Kate & William : de l'utilité politique d'un mariage princier<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Britanniques font confiance au gouvernement pour gérer leurs affaires.
Les Britanniques font confiance au gouvernement pour gérer leurs affaires.
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Les deux corps du Roi

Kate Middleton et le prince William se marient ce vendredi 29 avril. Pendant que tout le Royaume-Uni est en effervescence, David Cameron gère tranquillement les affaires courantes. Une séparation des pouvoirs qui pourrait rendre jaloux Nicolas Sarkozy et ses prédécesseurs...

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Le grand défi des journalistes britanniques ces jours-ci est de trouver quelques lignes intelligentes à écrire sur le “royal wedding”. Les économistes se demandent si le mariage rapportera plus à l’économie du Royaume, en produits dérivés et recettes touristiques, qu’il ne lui coûtera avec ce jour férié supplémentaire.

Les politologues s’inquiètent que Tony Blair et Gordon Brown ne figurent pas parmi la liste des invités, à la différence de leurs homologues conservateurs (John Major et Margaret Thatcher). Les historiens cherchent des précédents à une éventuelle abdication de Charles en faveur de son fils. Les philosophes se hasardent à faire du destin de la roturière Kate la revanche définitive du capital sur le travail. Les sociologues se disputent sur le degré d’intérêt réel des Britanniques pour cette pompeuse cérémonie. Les fashionistas se perdent en conjecture pour savoir quel couturier a confectionné la robe de Kate. Les journalistes people font leur une sur Kate surprise par la pluie, ou sur la mise aux enchères de la robe transparente qui aurait séduit le Prince. Les irréductibles libéraux, parmi lesquels ma bible The Economist, aimeraient offrir la République comme cadeau de mariage au jeune couple.

Bref, les meilleures plumes du Royaume désespèrent de trouver “a grain of salt” à cette romance d’une remarquable platitude. A défaut, ils peuvent se procurer pour le grand jour un sac à vomi commémoratif, “Throne Up”, heureuse initiative de l’artiste graphique Lydia Leith. J’en ai pour ma part commandé deux, un rouge, un bleu.

Pendant ce temps là, du côté de la politique britannique...

On en oublierait presque qu’il y a un Gouvernement, et même, une semaine après le mariage, un référendum pour changer le système électoral britannique. Personne ne comprend rien à ce nouveau “alternative vote”, vote à choix multiple, où l’électeur classe les candidats suivant ses préférences. De même, personne ne s’intéresse beaucoup à l’intervention en Lybie. Les Britanniques font confiance au gouvernement pour gérer leurs affaires. Ils sont bien décidés à ne pas laisser la politique leur gâcher la fête.

Nul ne semble donc plus à l’aise ces temps-ci que David Cameron. L’unique controverse qui le vise concerne son choix de porter un costume, et non un queue de pie, le jour du mariage. Pour le reste, il a les mains libres. Il profite à plein du principe, mis au jour il y a un demi-siècle par l’historien médiéviste Ernst Kantorowicz, des “deux corps corps du roi”. Si tout souverain possède deux corps, l’un éternel symbole de la nation réunie, l’autre incarnation terrestre et faillible du pouvoir, le Royaume-Uni a poussé à l’extrême la division du travail : William et Kate assurent le corps immortel, immuable, réglé comme un automate sur des siècles de protocole ; un corps de cire, sans une mèche de travers, toujours souriant, prêt à figurer chez Madame Tussaud. Leurs expressions sont neutres, leurs paroles consensuelles, leur avenir sans surprise. De son côté, le premier ministre, simple mortel, se plonge dans la boue de la mécanique électorale et des actions militaires sans que personne ne songe à le lui reprocher. Il n’est pas tenu à la grandeur, seulement aux résultats.

Comment la France pourrait s'inspirer du mariage de Kate et William

C’est cette répartition des tâches qui manque à Nicolas Sarkozy. Les Présidents de la République française sont obligés de se glisser dans les deux corps à la fois, et d’assumer les deux fonctions, la représentation et l’action.

Equation impossible : Jacques Chirac avait négligé la deuxième sur l’autel de la première ; Nicolas Sarkozy s’est voulu homme d’action et, quelles que soient ses réussites sur le plan économique ou diplomatique, les Français lui pardonnent pas d’avoir sacrifié son corps symbolique, de courir en short, de parler comme le peuple, d’aimer l’argent et les jolies femmes. D’où cette proposition pour 2012 : marions Ségolène Royal et Dominique de Villepin, donnons aux Français leur Roi, cheveux blancs et gueule de lion, et ne jugeons le président que sur son art de gouverner.

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