Le cœur de Richard Ier a livré ses secrets... Mais pourquoi ce rituel d'embaumement du cœur des monarques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Danny Huston a incarné Richard Coeur de Lion dans le film "Robin des Bois".
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©DR

Reliques

Une équipe française a analysé les restes du cœur embaumé du roi anglais prés de 800 ans après sa mort.

Patrice Georges

Patrice Georges

Patrice Georges est archéo-anthropologue à l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), spécialiste de l’embaumement médiéval et post-médiéval.

Responsable d’opérations d’archéologie préventive, il participe depuis plus de 10 ans à des missions archéologiques en Egypte, à Alexandrie et sa proche région.

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Atlantico : Une équipe française a analysé les restes du cœur du célèbre roi anglais prés de 800 ans après sa mort. L'embaumement de l'organe révèle une conservation très élaborée. S'agissait-il d'une pratique courante ou exceptionnelle ?

Patrice Georges : Le prélèvement, l’embaumement et l’inhumation séparée du cœur sont une pratique ancienne en Angleterre et dans l’Empire. Pour le royaume de France, il est admis que ce rituel n’est attesté qu’à partir de la première moitié du XIIIe siècle. Mais la découverte archéologique d’une sépulture de guerrier dans l’église du prieuré de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) pose question. L’analyse a en effet montré que le squelette de cette tombe du XI° siècle comportait un sternum sectionné, vraisemblablement pour pouvoir extraire le cœur. Cette découverte fait écho à de nombreuses mentions d’éviscération dont la plus ancienne, pour la France, est celle du roi Charles le Chauve, mort vers la fin du IXe siècle

Et puis, rappelez-vous de la chanson de Roland : Charlemagne, après la mort de Roland et d’Olivier, et de l’archevêque Turpin, les fait préparer. Il fait ouvrir leur corps pour pouvoir recueillir leurs cœurs dans un linceul de soie.

L’embaumement du cœur se diffuse tout le long du XIVe siècle pour se muer en véritable privilège aristocratique grâce à une autorisation pontificale exceptionnelle. A partir de 1380, à la mort de Charles V, le cœur du roi est l’objet de tous les égards. Son inhumation fait même l’objet d’une inhumation spécifique. Le cœur est alors soit déposée dans un majestueux gisant, soit dans une urne richement décorée. L’objectif est multiple. Le prélèvement du cœur, comme pour les autres viscères, retarde la putréfaction. Il est donc nécessaire de l’enlever pour permettre le rapatriement du corps ou son exposition.

Mais l’attention qu’on lui porte est sans doute liée à la forte charge symbolique de cet organe, même après le Moyen Age. Les tombeaux de cœur sont réalisés à la fois pour attirer les prières et valoriser les lieux où ils reposent. Les travaux d’Alexandre Bande montrent également comment l’inhumation séparée du corps et du cœur préparés enracine la mémoire du défunt sur un territoire, l’exemple du lignage capétien sur le territoire de France étant particulièrement probant. On peut dresser une véritable cartographie des lieux d’inhumation qui se confond avec une géographie du pouvoir.

Cette pratique était-elle réservée à la royauté ?

L’expression latine souvent employée comme synonyme d’éviscération dans les textes les plus anciens tend à indiquer que ce traitement était vraisemblablement, à l’origine, réservé aux rois et à leur entourage. Pour les papes, le plus ancien témoignage d’embaumement remonte au XIIe s. A partir de la fin du Moyen Age, sans toutefois se populariser, la méthode connaît un certain effet de mode. Elle touche ainsi la petite noblesse et, plus proche de nous dans le temps, la bourgeoisie. On trouve encore ainsi des relations d’embaumement de cœur pour la fin du XIXe s., alors que les procédés chimiques permettent depuis longtemps de ne plus ouvrir le corps.

Ce type d'embaumement a-t-il un rapport avec celui pratiqué dans l'Egypte antique ?

Le mot « embaumement » est connoté. Au-delà de sa signification propre, chacun lui attribue un sens général se rapportant le plus souvent aux momies qui font la fierté des collections égyptologiques à travers le monde. Nous sommes indéniablement conditionnés par ce que nous connaissons sur le sujet. De fait, on imagine des corps entièrement conservés sur lesquels on pourrait voir les traits du visage ou la couleur des cheveux. Seulement voilà, hormis les cœurs embaumés, les archéologues ne découvrent que des os dits secs –car dépourvus de chair – avec, dans le meilleur des cas, quelques résidus de tissus et/ou de produits… ce que les historiens ont souvent attribué à une incapacité technique à combattre le pourrissement.

La méthode égyptienne était, consciemment ou non, l’exemple. Or, c’était oublier que le climat joue beaucoup… et que les buts n’étaient pas les mêmes. Les chirurgiens du Moyen Age ne cherchaient qu’à ralentir la putréfaction, le temps (de plus en plus long) des funérailles. A la différence des Egyptiens, ils ne voulaient pas atteindre une conservation pour l’éternité. Il n’y avait donc pas de contradiction avec le christianisme, les corps redevenant « poussière ». Il est difficile d’établir une relation avec l’Egypte. D’autant plus que la façon d’opérer était totalement différentes : au Moyen Age et après, on sciait le crâne pour prélever le cerveau dans sa forme globale tandis que les Egyptiens l’extirpaient pas les voies nasales.

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