations, des pertes de mémoire.
  • Un manque d’intérêt patent pour la famille, pour le conjoint, pour les enfants. La communication s’appauvrit pour devenir quasi inexistante.
  • Des décisions qui se prennent sous le sceau de l’impulsivité pour changer sa vie, sans consultation préalable avec l’entourage (achat de moto / voiture / bateau, vente de maison, démission professionnelle, divorce…).
  • Augmentation de la consommation de substances toxiques (alcool, tabac… nouvelles substances) qui est à lier à la dépression.
  • Dès la cinquantaine, une nostalgie évidente avec une obsession pour sa jeunesse, ses premiers émois, les vieux amis… Et l’envie de refaire le chemin à l’envers et imaginer ce qui aurait pu être si d’autres décisions avaient été prises.
  • Et enfin, l’infidélité et le besoin de s’assurer de son pouvoir de séduction, de faire de nouvelles expériences.
Propos recueillis par Karen Holcman

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