Comment Blackberry a perdu la guerre des smartphones<!-- --> | Atlantico.fr
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Plusieurs analystes de marché estiment que Blackberry sera bientôt contraint de démanteler son activité smartphone.
Plusieurs analystes de marché estiment que Blackberry sera bientôt contraint de démanteler son activité smartphone.
©Flickr/Arrayexception

Echec et mat

S'il a su un temps s'imposer comme le premier rival d'Apple, Blackberry se trouve aujourd'hui au fond du gouffre. Certains spécialistes s'attendent même à une disparition pure et simple de l'équipementier.

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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Atlantico : Plusieurs analystes de marché estiment que Blackberry sera bientôt contraint de démanteler son activité smartphone après une suite de mauvais résultats. Comment expliquer que cet ancien géant ait finalement perdu la guerre du « téléphone intelligent » face à Apple et Samsung ?

David Fayon : On peut comparer cette situation à l'échec qu'a connu Nokia dix ans auparavant. L'entreprise finlandaise n'avait pas su se repositionner à temps sur la technologie 2.5G (GPRS, technologie précédant l'arrivée d'internet sur les téléphones, NDLR). Blackberry, à une époque où il s'appelait encore RIM, a réussi à être suffisamment innovant pour s'imposer sur le marché des cadres supérieurs, bien que cela n'ait pas duré sur le long terme. En dépit d'un nombre conséquents de brevets déposés, Blackberry n'a pas su concrétiser les applications commerciales de ces avancées technologiques, à l'inverse d'Apple qui a su mettre pleinement à profit ses 5 versions de l'Iphone (versions intermédiaires non comprises).

Par ailleurs, ce que l'on appelle « l'interface homme-machine » (micro-clavier) du modèle Blackberry apparaît somme toute ratée en comparaison de ce qu'ont fait Apple, puis Samsung. Le premier s'est distingué comme chacun sait par un fort potentiel d'innovation ces dernières années, tandis que le second a su très bien suivre la tendance en s'imposant de façon hégémonique sur le marché. Windows tente quant à lui de se repositionner dans ce nouveau contexte avec Windows Phone et Windows 8, ce qui relègue actuellement Blackberry à la place de quatrième. On peut légitimement se demander si l'entreprise n'est pas vouée à un lent déclin ou à un éventuel rachat, si l'on trouve des intéressés.

L'ensemble des brevets amassés par Blackberry aurait une valeur d'environ 5 milliards de dollars. Le principal échec de l'entreprise est-il finalement davantage commercial que technologique ?

Ce ne serait pas la première fois. On peut faire un parallèle avec le travail du « Palo Alto Center », centre de recherche détenu par Xerox, dont les innovations sur l’interface homme-machine ont largement inspirés les produits Apple par la suite. Blackberry ne souffre pas tellement d'un problème de Recherche et Développement mais de « go to market », domaine dans lequel Apple est à l'inverse très doué. La question est maintenant de se demander si Blackberry ne sera pas à la fois un nouveau Xerox, concrétisant mal ses innovations, et un nouveau Nokia qui n'a pas su s'adapter aux évolutions globales du marché.

Quel peut-être l'avenir proche de l'entreprise dans ces conditions ? Doit-on s'attendre à la voir disparaître ?

L'un des futurs envisageables pour Blackberry est d'être rachetée en totalité, l'acheteur « dépeçant » la boîte en prenant ce qui l'intéresse et en revendant ce qui ne l'intéresse pas. Le portefeuille de brevets et le logiciel peuvent ainsi être réindustrialisés ou marketés, ce qui les rend toujours dignes d'intérêts pour les concurrents qui restent en piste. Parmi les acheteurs potentiels on trouve Apple, bien que ce soit peu probable, Samsung et Microsoft. C'est ce dernier qui semble cependant le plus plausible, car le fait de récupérer certains actifs de Blackberry lui permettrait de revenir dans le jeu face à Apple et Samsung.

Certains pensent que le marché du smartphone est à terme menacé dans son ensemble de par l'apparition des nouveaux supports (montres, lunettes...). Partagez vous ce constat ?

Je dirais que je le partage en partie. On va effectivement voir s'accentuer l'hyper-segmentation des marchés qui est en cours depuis l'apparition du PC, du smartphone et enfin de la tablette. Nous arrivons désormais à l'âge de « l'internet des objets » (IdO), qui voit se multiplier les terminaux connectés (montre, tableau de bord pour la voiture, frigidaire intelligent...). Il faut ajouter à cela l'apparition probable de nouveaux produits hybrides (smartphone intégré dans le vêtement, nouvelles tablettes...).

On peut estimer que le marché va être de plus en plus tiré par les besoins des seniors, qui sont encore sous-équipés, mais aussi par les cadres et les étudiants qui sont toujours à l'affût de nouvelles tendances. Enfin, les pays en voie de développement (Afrique, Chine, Inde, Mongolie...) où les opportunités restent considérables, notamment dans le secteur de la téléphonie low-cost. Ce que cherche à faire Microsoft dans le secteur de la bureautique personnelle et professionnelle avec le rachat de Skype est aussi intéressant à étudier, et il n'est pas impossible qu'ils aient leur mot à dire sur l'orientation du marché

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