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Côte d'Ivoire : les défis 
d'Alassane Ouattara
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L'après Gbagbo

Délicate équation pour Ouattara, réconcilier le pays et relever son économie, sans avoir l'air inféodé à ses soutiens étrangers. L'analyse de Cyril Musila, chercheur à l'IFRI.

Cyril Musila

Cyril Musila

Cyril Musila est  chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Docteur en Sciences Sociales de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il enseigne également à l'Université catholique. 

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Alassane Ouattara semble sur le point de prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur son parcours personnel ?

Alassane Ouattara est un haut fonctionnaire qui a une bonne réputation économique. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a eu accès à de hautes fonctions. Il a travaillé pour le FMI, et il a sorti le pays de la crise au début des années 90 quand il a été nommé Premier ministre par Félix Houphouët-Boigny, juste avant sa mort.

Lorsque ce dernier meurt en 1993, la constitution dit que c’est au président de l’Assemblée nationale d’assurer l’intérim, à savoir Henri Konan Bédié. Ouattara, qui assurait déjà les fonctions courantes pendant la maladie de Houphouët-Boigny, voulait aussi devenir président. Le conflit éclate entre les deux hommes, Konan Bédié brandissant la constitution, et Ouattara le fait qu’il était Premier ministre et avait assuré la présidence dans les faits.

Le conflit sur ses origines part de là. Ouattara a un père burkinabé, et il a eu un certain nombre de fonctions internationales en tant que burkinabé. C’est ce qui a posé problème quand il a voulu accéder aux plus hautes fonctions en Côte d’Ivoire. C’est la naissance du concept d’ivoirité, être ivoirien de père et mère.

Est-ce que Ouattra est vu comme le président choisi par la communauté internationale ?

Si vous faîtes un sondage dans la diaspora africaine, vous verrez comment les Africains pensent : Gbagbo est le président de la Côte d’Ivoire, et Ouattara le président de l’étranger. Il a été trop soutenu par la communauté internationale, même si on ne sait pas très bien ce que cela désigne. L’ONU ? l’Union Africaine ? La France ?

C’est à Alassane Ouattara de démontrer qu’il est n’est pas le candidat de l’extérieur. C’est là son grand défi. Les gens seront très attentifs sur ce qu’il va donner en échange de tous ces appuis internationaux, de l’armement et de l’équipement qu’il a reçus. Cela serait compliqué s’il était accusé de brader les ressources, le cacao et le pétrole.

Il faut que la Côte d’Ivoire redevienne le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest, ce qu’elle n’est plus depuis que la concentration de ses ressources économiques et financières est allée vers la guerre plutôt que vers le type de développement qu’elle a connu dans les années 1970.

Qu’est-ce que ça va changer avec l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir ?

Je n’ai pas envie de me lancer dans des spéculations. La Côte d’Ivoire est divisée, pas seulement politiquement mais aussi culturellement, coupée en deux par ces problèmes d’ivoirité qui ont pris une dimension foncière. Ceux qui n’étaient pas ivoiriens de souche ont perdu leurs terres.

Il faut rééquilibrer ces choses-là. Mais il faut aussi faire en sorte que le règne de Ouattara ne soit pas vu comme le règne de la vengeance de ceux qui ont souffert dans les années passées. Son grand défi va être d’unifier deux pays, deux armées différentes, deux conceptions de l’avenir, sachant que le litige postélectoral va concentrer les rancœurs. Une autre inconnue est l’attitude des pro-Gbagbo face à un président qu’ils considèrent comme un étranger.

Il faut donc créer quelque chose de neuf, avec des équilibres nouveaux. Les Ivoiriens ont besoin de s’asseoir ensemble et de discuter, sans trop d’interférences de la communauté internationale. Les interventions extérieures créent davantage de confusion, comme on l’a vu au moment de l’élection présidentielle quand les lois du pays ont été sabordées pour créer un processus électoral ex-nihilo.

Son deuxième défi sera de réussir à ne pas faire de Gbagbo un martyr. L’un et l’autre ont eu à subir dans leur vie bien moins que ce que des gens comme Mandela ont enduré en Afrique du Sud. Il faut une capacité à encaisser, à se surpasser et à regarder plus loin que ses fonctions présidentielles. Quelle image de l’Afrique Alassane Ouattara a-t-il envie de porter dans son pays ?

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