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Vous avez perdu à l’Euromillions ? Consolez-vous : fantasmer sur des produits chers rend beaucoup plus heureux que de les acheter
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(Dés)illusions

De récentes études ont révélé que les consommateurs seraient davantage satisfaits par l'expérience d'un produit plutôt que par son acquisition. Ceci laisse présager une évolution radicale de notre manière de consommer, à laquelle certains secteurs se sont déjà préparés.

Maria   Mercanti-Guérin

Maria Mercanti-Guérin

Maria Mercanti-Guérin est maître de conférences au conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et enseignant-chercheur en marketing. Elle travaille sur la créativité publicitaire, les réseaux sociaux et toutes les nouvelles formes de communication qui rapprochent les consommateurs et les marques.

 

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Atlantico : Selon The Atlantic (voir ici), plusieurs études de consommation révèlent que le consommateur prend davantage de plaisir à anticiper l'acte d'achat et à désirer un produit en amont qu'à posséder ce produit après l'avoir acheté. L'acte d'achat signerait ainsi la fin de la satisfaction. Comment expliquer ce paradoxe ? Quels en sont les ressorts psychologiques ?

Maria Mercanti-Guérin : Ces études m'étonnent un peu, d'autant plus qu'elles semblent concerner principalement les consommateurs dits matérialistes. Ces derniers sont dans une logique de consommation assez addictive et c'est pour eux que le fait de désirer un produit serait plus important que l'acte d'acquisition de ce produit. Or, lorsque l'on regarde la manière dont la consommation est décrite depuis des décennies, et notamment chez Jean Baudrillard, la consommation demeure la réalisation de soi et un marqueur de distinction sociale. Il est néanmoins incontestable que la consommation évolue, même si je doute que la plupart des consommateurs ressentent ce qu'affirment les résultats de ces études.

Ce constat n'est-il pas susceptible de tuer la consommation ? Pourquoi débourser de l'argent si l'acte d'achat est voué à produire une déception ?

Je ne conçois pas l'acte d'achat comme pouvant aboutir à la déception. Un tel cas de figure ne peut survenir que si l'on a survendu le produit en amont par le biais de la publicité et de la communication autour de ce produit. Ce qui tue réellement la consommation, c'est la perte de pouvoir d'achat, et non pas la déception générée par l'achat d'un produit.

A l'heure actuelle, beaucoup de marques commencent à envisager de nouvelles stratégies tenant compte de ces problèmes de communication et de pouvoir d'achat. Ainsi sont apparus de nouveaux concepts tels que la consommation responsable, la consommation durable, la chasse au gaspillage et au jetable, l'économie du partage... Ces derniers laissent présager du futur visage de la consommation.

Les marques devraient-elles prendre ces données au sérieux en adaptant leur stratégie commerciale ? Faut-il investir dans la qualité de l'expérience consommateur sur le modèle des marques de luxe, et ce sans forcément espérer de retombées à court terme au niveau des ventes ? N'est-ce pas prendre le risque que les clients se contentent de se promener dans la magasin sans acheter ?

Au départ, l'expérientiel était réservé au domaine des services et de l'immatériel. Celui-ci a ensuite été appliqué au marketing, comme l'illustre très bien, par exemple, l'Apple Store. Ce dernier constitue, en effet, une expérience fantastique pour les consommateurs.En termes de vente, le risque provient principalement d'Internet où pourrait se réaliser les ventes exclusivement à l'avenir, tandis que les traditionnels points de vente deviendraient des lieux d'expérience. Le processus de décorrellation de l'acte d'achat de la découverte du produit est en marche. Ce nouveau modèle pose de nombreux problèmes, par rapport au devenir des vendeurs, de la rentabilité des magasins...L'expérientiel est intéressant notamment pour nourrir une marque mais il convient de l'appliquer de façon parcimonieuse pour éviter de couper le contact avec la vente directe du produit.


Du point de vue des marques comme du consommateur, faut-il donc se tourner vers des biens plus "immatériels", et "payer pour des expériences" plutôt que pour des objets ?

C'est ce que beaucoup de marques veulent faire de plus en plus. L'économie immatérielle est d'ailleurs le grand sujet de demain qui a déjà touché le secteur de la musique. Dans cette optique, la valeur d'usage, qui, de plus, respecte davantage la planète, est au centre des préoccupations. Actuellement, beaucoup de recherches en marketing s'intéressent au phénomène d'accumulation des objets qui étouffent le consommateur dans son espace de vie parce qu'il en possède beaucoup, ce qui entraîne donc un phénomène de jetage et de gaspillage. L'objectif serait donc de mettre un terme à ces deux phénomènes nuisibles pour l'environnement. Néanmoins, je pense qu'à terme, l'usage sera plus onéreux pour les consommateurs que la possession.

Notons tout de même la contradiction qui existe entre le fait de dire aux consommateurs de ne pas gaspiller pour protéger la planète et en même temps de les inciter à consommer. Cette schizophrénie montrer bien l'évolution vers laquelle tend la consommation. Cette évolution a largement été induite par la crise qui nous fait aller de plus en plus vers un mode de consommation C-to-C (entre particuliers). Le succès du site Leboncoin est d'ailleurs révélateur de l'amorce de ce phénomène. Finalement, peu importe les évolutions, ce dont on se rend compte, c'est que le consommateur continue de consommer, tenant compte ou non, de l'aspect écologique de la consommation.

A côté de cela, on constate dans certains secteurs, notamment l'habillement, un début de tendance qui vise à faire payer les individus pour pouvoir pénétrer dans un magasin, surtout s'ils n'achètent pas. Ce paiement viserait ainsi à rétribuer le temps consacré à la mise en place du parcours expérientiel pour le consommateur. Les centres commerciaux y réfléchissent car le phénomène de promenade demeure un problème pour eux. Je doute cependant du succès d'une telle mesure, ou bien éventuellement, peut-être, pour des marques très fortes pour lesquelles le consommateur serait prêt à payer afin de vivre une expérience. On pourrait imaginer assez aisément le magasin Louis Vuitton sur les Champs-Élysées le faire, au regard de la queue que celui-ci génère. Même si vous n'accédez pas au luxe à travers l'acquisition d'un bien, le seul fait de voir le luxe constitue un service qu'on vous rend et qui pourrait en contrepartie nécessiter un paiement.

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