Ce que 5 ans de crise ont concrètement changé dans nos vies<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers déclenchait la crise financière, puis économique.
Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers déclenchait la crise financière, puis économique.
©Reuters

La crise 5 ans après son déclenchement

Le 15 septembre 2008, la banque d'investissement américaine Lehman Brothers se déclarait en faillite, marquant ainsi le début de la crise. Premier volet de notre série.

Il y a cinq ans jour pour jour, la faillite de Lehman Brothers précipitait la finance mondiale dans l'effroi. Echanges interbancaires bloqués, cours de bourse en chute libre, prix devenus fous, la panique allait durer quelques mois, avant qu'un calme relatif ne finisse par revenir sur les marchés. L'économie réelle, elle, est encore en crise, intoxiquée par l'amoncellement des dettes accumulées pendant les années de bulle.

La faillite de Lehman, c'est pour beaucoup le glas qui sonne la fin de la finance dérégulée, le crépuscule de l'ère "néolibérale", qui glorifiait la cupidité 
et ringardisait l'action publique. Après Lehman, l'Etat allait revenir en force, taxer les riches qui spéculent, mettre les banquiers en prison, reprendre la main sur l'économie, donner un cap aux Français déboussolés. Avec leur nouveau président démocrate, les Américains eux-mêmes semblaient solder la fin des années Bush avec leurs hausses d'impôts, leur réforme de la finance et leur "sécu" toute neuve. Les grand-messes du G20 mettaient en scène l'union sacrée des souverains pour dompter la finance folle et éviter la dépression économique. Pendant plusieurs années, les politiques ont fait de la faillite du libéralisme l'unique fil directeur de leurs discours de campagne.

Mais ce récit bien commode s'est vite heurté à la réalité.

Paralysé par le surendettement et son interventionnisme brouillon, l'Etat a vite montré les limites de son action. Car le déclencheur de la crise, ce n'est pas Lehman Brothers mais le surdendettement hérités des années de taux bas et de laxisme réglementaire: celui des ménages (Irlande, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni) ou des Etats (Portugal, Italie). En France, c'est l'Etat qui est surendetté. Nul trader pervers ni hedge fund maniaque n'est responsable de la paralysie française. Nous nous sommes faits ça tous seuls, en quarante ans de gestion irresponsable de nos finances publiques : malgré une fiscalité toujours plus lourde, l'Etat n'en a jamais assez, engluée dans un spectre de missions toujours plus large. Il a abordé la crise  sans aucune marge de manœuvre, avec une dette publique colossale, et ne semble pas capable de réduire son endettement de manière crédible. La sphère publique, qui dépense 57% du PIB dans notre pays, doit évidemment remettre ses finances en ordre, mais surtout apprendre à définir sa zone d'intervention, ce qui est de son 
ressort et ce qui ne l'est pas. La crise forcera l'Etat à délimiter le périmètre de son action.

Un exemple criant en ces temps de néo-colbertisme revendiqué : il est grand temps de rompre avec le capitalisme de subvention qui empoisonne ce pays depuis tant d'années. Assommés par une pression fiscale insensée, nos entrepreneurs en sont réduits à se faire chasseurs d'aides publiques et de niches fiscales : jeunes entreprises innovantes, FCPI, crédit d'impôt pour la recherche, la compétitivité et l'emploi, emprunt bonifie de la BPI, subventions pour les 34 filières d avenir, etc. A force de vouloir être partout, l'Etat rend son action illisible, et favorise le capitalisme de connivence : corruption soft par les grands patrons influents, coup de pouce à la petite PME méritante qui a tapé dans l'œil du ministre. Avec, en prime, le retour de la planification concertée façon Jean Monet : l'organisation par la puissance publique elle-même d'une kermesse aux subventions où les entreprises en place peuvent décider elles-mêmes qui mérite de faire partie du club. Bref, une gabegie contre-productive dans l'économie contemporaine. C'est elle que nous dénonçons dans notre dernier livre Dix Idées qui Coulent la France (Flammarion).

Bien sûr, l'Etat a un rôle essentiel à jouer pour accompagner les mutations économiques que connaissent, depuis plusieurs décennies, tous les grands pays : la transition vers une économie de services et de la connaissance. Pour le faire, l'Etat doit "mettre la table", c'est à dire créer les institutions et la fiscalité stables qui encouragent les talents, français ou étrangers, à venir créer de la valeur chez nous. Il doit mieux financer l'éducation et la recherche fondamentale - la désaffection pour la science tient en grande partie dans la faiblesse des salaires dans l'enseignement supérieur. Il doit promouvoir les emplois de services tout en préservant le pacte social auquel tiennent les Français. Vaste programme, mais réalisable.


Dans ce cycle long, la crise a agi comme un divertissement néfaste dans notre démocratie gouvernée par la communication et l'effet de manche. Elle a permis aux politiques de surfer sur la vague antilibérale, sur fond de nostalgie des Trente glorieuses et de pompidolisme vintage. Elle a détourné l'attention des gouvernants français -  de droite et de gauche - des véritables enjeux de la société post-industrielle. Nous avons perdu cinq précieuses années, mais il n'est pas trop tard.

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