Comment Volkswagen devrait rapidement devenir le 1er constructeur mondial<!-- --> | Atlantico.fr
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Le constructeur automobile allemand Volkswagen est actuellement le troisième constructeur mondial.
Le constructeur automobile allemand Volkswagen est actuellement le troisième constructeur mondial.
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Premier de la classe

Le constructeur automobile allemand est parvenu à sortir des difficultés qu'il rencontrait il y a 10 ans et fait désormais office de référence en Europe. Actuellement troisième constructeur mondial, il pourrait rapidement occuper la première place dans les prochaines années.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

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La santé de Volkswagen est absolument insolente. Alors que ses concurrents européens, notamment français, traversent une crise majeure, l'Allemand a pour la première fois dépassé les 9 millions de véhicules vendus en 2012, soit une hausse de 11% par rapport à 2011. Rappelons qu'en 2011, Volkswagen a réalisé un bénéfice de 15,4 milliards d’euros, soit le record historique dans l'industrie automobile. Entre 2005 et 2012, la part de marché de Volkswagen en Europe est passée de 18 à 24%. Si ce rythme se maintient, une voiture sur trois vendue en Europe en 2020 pourrait être issue du groupe Volkswagen, qui serait alors devenu le premier constructeur mondial, devant GM (General Motors) et Toyota. Volkswagen en a clairement affiché l'ambition, en annonçant le mois dernier un plan de 50 milliards de dollars d'investissements sur trois ans.

Pourtant, il y a seulement 7 ans, Volkswagen, alors en difficulté, avait été contrainte de supprimer 20 000 postes. Comment expliquer un tel retournement ? Plusieurs facteurs ont permis à Volkswagen d'assurer sa domination.

Tout d'abord, suite aux difficultés des années 2000, Volkswagen a négocié des accords de compétitivité très similaires à ceux que Renault et PSA tentent actuellement d'obtenir. En 2002, le salaire horaire d'un ouvrier français de l'industrie automobile était inférieur de 24% à celui de son équivalent allemand, mais cet écart est tombé à 2% en 2011. Si la productivité de Volkswagen s'est fortement améliorée, ce sont donc ses salariés qui en ont fait les frais, avec jusqu'à très récemment une quasi stagnation des salaires et un recours massif à la flexibilité. Le groupe a également bénéficié de l'introduction de l'euro, qui a empêché ses concurrents français ou italiens d'utiliser l'arme de la dévaluation compétitive. De fait, les modèles Volkswagen se sont retrouvés protégés d'un éventuel renchérissement du deutschemark. Reste que si en 2007 les deux tiers de la production du groupe Volkswagen étaient localisés en Europe, cette part est désormais inférieure à la moitié. Cette baisse ne s'explique cependant pas par une délocalisation des usines allemandes, mais bien par une montée en puissance des usines chinoises, brésiliennes et américaines.

L'internationalisation de Volkswagen est en effet la seconde clé son succès. Le groupe a eu l'audace de s'implanter en Chine il y a presque 30 ans. Aujourd'hui, tous les cadres du parti communiste chinois roulent en Audi A6 noires et le groupe Volkswagen détient 20% de ce qui est devenu le premier marché mondial. Parallèlement, Volkswagen fait aussi partie des constructeurs historiques au Brésil et sa position aux États-Unis s'est très fortement renforcée : en 2012, dans un marché américain en croissance de 13%, les ventes de Volkswagen ont augmenté de 35%. Les profits générés par cette remarquable internationalisation permettent à Volkswagen de pratiquer en Europe une guerre des prix que Sergio Marchionne, le PDG de Fiat, a qualifié de "bain de sang". Il est clair que dans un marché européen saturé, où la surcapacité est évaluée entre 3 et 5 millions de véhicules annuels et où les constructeurs éprouvent les plus vives difficultés à couvrir leurs frais fixes, toute augmentation des ventes de Volkswagen se fait nécessairement au détriment de ses concurrents.

La troisième explication de la renaissance de Volkswagen repose sur une politique industrielle particulièrement intelligente, avec notamment le recours systématique aux plateformes : si une Audi et une Seat sont clairement différenciées aux yeux des clients, elle partagent pourtant bien souvent les mêmes composants. Cette approche permet à Volkswagen d'amortir ses frais de conception et de production sur des volumes très importants : la plateforme utilisée par la précédente Golf a ainsi été partagée par vingt modèles du groupe (Audi A3, Seat Leon, Skoda Octavia, etc.), et celle de sa remplaçante va encore plus loin dans la modularité, puisqu'elle pourra être utilisée de la Polo à la Passat. Il en est de même pour les moteurs ou les boîtes de vitesses, qui constituent une banque d'organes dans laquelle les sept marques du groupe peuvent puiser pour proposer au total pas moins de 220 modèles.

Au total, peut-on parler de "modèle Volkswagen", à l'image du célèbre "modèle Toyota" ? La flexibilité, la globalisation et la modularisation sont certainement les clés de ce modèle, mais le groupe présente malgré tout de même quelques faiblesses : trop forte dépendance (notamment en France) au succès de la Golf, interrogations sur le positionnement de Seat, inquiétudes sur un gouvernement d'entreprise trop endogène (après la guerre avec les cousins Porsche, Ursula Piëch, l'épouse du président, vient d'être nommée au directoire). Enfin, comme tout vainqueur aussi dominant, Volkswagen n'est pas à l'abri d'un aveuglement qui lui ferait croire, comme au temps de la Coccinelle, que sa stratégie est devenue irréfutable. L'arrogance est souvent la faille des succès les plus éclatants.

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