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116 milliards de dollars pourraient être investis ces 5 prochaines années dans des programmes de villes intelligentes.
116 milliards de dollars pourraient être investis ces 5 prochaines années dans des programmes de villes intelligentes.
©DR

Le futur est déjà là

116 milliards de dollars pourraient être investis ces 5 prochaines années dans des programmes de villes intelligentes. Francis Demoz revient sur ce qui se cache derrière ces "smart cities" en évoquant aussi bien le rôle des hommes que les dérives. Extrait de "Les défis du futur : Regards croisés sur nos mutations industrielles" (2/2).

Francis Demoz

Francis Demoz

Francis Demoz est journaliste spécialiste des questions d’environnement.

Il est l'auteur de Les défis du futur: Regards croisés sur nos mutations industrielles, paru aux éditions Nouveau Monde en 2013; ainsi que de La voiture de demain : La révolution automobile a commencé, paru aux Editions Nouveau Monde en 2010.

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Smart cities : quelles places pour les nouvelles technologies dans les villes demain ?

Je vous propose d’ouvrir notre débat à la question de la ville et du lien indissociable qui existe entre la mobilité et la ville. Comment les nouvelles mobilités sont-elles en train de redessiner les villes de demain et comment, au-delà, les nouvelles technologies sont en train de prendre place dans nos villes ? L’expression même de smart city, « ville intelligente », semble être promise à un très bel avenir. Selon certaines études, 116 milliards de dollars pourraient être investis dans les cinq ans qui viennent dans ces programmes de ville intelligente. Mais que se cache-t-il derrière cette formule ?

Henri Van Damme :S’il fallait définir en un mot la manière dont on peut concevoir la ville intelligente, je dirais que c’est une ville qui donne à ceux qui l’habitent les moyens d’avoir une véritable intelligence collective. Une ville intelligente serait une cité dans laquelle l’individu serait en permanence informé sur les conditions dans lesquels il va faire son choix de mobilité, son choix d’habitat, son choix de loisir… et sur les conséquences de ce choix, et ce quel que soit son choix. Une ville intelligente serait une ville où tout serait connecté : systèmes de transports intelligents, gestion intégrée de l’énergie, des matériaux, des déchets, qualité de l’air, etc. Ce serait aussi une nouvelle forme de gouvernance et une nouvelle manière pour les citoyens de vivre ensemble, grâce notamment au numérique. La question des villes numériques et des transports intelligents représente un réel enjeu, qui n’a d’ailleurs pas échappé au Programme d’investissements d’avenir.

On compte actuellement plus d’une centaine de projets dans le monde, des villes existantes rénovées et connectées comme Manchester (Grande-Bretagne) mais aussi des villes sorties de nulle part comme Songdo en Corée du Sud ou Masdar City à Abou Dhabi. Certaines sociétés se sont positionnées très tôt sur ce domaine et sont devenues des leaders incontestés…

Bruno Marzloff :Les premières entreprises qui se sont intéressées à ce concept de ville intelligente sont effectivement devenues des sociétés leaders, comme IBM, Cisco ou Schneider Electric. Ces sociétés ont fait un choix stratégique. Je vais employer une expression qui ne va peut-être pas faire plaisir à mes interlocuteurs, mais ces sociétés ont très vite fait le choix d’abandonner ce que j’appellerais la « quincaillerie », c’est-à-dire l’infrastructure pour se concentrer essentiellement sur les données.

Henri Van Damme :Permettez-moi de modérer vos propos. En tant que représentant d’un organisme de recherche dont c’est l’une des préoccupations, je considère que ce que vous appelez la « quincaillerie » a beaucoup d’importance. Que l’infrastructure soit réellement physique, que ce soit un service d’assainissement d’eau efficace ou un réseau de communication coopératif, l’essentiel est que l’infrastructure soit là.

[…]

Quels seront le rôle des citoyens et leur pouvoir dans des villes dominées par des puces ?

Bruno Marzloff :Le citoyen doit trouver sa place au cœur de la ville et de la gouvernance et les autres acteurs doivent participer à cette évolution. Tous les changements évoqués créent la possibilité de nouvelles intelligences, mais ils soulèvent également deux défis : savoir à quelles fins on souhaite utiliser les innovations technologiques et faire dialoguer entreprises, pouvoirs publics et usagers. Nous venons de créer un observatoire des villes intelligentes baptisé « la Cité des services », afin justement de trancher avec ces idées de villes intelligentes clés en main. […] Rendre service, échanger des services, favoriser les dialogues, cela constitue le fondement d’une nouvelle urbanité […]. Le numérique ne sera qu’un élément de la formulation d’une ville nouvelle.

Henri Van Damme : C’est dans ce sens que l’on va. L’humain, le citoyen restera un élément central en faisant appel à une technologie qui sera de plus en plus présente mais aussi de plus en plus discrète. Les nouvelles technologies du numérique contribueront à optimiser les trajets des citadins […], elles permettront de mieux gérer l’énergie, détecter les fuites d’eau, contrôler la qualité de l’air, mais aussi gérer des situations d’urgence comme des attaques bactériologiques ou terroristes.

Merci pour cette vision très idéale de la ville de demain mais j’imagine que des dérives sont également envisageables, notamment dans l’utilisation massive des données, quels sont les risques ?

Jean-Marc Chery :Ces villes intelligentes vont évidemment poser des questions liées à la sécurité. Je pense notamment au smart monitoring. Comment s’assurer, par exemple, qu’un compteur intelligent, capable de communiquer avec les distributeurs d’énergie, ne soit pas piraté ?

Bruno Marzloff : Cette question du smart monitoring est intéressante. Le Conseil d’État a d’ailleurs été interpellé par UFC/Que choisir au sujet du compteur intelligent Linky au motif qu’il y avait captation par les opérateurs d’une information qui normalement doit être aussi délivrée à l’usager pour l’ajustement de ses consommations. On pressent que le débat autour de la donnée, carburant majeur de notre histoire des intelligences, ne fait que commencer.

Finalement, comment s’y prend-on concrètement pour rendre une ville intelligente ? Comment ces puces et ces capteurs sont-ils installés ? Comment sont-ils testés ?

Henri Van Damme :Va-t-on directement installer tous ces capteurs dans des habitations, des voitures et des infrastructures, ou ne devons-nous pas passer par une phase de validation, afin de tester la robustesse du système ? […] Avec le projet Sense-City, nous allons créer une miniville qui va pouvoir simuler n’importe quel événement climatique, froid, canicule, mais aussi pollution à grande échelle ou propagation de microbes. Grâce à ses milliers de micro et nanocapteurs physiques, chimiques ou biologiques, Sense-City sera capable de s’autodiagnostiquer en permanence. Sense-City sera une ville sensible, une ville qui sent ce qui se passe en elle et qui fournit tous les circuits de rétroaction aux décideurs et aux individus. Ce projet verra le jour à Marne-la-Vallée. L’expérimentation devrait débuter en 2014.

Jean-Marc Chery :Ce qui est fantastique aujourd’hui c’est que deux mondes se rencontrent, l’industrie, d’une part, qui développe depuis des années des systèmes, et la société d’autre part, qui, sur des sujets comme la ville intelligente, utilise les mêmes systèmes de simulation.

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Extrait de "Les défis du futur : Regards croisés sur nos mutations industrielles", Nouveau Monde Editions (janvier 2013)

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