La France joue gros : Ouattara doit être exemplaire<!-- --> | Atlantico.fr
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La guerre civile mine le pays depuis bientôt dix ans.
La guerre civile mine le pays depuis bientôt dix ans.
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Guerre civile

Alain Juppé l’avait annoncé, la « chute » de Laurent Gbagbo était inéluctable. L’arrestation lundi du Président sortant dans sa résidence d’Abidjan, par des éléments des Forces Républicaines de Côte-d’Ivoire appuyées par l’ONUCI et la Force Licorne, vient donc parachever la victoire du Président Ouattara. Celle-ci pourrait cependant être lourde de conséquences si la communauté internationale et la France en particulier n’assument pas leur nouvelle responsabilité.

Louis-Marie Bachelot

Louis-Marie Bachelot

Louis-Marie Bachelot est président du parti Alternative Libérale.

Il est consultant indépendant en biotechnologies.

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Les quatre mois de crise post-électorale que vient de traverser la Côte-d’Ivoire n’auront été qu’un énième et tragique rebondissement d’une véritable guerre civile qui mine le pays depuis bientôt dix ans. Les pouvoirs politiques français successifs y jouent un rôle trouble depuis l‘intervention controversée de septembre 2002 ayant menée aux accords de « Marcoussis ».

Or, il n’est jamais bon de prendre parti dans une guerre civile où les deux camps sont visiblement peu recommandables et dans laquelle les ressorts ethniques et religieux sont évidents. Les atrocités commises par les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara, directement ou par mercenaires interposés, à Duékoué, Blolequin et ailleurs, en témoignent.

La réconciliation risque d'être difficile

Et pourtant, le Président Sarkozy l’a fait, sans même consulter le Parlement Français, et qui plus est sous un prétexte fallacieux. Le pilonnage intensif des forces pro-Gbagbo il y une semaine et au cours du week-end dernier sont allées en effet ostensiblement au-delà de la seule destruction des armes lourdes en vue de protéger les civils, comme le stipulait la résolution 1975. Résolution dont on pouvait, sur ce point, légitimement attendre qu’elle s’applique aux deux camps.

La Côte-d’Ivoire a donc désormais un Président dont la légitimité est, d’ores et déjà, doublement entachée aux yeux de près de la moitié de la population ivoirienne : la tâche indélébile du sang des centaines de victimes civiles pro-Gbagbo retrouvées dans les charniers de l’Ouest du pays et celle non moins problématique d’avoir été mis au pouvoir par l’ancien colonisateur.

La réconciliation risque donc d’être une mission ardue pour laquelle la victoire arithmétique d’Alassane Ouattara dans les urnes ne sera que peu d’aide tant le pays est divisé par une ligne de fracture claire, celle de l’ancienne ligne de front. Pour la Côte d’Ivoire comme pour les Balkans, l’Ethiopie-Erythrée ou le Soudan, une « solution » pérenne passe plus certainement par une nouvelle organisation territoriale et un changement de constitution que part le maintien des institutions actuelles, les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets.

Une constitution fondée sur les seuls droits et libertés individuelles

Pour se forger une nouvelle légitimité et travailler véritablement au retour de la paix, le Président Ouattara devrait, sans plus attendre, fixer les dates de prochaines élections législatives à vocation constituante. La nouvelle assemblée aurait ainsi pour mission de préparer une constitution totalement expurgée du concept d’ivoirité et fondée sur les seuls droits et libertés individuelles. Le respect des principes de subsidiarité et de réalité conduiraient alors vraisemblablement à la constitution d’un Etat fédéral avec au moins deux grandes zones et un statut particulier pour Abidjan.

Le Président Ouattara devrait enfin s’assurer que de manière impartiale, dans un camp comme dans l’autre, les responsabilités des atrocités commises au cours de la dernière décennie soient recherchées, établies et jugées y compris celles pouvant le mettre en cause.

Ce chemin vers une authentique démocratie libérale est long, périlleux et ingrat. La France et la communauté internationale pourraient d’ailleurs considérer qu’il s’agit désormais de l’affaire des Ivoiriens et qu’elles n’ont pas à s’en mêler. Ce serait une erreur, une tromperie. La communauté internationale et la France ont pris parti dans ce conflit. Elles ont désormais une lourde responsabilité, celle qu’Alassane Ouattara soit un Président exemplaire.

A défaut, les conséquences politiques et économiques du ressentiment légitime des Ivoiriens envers la France seront grandes dans toute la sous-région d’Afrique de l’Ouest. Mais surtout, c’est l’ensemble du continent africain qui risque d’être dissuadé pour longtemps d’avancer plus avant vers l’idéal de démocratie et de liberté dans lequel les autorités politiques françaises se drapent à chacun de leurs discours onusiens.

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