Découverte de la matière noire : qu'est-ce que ça change ? <!-- --> | Atlantico.fr
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De la matière noire pourrait bien avoir été detéctée.
De la matière noire pourrait bien avoir été detéctée.
©Reuters

Noir c'est noir

Une trace d'antimatière pourrait avoir été repérée par un détecteur de la Station spatiale internationale.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau est professeur à l’Université Joseph Fourier, membre de l’Institut Universitaire de France et chercheur au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie du CNRS.

Il a publié en mars 2013 Big Bang et au-delà - Balade en cosmologie (Ed. Dunod) qui explique, dans un langage clair et accessible, les dernières découvertes en cosmologie, et des Univers multiples paru chez Dunod en 2014.

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Atlantico : Une équipe de chercheurs américains dirigée par Samuel Ting du MIT affirme qu'elle pourrait-être sur le point de détecter des traces d'antimatière. Ces traces pourraient avoir résulté de l'annihilation de matière noire, qui composerait 26% de notre Univers, à côté de l'énergie noire (69%) et de la matière observable (5%). Quelle pourrait être concrètement l'impact d'une telle découverte si elle était avérée ?

Aurélien Barrau : Il s’agit en fait d’une équipe internationale comptant une majorité de chercheurs européens. Le centre de réception des données se trouve au Cern, à Genève. La mesure de ces traces d’antimatière est tout à fait avérée et ne fait aucun doute. Plus de 400.000 particules d’antimatière ont été détectées. L’expérience met en évidence une importante population de positons parmi les particules cosmiques. Les positons sont les partenaires d’antimatière associés aux électrons. L’existence d’antimatière est connue et comprise depuis près d’un siècle. Sa présence en faible quantité dans l’Univers est également mesurée depuis fort longtemps. La nouveauté vient de la précision de cette mesure et des caractéristiques fines de son évolution en fonction de l’énergie. Ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas l’existence de ces positons mais leur origine.

Cette découverte pourrait laisser entrevoir des processus astrophysiques jusqu’alors inconnus ou, plus radicalement encore, des phénomènes nouveaux de physique des particules. Il s’agit finalement de poursuivre la démarche globale de l’astronomie permettant de cerner les nombreux visages de l’Univers.

Ces recherches ont pu être rendues possibles grâce au spectromètre magnétique alpha (AMS), un outil d'une valeur de 2,5 milliards de dollars rattaché à la célèbre station spatiale ISS. Quel est le principe de fonctionnement de cet outil. Pourra t-il être réutilisé pour des recherches ultérieures ?

Ce détecteur est le fruit d’une large collaboration internationale. Il est dédié à la recherche fondamentale. Il tente d’apporter des éléments de réponse à des énigmes importantes de l’astrophysique contemporaine : origine du rayonnement cosmique, nature de la matière noire, existence d’anti-étoiles. Pour avancer sur ces questions délicates, il a été nécessaire de mettre au point un détecteur d’une très grande complexité qui a demandé environ quinze année de développements. Il est mis en place sur la Station Spatiale Internationale depuis deux ans environ. Ses premiers résultats viennent juste d’être publiés.

Naturellement, il apportera de nombreuses autres données et nous travaillons sur beaucoup d’autres mesures que le signal de positons tout juste publié. Dans la prochaine décennie, AMS livrera sans aucun doute à la communauté scientifique des données précieuses. Mais, dans tous les cas, il s’agit clairement de recherche fondamentale ayant vocation à améliorer notre compréhension de l’Univers et pas de recherche appliquée ayant des retombées économiques directes. Le détecteur terminera probablement sa vie sur la Station Spatiale.

La plupart des médias affirment qu'il s'agirait d'une résolution du mystère de la matière noire. Est-ce vraiment le cas ?

On sait en effet que l’essentiel de la masse de l’Univers est invisible et de nature inconnue. C’est un des grands mystères de la cosmologie. Une énigme majeure. Depuis plusieurs dizaines d’années, nous cherchons à comprendre ce qu’est réellement la matière noire. L’une des meilleures hypothèses émises à l’heure actuelle consiste à supposer qu’elle est composée de nouvelles particules dites « supersymétriques ». Or, ces particules supersymétriques, peuvent, quand elles se rencontrent, émettre (entre autres) des positons. On peut donc supposer que le signal de positons mesuré par AMS soit un indice des ces particules supersymétriques constituant la matière noire. Il s’agirait alors d’une avancée majeure dans notre compréhension du contenu de l’Univers.

Pour le moment, il est néanmoins impossible de conclure. Il est tout à fait possible et même probable que les positons mesurés par AMS soient plutôt dus à des processus astrophysiques plus « standard » et ne soient pas liés à la matière noire. Il faut attendre encore un peu et avoir plus de données. Dans tous les cas, il s’agit d’une mesure importante pour comprendre notre environnement cosmique.

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