Édito - Un euro de plus en plus fort pour une économie de plus en plus faible <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre
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L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

L’euro pourrait passer le prix record de 1,40 dollar cette semaine. Cette fermeté de la monnaie unique bouleverse évidemment toutes les explications classiques dans la mesure où l’état des économies européennes et les perspectives ne méritent pas une monnaie aussi chère. Du coup, le prix de l’euro ne va tarder à relancer le débat sur la compétitivité. On entend déjà les ministres de Bercy grogner contre l’euro fort. Pierre Moscovici n’a pas osé hier soir mais c’était tangent : « On n’y arrive pas parce que l’Euro est très fort ». Évidemment, mais que fait la police ?

Les faits d’abord. L’euro est très cher parce que le dollar est très affaibli par la paralysie politique liée au shutdown, le blocage de la machine budgétaire pour cause de déficit excessif. Les marchés s’inquiètent des effets d’un blocage prolongé sur l’économie américaine. Ils s’inquiètent aussi d’un risque de défaut technique de paiement du trésor américain. Si à la date butoir du 17 octobre, Barack Obama n’a pas trouvé de compromis possible avec le congrès, on peut imaginer l’impensable : la mise en faillite du trésor américain. Et ceux qui expliquent aujourd’hui que ça n’est pas possible, sont les mêmes qui juraient en septembre 2008 qu'une grande banque internationale ne pourrait pas faire faillite. Donc les marchés se couvrent, ils se désengagent en dollar et se place sur des valeurs refuges.

Dans la famille des valeurs refuges, il y a eu le yen pendant trois décennies, il y a le franc-suisse depuis la création du monde, et puis il y a désormais l’euro. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’euro est entré dans le club très fermé des valeurs refuges. Pourquoi ? Parce que l’on considère que c’est une des monnaies qui a le moins de risque à court terme. L’économie n’est pas brillante mais la zone monétaire est gérée correctement par la banque centrale, c’est une zone qui a prouvé depuis trois ans qu'elle était capable de sécuriser son fonctionnement. Enfin c’est une zone où les endettements publics sont lourds mais où les capacités d’épargne sont excédentaires. Ajoutons à cela que la zone euro est une région du monde où les rendements fiscaux sont élevés. En terme très simple, l’euro inspire confiance parce que les citoyens épargnent beaucoup pour couvrir les dettes d’État et que les contribuables sont capables de payer beaucoup d’impôts.

En attendant, le prix de l’euro comparé au dollar va forcément relancer le débat sur la compétitivité. Le rapport Gallois avait mis en évidence les blocages liés au coût des conditions de production, le coût du travail notamment, mais il estimait aussi que le redressement des industries exposées à la concurrence dépendait du rapport d’échange. Les économistes confient que le prix acceptable de l’euro tourne autour de 1,15/1,20 dollar pour un euro. C’est le prix idéal pour l’industrie française. Les secteurs qui vont crier, on les connait : l’aéronautique, les biens de consommation, les biens d’équipement. Toutes les entreprises appartiennent à ces secteurs travaillent beaucoup avec les pays émergents et se retrouvent pénalisées.

Ceci étant, les chefs d’entreprise ont tous un panel de réponses à apporter. Ils peuvent resserrer leurs coûts, délocaliser des fabrications, ralentir en attendant que l’orage passe. Ce qu'ils ont beaucoup fait dans le passé. Autant d’actions qui vont encore peser sur les perspectives d’évolution de l’activité économique et de l’emploi.

Rappelons que les marchés des changes ne se préoccupent pas en priorité des situations économiques. La Suisse a l’une des meilleures monnaies du monde mais une économie qui ne fait pas le poids à l’échelle mondiale. Ce qui compte pour les marchés, c’est la capacité de la zone euro à équilibrer son passif par un actif. Ses dettes et sa capacité de financement. Le passif et les dettes sont dans la sphère publique. Les actifs et les financements appartiennent au privé. Ça devrait faire réfléchir nos gouvernants. Le système tient parce que nous payons beaucoup d’impôts. Et paradoxalement c’est parce que nous sécurisons financièrement le gouvernement que l’euro est fort. Combien de temps encore ? Tant que les marchés ne s'inquiéteront pas de notre capacité à payer les impôts et à sortir l’épargne. Ça peut durer encore un certain temps parce que le pays est riche.

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