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Obama en Israël : quelqu'un s'intéresse-t-il encore au conflit israélo-palestinien ?
©Reuters

Première

Le président américain Barack Obama effectue sa première visite de chef d''État en Israël. Un déplacement inédit qui ne déchaîne pourtant pas les passions, et qui laisse de nombreuses questions en suspens.

Sébastien  Boussois

Sébastien Boussois

Sébastien Boussois est Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'OMAN (UQAM Montréal) et consultant de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism). Il est l'auteur de Pays du Golfe les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin, 2019), de Sauver la mer Morte, un enjeu pour la paix au Proche-Orient ? (Armand Colin) et Daech, la suite (éditions de l'Aube).

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Atlantico : Barack Obama effectue son premier voyage en Israël depuis son accession à la présidence américaine. Comment interpréter ce déplacement de celui que les Israéliens accusaient d'être trop "pro-arabe" ?

Sébastien Boussois : A plus de 60%, les Israéliens ont toujours une opinion très négative de Barack Hussein Obama, prix Nobel de la paix 2009 et la majorité ne lui fait donc pas confiance. En réalité, il y a plusieurs raisons à cela, et pas seulement le discours du Caire en 2009 qui se révélait prometteur pour les pays arabes et pour le rapprochement entre le Moyen-Orient et la vieille Amérique. Malheureusement, le contexte régional tout comme l’indéfectible appui américain à Israël en définitive n’y a rien changé. Il y a depuis quatre ans, et ce à différentes phases du mandat d’Obama, eu des pics de tension et une incompréhension entre Netanyahou et  Obama qui ne s’apprécient pas plus que Sarkozy et le premier ministre israélien d’ailleurs. Faut il rappeler l’humiliation d’Obama qui se vit recevoir une fin de non recevoir au moratoire sur le gel de la colonisation dans les territoires et à Jérusalem-est en 2010 par Bibi et la honte infligée à Joe Biden, le vice président américain qui s’était vu recevoir des promesses vaines puisque le lendemain de son départ, le gouvernement donnait son accord pour la construction de nouvelles implantations en 2010. Nous savions tous que Obama ne pourrait rien faire lors de son premier mandat, et nous avons tous espéré un rééquilibrage des rapports de forces entre les deux personnalités, maintenant que le Président américain est dégagé d’une potentielle nouvelle réélection.

Il n’en est rien à l’heure actuelle et comme avait dit Georges Bush junior "J’ai des millions d’électeurs juifs, en ai je autant d’arabes ?". Tout est dit sur les choix stratégiques américains. Obama après la méthode forte va tenter la méthode douce, mais il a affirmé depuis un mois venir pour une "visite officielle de courtoisie" et ce sans plan de relance des négociations. Symbole de son parcours : il ira à Jérusalem, Ramallah et Amman. Rien de spécial n’est prévu à Tel Aviv mais peut être aurait il pu réaffirmer un minimum de ses convictions, et notamment celle qui veut que comme toute la communauté internationale quasiment qui la soutient, la capitale de l’État d’Israël soit là et non pas à Jérusalem où il profitera pourtant de toutes les institutions nationales. Ce qui est contesté depuis des décennies bien entendu par les Palestiniens. Cela aurait pu être un geste fort. Au lieu de cela, Obama va être baladé comme dans un voyage organisé. Par ailleurs, après le départ de la charismatique secrétaire d’Etat Hillary Clinton, qui a parcouru la région pendant quatre ans et le plus flegmatique et discret John Kerry à sa succession, et face à l'Égypte des Frères musulmans, Obama a la possibilité de reprendre la main sur les grands dossiers qui l’interpellent comme Bibi : l’Iran, la Syrie, et en dernier lieu la question palestinienne. La question est cella là : dans la transformation régionale unique que connaît le Moyen-Orient, le meilleur médiateur des grandes crises sera-t-il encore international ou redeviendra-t-il régional ? Et à ce sujet, les appétits sont aiguisés : l’Égypte et la Turquie notamment.  

Le conflit israélo-palestinien n'occupe plus une place centrale dans la politique étrangère américaine, Obama se rend d'ailleurs en Israël sans plan de paix. Qui ce conflit intéresse-t-il encore ?

Sébastien Boussois : Avec une note d’humour, je dirais moi. Je dirai surtout beaucoup d’intellectuels, analyses, chercheurs qui sont persuadés que la résolution de cette question signifiera peut être enfin la compréhension de deux mondes : l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, et en aval les Juifs et les Musulmans. On est aujourd’hui dans l’impasse car les tendances politiques en action sont aux extrêmes dans un contexte régional instable et totalement transformé : le gouvernement d’Israël nouvelle mouture est celui des colons, nationalistes, et religieux, fervents défenseurs du grand Israël et prêt à en finir avec la moindre concession avec les Arabes ; côté palestinien, le Fatah mortifère reste confronté à la véhémence et la popularité encore certaine du Hamas depuis la guerre de Gaza en 2012 ; tout cela dans un contexte islamisant dans la région où il vaut mieux du coup, comme le prônent les Israéliens, préférer le statu quo et la gestion de la "situation" en bon père de famille, plutôt que de tout faire exploser et ce forcément en défaveur d’Israël qui tient à son intégrité, à sa sécurité et à ses acquis territoriaux. Ils s’en satisfont très bien aujourd’hui : mur, blocus, non relance des négociations, et sécurité maximale.

Quelles conséquences cela peut-il avoir sur l'attitude d'Israël dans la région et sur la politique menée ?

Une politique cohérente et radicale : éliminer tout risque pour la sécurité d’Israël. La visite d’Obama se focalisera sur deux points majeurs : l’Iran, éternel marronnier, et la Syrie en pleine guerre civile. Deux pays sont en paix avec Israël : l’Égypte et la Jordanie et le "risque" islamiste gronde. Netanyahou a donc les coudées franches pour renforcer son cabinet à la défense, augmenter le budget à la défense, couper la Palestine en deux avec le projet à Male Adoumim à proximité de Jérusalem afin de mettre un terme à toute velléité palestinienne d’avoir enfin un vrai État considéré comme un nouveau danger pour Tel Aviv, renforcer le dôme d’acier qu’Obama va découvrir à sa descente d’avion demain, monté à l’aéroport Ben Gourion pour l’occasion. Je finirai sur les propos du président Perès il y’a un mois qui invitait tout le pays, à commencer par le gouvernement, à réfléchir et peut être réinventer sa politique étrangère, en soulignant le fait que face à un milliard et demi de musulmans, la force et l’intransigeance n’étaient peut être pas les outils les plus adaptés pour la dialogue auquel tient tant Obama.

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