Comment la dématérialisation transforme le commerce physique<!-- --> | Atlantico.fr
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La Société Générale a annoncé la disparition de dizaines de ses agences bancaires.
La Société Générale a annoncé la disparition de dizaines de ses agences bancaires.
©Flickr/myahya

Disparition

Après la Société Générale qui prévoit la disparition de dizaines d'agences bancaires, SFR vient d'annoncer la fermeture de 150 de ses magasins. Le commerce est-il voué à se dématérialiser ?

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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Nous assistons actuellement à un basculement historique dans l'histoire du commerce. Après l'invention du grand magasin par Aristide Boucicaut en 1852 à Paris (Le Bon Marché), celle de la franchise par les laines du Pingouin dans les années 1930 à Roubaix, et celle de l'hypermarché par Carrefour en 1963 à Sainte-Geneviève des Bois (soulignons au passage le rôle extraordinaire de la France en la matière ; notre pays porte au pinacle ses ingénieurs, mais dédaigne très injustement ses commerçants, pourtant tout aussi innovants), le commerce est vraisemblablement en train de vivre une nouvelle et très profonde mutation. SFR a annoncé la fermeture de 150 de ses 850 boutiques, la Société Générale va supprimer quelques dizaines d'agences en France (sur un total de 3250) et les Virgin Megastores viennent de déposer leur bilan. De même, il y a quelques mois, le numéro 1 mondial du commerce, le géant américain Walmart, avec ses plus de 2 millions de salariés et ses 405 milliards de dollars de chiffre d'affaires, a annoncé que désormais son principal concurrent n'était plus Carrefour, mais bien Amazon.

Le commerce est-il en train de basculer sur Internet ? Pourquoi ? Où cela s'arrêtera-t-il ? Plusieurs éléments peuvent éclairer ces interrogations.

Tout d'abord, ce basculement n'a rien d'une surprise. Les indices sont visibles depuis plus de 15 ans (Amazon a été créé en 1994 et eBay en 1995) et les avantages du commerce en ligne sont bien connus depuis cet époque :

  • Le client gagne un choix décuplé, une meilleure information sur les prix, les disponibilités et les caractéristiques des offres (dument confirmées par les évaluations des autres internautes), ou encore une plus grande facilité d'achat (pas besoin de se déplacer, ni de faire la queue).
  • Le commerçant économise les frais d'implantation de magasins physiques et il peut bien plus aisément connaître le comportement d'achat de ses clients, afin de les orienter vers d'autres offres et ainsi maximiser ses ventes.

Au total, d'après une étude du cabinet FaberNovel, Amazon est moins cher d'un tiers par rapport aux magasins physiques spécialisés, alors que son chiffre d'affaires est supérieur de 27% à celui de Google. Dès le début des années 2000, ces avantages étaient déjà compris et le succès du commerce en ligne pouvait déjà être anticipé. Il restait à surmonter quelques obstacles (sécurisation des transactions, vitesse de livraison), qui désormais n'en sont plus. On pensait que certaines catégories de produits imposeraient toujours des magasins physiques : vêtements, électroménager, automobile, etc. Or, après une décennie d'évolution des habitudes du consommateur, même cela semble dépassé : la vente de chaussures en ligne (avec Zalando, Sarenza ou Zappos) a ainsi été en 2012 un des secteurs les plus dynamiques dans un paysage commercial très durement frappé par la crise. L'étape suivante, tout aussi prévisible, est celle du m-commerce, ou commerce sur mobile, encore plus rapide, encore plus pratique et encore plus facile.

Que restera-t-il alors au commerce physique ? On peut remarquer qu'Apple a ouvert près de 400 magasins physiques depuis 2001, au moment où tous les grandes marques de luxe ont elles aussi cherché à intégrer leur distribution. De même, lorsque SFR ferme une fraction de ses boutiques, Free en ouvre deux par mois. On peut également citer le cas de la banque en ligne ING Direct, qui a ouvert des agences physiques. Les motivations sont diverses : contrôler rigoureusement son image, rassurer le client sur le sérieux de son offre, proposer des services encore difficiles à réaliser en ligne. Cependant, dans tous les cas, il s'agit de démarches à contre courant, répondant à des impératifs spécifiques. Ne nous y trompons pas. Nous achèterons bientôt nos fruits et légumes sur Internet. Amazon le teste d'ailleurs depuis 5 ans à Seattle sous la marque AmazonFresh et envisagerait désormais d'étendre l'expérience.

Certains magasins physiques tentent de compenser leur déficit d'attractivité par rapport aux sites de commerce en ligne, en permettant à leurs clients de consulter sur leur smartphone les informations auxquelles ils sont désormais habitués (fiches produit détaillées, vidéos de démonstration, évaluations, recommandations). Cela reste cependant le plus souvent assez artificiel et il leur sera impossible d'offrir le même choix, les mêmes prix et la même simplicité qu'un web marchand. En stratégie d'entreprise, les substituts constituent une des forces essentielles de la concurrence, capable de renverser l'équilibre d'une industrie lorsqu'ils offrent plus de valeur au client. Ce moment est semble-t-il venu pour le commerce.

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