Pourquoi l'héritage moral du christianisme tient bon malgré une pratique en baisse<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chrétiens représentent 32% de la population mondiale.
Les chrétiens représentent 32% de la population mondiale.
©Reuters

Dur à cuire

En plein débat sur le mariage pour tous, les valeurs morales du christianisme résistent malgré une pratique en baisse. Selon une étude du centre de recherche américain Pew sur la religion, les chrétiens représentent 32% de la population mondiale. Fort de 2,2 milliards de fidèles, il s'agit du premier groupe religieux au monde.

Jean-Sébastien Philippart

Jean-Sébastien Philippart

Jean-Sébastien Philippart est philosophe. Il est Conférencier à l'Ecole Supérieure des Arts de Bruxelles. Il est également auteur pour la revue MondesFrancophones.com.

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Nul besoin d’être un grand sociologue pour observer que l’éloignement des croyants qui abandonnent l’Eglise, la baisse de la pratique eucharistique et la pénurie de vocation ont signé la fin d’un catholicisme sociétal. La récente étude de l’institut de recherche américain Pew Forum confirme cette tendance massive à la sécularisation : dans le monde, une personne sur six se déclare sans « affiliation » religieuse, ce qui constitue l’équivalent de la population catholique mondiale.

Et pourtant, dans nos sociétés occidentales, il semble qu’un fonds religieux subsiste à la religion. Loin d’être passée à une société post-chrétienne, la culture européenne, si elle est de bonne foi, reconnaîtra dans le christianisme la matrice de nos valeurs fondamentales. Le succès d’un livre comme Le Christ philosophe de Frédéric Lenoir en témoigne. Débarrassée du « mal » institutionnel qui aurait subverti le message, la morale évangélique devient tout à fait souhaitable même pour un laïc. Pour n’être pas fausse, l’explication me paraît cependant un peu courte.

Si le christianisme a en effet modelé notre civilisation en l’imprégnant du triptyque « liberté, égalité, fraternité », il reste que l’Evangile réduite à une promotion de ces valeurs ne présente dès lors plus rien de singulier. Rappelons par exemple que le « pardon » que beaucoup tiennent pour la valeur cardinale de l’Evangile est déjà à l’œuvre dans le Criton de Platon. La question porte donc moins sur les valeurs que sur le rapport à ses valeurs. C’est que le génie du christianisme qui doit expliquer sa perdurance, avant toute considération en termes de « contenu » éthique, est une affaire de style ou de manière.

La force du christianisme qui travaille encore nos sociétés, fût-ce de façon souterraine, consiste selon moi en une libération du carcan métaphysique auquel s’expose tout rapport à un idéal. Celui-ci court toujours le risque de se figer dans une séparation mortifère entre le pur et l’impur : le monde des idées (pures) tyrannise ainsi le monde d’en bas (impur) en le mettant en demeure d’accomplir une loi qui ne peut vouloir que la négation de l’existence. Toute la singularité du christianisme est alors d’avoir imprimé dans le tissu occidental le modèle d’un absolu qui non seulement se donne et se partage (ce que Platon ne peut pas penser) mais va jusqu’à faire corpsavec l’existence terrestre.

Autrement dit, que nos projets, à commencer par le projet démocratique, soient traversés par l’espérance (qui n’est pas une valeur mais une vertu), c’est-à-dire par la capacité à croire réellement que nous ne sommes pas soumis à un décret divin et que donc l’avenir est ouvert, c’est à la folie d’une tradition que nous le devons. La tradition de ceux qui ont témoigné et témoignent encore du fait que la fraternité n’est pas une idée ou un idéal, mais qu’elle est implantée dans le monde et prête à éclater pourvu que nous y mettions du nôtre. Et c’est sans doute ce grain de folie qui fait la saveur du christianisme que l’on entrevoit dans les valeurs dites « chrétiennes ».

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