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Crash test : le secteur automobile doit s'adapter ou mourir
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Voie de garage

Pour Jean-Pierre Corniou, l'avenir de l'automobile sera multimodal, multi-énergies et multi-choix ou ne sera pas. Extrait de "1,2 milliard d'automobiles 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (1/2).

Jean-Pierre avec  Marine Corniou

Jean-Pierre avec Marine Corniou

Jean-Pierre Corniou, consultant, est DGA de Spa Conseil. Sa fille, Marine Corniou, journaliste, a également contribué à cet ouvrage.

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Toute l’histoire de l’automobile oscille autour de ces deux pôles d’une part un désir individuel de liberté et de reconnaissance statutaire, d’autre part une réponse fonctionnelle efficace à un besoin de déplacement. Où mettre le curseur ? Qui doit le positionner ? Le marché, avec l’arme du prix, l’État avec les lois et la fiscalité ? Et dans quel but ultime ? On ne modifie pas aisément un modèle qui a fait ses preuves, car la tolérance à la réglementation et au prix est proportionnelle à la valeur d’usage. L’automobile a un puissant pouvoir d’attraction, addictif même, qui pèse sur les décisions individuelles. Changer cet équilibre micro-économique se révèle très délicat. La vérité est qu’il n’existe pas d’autorité en mesure de modifier rapidement la course de l’automobile vers les volumes. Il n’y a pas de pression suffisante ni sur les coûts ni sur les conditions d’usage pour que les automobilistes s’autodisciplinent et que les constructeurs adoptent une limitation volontaire des puissances. Rien dans plus d’un siècle d’histoire de l’automobile qui a pourtant connu de multiples crises internes et liées ou pétrole ne permet d’envisager une rupture dans les pratiques.

[...]

La question centrale de ce début de XXIe siècle, après 130  ans d’essor continu de l’automobile, est bien de s’interroger sur la poursuite de cette croissance sans frein et sans vision globale. En 2011 ont été produits 80 millions de voitures particulières et d’utilitaires légers.Le stock mondial de véhicules est estimé à 800  millions. En 2011 également, l’Agence Internationale de l’Énergie estime que la production de gaz à effet de serre, sous forme de CO2 a atteint le record absolu de 31,6 gigatonnes, en augmentation de 3,2 % par rapport à 2010. Le pétrole représente 35 % de ces émissions. On considère que la production d’automobiles devrait monter à 120 millions par an et le stock rapidement dépasser, vers 2020, 1,2  milliard de véhicules puis en 2035 1,7 milliard. Quelles conséquences pour le monde ? Quelles tensions sur les ressources naturelles, matières premières, énergie, espace ? Quelles conséquences sociétales pour les villes et la santé publique ?

L’automobile, l’industrie des industries, est devenue un système mondial qu’il faut traiter dans sa globalité. Or les questions complexes impliquent une vue systémique des interactions entre composants et échappent aux modes de régulation classique qui ne traitent généralement qu’un élément à la fois  : emploi, développement économique, sécurité, énergie, pollution, urbanisme, infrastructures… Or toute l’histoire de l’automobile est marquée par des décisions de circonstance. À chaque problème, à chaque époque, sa solution. La mobilité englobe chacun des composants et fait l’objet quotidiennement de micro-arbitrages de chaque acteur social. L’automobile suscite des passions intenses, ceux qui l’adorent comme ceux qui la détestent… Mais au moment de choisir un moyen de transport, ce sont des considérations économiques et pragmatiques qui l’emportent.

Aussi il n’est pas question d’adopter un point de vue polémique ou à charge, mais d’observer qu’en toutes choses, le poison, c’est la dose. Au-delà de certaines limites, un bienfait se transforme en problème.

Quarante ans après le rapport Meadows, publié pour le Club de Rome en mars 1972, on constate que se confirment les prévisions de ces experts, très contestées à l’époque. Ils mettaient en évidence, pour la première fois, les tensions inéluctables que la croissance de la population et de la production allaient créer sur les ressources naturelles. Le rapport Randers, publié en mai  2012, est encore plus pessimiste. Il constate que si les données ont été confirmées par les faits, l’absolue incapacité de la communauté humaine à se doter d’une vision et d’une gouvernance à long terme renforce les risques de rupture systémique avant la fin du siècle. Le scepticisme cynique qui a pu, un temps, servir de stratégie n’est plus de mise. Vouloir négliger l’impact d’une augmentation d’un tiers de la demande d’énergie d’ici 2035, avec une population accrue de 1,7  milliard d’hommes, serait d’un absurde pathétique.

Aussi, prendre position pour dégager des solutions est devenu une ardente obligation.

Nous pensons, en refusant toute schématisation du débat entre autophiles et autophobes, que l’automobile ne peut plus avancer à l’identique et doit se transformer.Ce qu’on appelle crise de l’automobile dans les pays matures n’est que l’expression de cette transformation, plus subie que préparée. Mais si les pays matures doivent reconsidérer leur relation à l’automobile, il en est dès maintenant de même pour les pays émergents. Ils sont confrontés à la responsabilité de satisfaire les besoins de mobilité de leur population en intégrant la vision globale de l’impact de l’automobile sur la société et les ressources naturelles. Ils ne peuvent désormais en ignorer les défis et doivent contribuer à faire émerger les solutions. Aussi la fuite en avant des constructeurs vers les pays émergents avec un modèle de développement identique à celui parcouru par les pays pionniers ne peut être considérée comme une option durable, même si elle semble apporter un répit salvateur.

De toutes les réflexions sur la mobilité en cours dans le monde, un consensus émerge. L’avenir sera multimodal, multi-énergies, multi-choix. Pour construire ce futur de façon équilibrée, en minimisant les crises et les tensions, une politique volontariste et sans démagogie s’impose. Pour éviter l’affrontement et la crise, les options du futur imposent l’analyse fine et documentée des solutions, la concertation entre acteurs, la complémentarité plutôt que l’opposition frontale et idéologique. L’avenir de l’automobile s’inscrit dans un débat plus large, l’avenir de la civilisation. Il en constitue une pièce majeure. Aucun pays, aucun groupe social ne peut en porter seul le poids. Il ne peut être le fruit que d’une vaste réflexion internationale rassemblant les industriels de l’automobile et de l’énergie, les autorités responsables du transport, les États, les scientifiques, comme les représentants des peuples, citoyens et consommateurs. Un tel exercice n’a jamais encore eu lieu. Est-il utopique ?

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Extrait de "1,2 milliard d'automobiles 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?"  Ed. Lignes de repères (octobre 2012)

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