Prisons : un vocabulaire bien spécifique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le langage dans les prisons reste avant tout un comportement linguistique qui affirme son appartenance aux milieux.
Le langage dans les prisons reste avant tout un comportement linguistique qui affirme son appartenance aux milieux.
©Reuters

Lexique

Issu du verlan, mâtiné de largonji et de javanais, le langage pénitentiaire reste avant tout un comportement linguistique qui affirme son appartenance aux milieux. Jean-Michel Armand précise ce vocabulaire très particulier. Extrait de "L'Argot des prisons : Dictionnaire du jargon taulard & maton du bagne à nos jours" (1/2).

Jean-Michel Armand

Jean-Michel Armand

Jean-Michel Armand est cadre pénitentiaire et directeur de la formation continue à l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire (ENAP). Il est l'auteur du livre "L'Argot des prisons : Dictionnaire du jargon taulard & maton du bagne à nos jours".

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Chaque métier a ses tours de langue comme ses tours de main. Le Pénitentiaire n’échappe pas à la règle. Côtoyant beaux mecs et pâles voyous, ses personnels ont prix eux aussi l’habitude d’argoter, partageant ainsi paradoxalement ce langage artificiel mais ô combien créatif.

[…]

Nous avons donc eu à cœur de tenter d’épingler, tels de modestes entomologistes, les mots, les expressions collectés tant auprès de la population pénale que des personnels pénitentiaires, au premier rang desquels les personnels de surveillance qui occupent une place si particulière du fait de vivre professionnellement sinon avec du moins auprès des détenus, tout en n’étant pas du même monde.

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Affaler (S’) v. arg. dét / jarg. Pol. Avouer (en dénonçant des complices), reconnaître des faits, passer des aveux. « Il a suffi que le crabe gueule un peu pour que Mouloud s’affale comme une merde sèche. »

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AilManger de l’ail, Sentir l’ail, Taper l’ail. Aarg. Dét. Jarg. Surv. Être ou paraître lesbienne. Un des grands fantasmes attachés à la vie des prisons pour femmes, supposées se livrer à toutes sortes de turpitudes saphiques. Bon nombre de surveillantes travaillent à la MAF (Maison d’Arrêt des Femmes) de Fleury-Mérogis peuvent en témoigner. Le livre de Maryse Choisy – journaliste et polygraphe – des années trente – L’Amour dans les prisons (1931) et celui de Francise Carco Prisons de femmes (1930) ont largement contribué à alimenter la chronique des tribades des prisons. Au cinéma, on s’empressera d’oublier La vie sexuelle dans les prisons de femmes d’un certain Rino Di Silvestro avec la pulpeuse ANITA Strindberg (1972) qui récidive quatre ans plus tard avec le sublissime nanard Les salopes vont en enfer (1976).

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Ami [VIEIL] n. m. Deux sens forcément opposés, selon le côté où l’on se situe. 1- arg. dét. Homme sûr, complice de confiance. 2- arg. pol. Indicateur. Syn. Balance, Casserole, Daube, Donneuse, Doulos, Gourou, Lépreux, Mignonne du larbin, Tontine.

Amphibie adj. Arg. pol. Individu suspect de par ses activités délinquantes diversement déployées à l’aise dans les eaux troubles de la voyouterie.

Anchtiber [HIST] v. Aller en prison, être incarcéré. Le verbe aurait été formé à partir du mot en Rothwelsch (argot des voleurs en Allemagne), anstiebler ou anstifter, l’instigateur d’un mauvais coup qu’on pourrait assimiler à pendard (le mauvais garçon promis au gibet).

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Babylone, Babylon n. m. Policier, représentant de l’Etat. Syn. Keuf. « Mais tu te mets à chialer lorsque ton pote se fait tirer dessus / Encore un bicot ou un négro, les babylons sont fiers / Ça les arrange, ce coup-là y aura pas besoin de bavure policière. » Sniper, La France, 2001.

Bader v. Être en admiration devant quelqu’un. « Malgré sa grande gueule et la banane qu’il avait dans le milieu, Marco le Niçois en badait pour Steph, un apprenti proxo dont la frime faisait kiffer toutes les gonzesses. »

[…]

Bagne des surveillants [HIST] n. m. exp. Arg. surv. Prisons centrales réputées les plus dures et dans lesquelles les surveillants ne souhaitaient pas être affectés. Parmi celles-ci, il semble que les centrales de Clairvaux, de Nîmes et, sans doute plus encore, celle de Fontevraud (qui a définitivement fermé ses portes en juillet 1963, sur instruction de Jean Foyer, garde des Sceaux) aient été de ces bagnes-là, tant pour les personnels que pour ceux qui y étaient détenus. Jean Genet retrace dans le Miracle de la Rose ses longues années de colon (mineur) à Mettray et de détenu : « De toutes les centrales de France, Fontevraud est la plus troublante… C’est celle qui m’a donné la plus forte impression de détresse et de désolation et je sais que les détenus qui ont connu d’autres prisons ont éprouvé, à l’entendre nommer, une émotion, une souffrance comparables aux miennes. »

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Extrait de "L'Argot des prisons : Dictionnaire du jargon taulard & maton du bagne à nos jours", Horay (novembre 2012)

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